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- Volume 17 (2013)
- numéro spécial 1
- Effet de la date d'épandage sur l'efficience et le devenir de l'azote du lisier appliqué en prairie permanente en Haute Ardenne
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Effet de la date d'épandage sur l'efficience et le devenir de l'azote du lisier appliqué en prairie permanente en Haute Ardenne
Résumé
En Haute Ardenne et au Pays de Herve, régions herbagères, les lisiers sont de loin les principaux engrais de ferme produits et la première source d'azote apportée en prairie permanente. Dans cet article, l'efficacité du lisier bovin a été déterminée à différentes périodes d’épandage, comparativement aux engrais minéraux. Les résultats de deux essais de longue durée et d'un essai en micro-parcelles avec utilisation de 15N sont présentés. Il en ressort que la contribution de fertilisants minéraux ou organiques ne porte que sur 25 % en moyenne de l'azote absorbé par la prairie ; que l'efficacité des apports de lisier réalisés au printemps dans des conditions d'épandage favorables est très proche de celle de la fumure minérale et que les pertes d'azote en prairie sont très faibles et se limitent souvent à la volatilisation consécutive à l'épandage.
Abstract
Efficiency and fate of slurry N applied to permanent grass in Ardenne (Belgium) – Effect of the choice of spreading period. In Haute Ardenne and Pays de Herve, areas devoted to grass, slurry represents the main source of nitrogen; slurry is applied on permanent pasture. This paper aims to compare the nitrogen efficiency of cattle slurry with that of mineral fertilizers and to determine the influence of the choice of spreading period on N use by grasses. Results from two long terms trials and from one in micro plots using stable 15N are presented. Results show that the fertilizers applied (organic and mineral) only affected at a mean level of 25% N absorbed by grassland. The efficiency of spring slurry applications carried out in favorable spreading conditions matched those of mineral N. From our results, it can be concluded that N losses in grasslands are very low and are due to volatilization just after the spreading of slurry.
Tabla de contenidos
1. Introduction
1En Haute Ardenne et au Pays de Herve, le lisier de bovin constitue le principal engrais de ferme produit et appliqué généralement en prairie permanente (Godden et al., 2013) qui représente jusqu'à 90 % de la SAU (Superficie Agricole Utile).
2En application du Programme de Gestion Durable de l’Azote - PDGA (AGW15/2/2007), les épandages de lisier ne peuvent être réalisés que du 1er février au 15 septembre, avec toutefois une autorisation d'une application à raison de 80 kg N·ha-1 maximum sur sol non gelé et non couvert de neige à partir du 15 janvier.
3L'objectif de cette étude est de mesurer l'efficacité de l'azote du lisier appliqué tant pendant ces périodes autorisées que plus précocement (décembre).
4Pour cela, on va :
5– comparer l'efficience de l'azote provenant du lisier à celui d'engrais minéraux, en prairie ;
6– déterminer l'incidence de la date et de la dose d'épandage sur l'utilisation de l'azote par la prairie et les risques de lessivage (lixiviation).
7À cette fin, les résultats de deux types d'expérimentations, les unes de longue durée en prairie de fauche et l'autre recourant au marquage isotopique en micro-parcelles, sont exploités dans cet article.
2. Matériel et méthodes
2.1. Essais longue durée
8Deux essais en blocs aléatoires complets avec quatre répétitions ont été menés dès 1993 sur des grandes parcelles en prairie permanente de fauche en Haute Ardenne (Bullange - Honsfeld et Saint Vith - Neidingen) situées à 600 et 450 m d’altitude, avec une température moyenne annuelle de 7 °C, des précipitations annuelles de 1 300 mm et 140 jours de gel, répartis sur toute l’année.
9Pour les expérimentations de longue durée, les parcelles individuelles ont une superficie de 75 m2 (15 m x 5 m) séparées par des chemins de passage de 20 m de large entre les blocs et 2,5 m entre les rangées. La récolte est effectuée sur une bande centrale de chaque parcelle de 15 m de long sur 1,50 m de large. Ces parcelles « utiles » ont donc une superficie de 22,5 m2.
10Les caractéristiques des lisiers utilisés sont reprises dans le tableau 1.
11Les modalités d'application de lisier et d'engrais minéral des deux essais (GUMIKO et ERGU) figurent aux tableaux 2 et 3.
2.2. Essai avec marquage du lisier (15N)
12Un troisième essai a été réalisé sur le site d'Elsenborn (commune de Bütgenbach, 600 m d'altitude), en micro-parcelles de 6,6·10-2 m2, cylindres métalliques de 30 cm de profondeur enfoncés dans un couvert de ray-grass existant homogène et bien développé.
13Le lisier bovin a été marqué par incubation avec de l'urée marquée (10 At %15N) à température ambiante de septembre à novembre.
14Après deux mois d'incubation, le lisier (présentant une composition initiale de 0,4 % N, il est enrichi jusqu'à 0,45 % N dont 0,27 % N-NH4) possède un enrichissement isotopique homogène de 1,333 At%15N.
15Dans cette expérimentation, une dose unique de 80 kg N·ha-1 de lisier a été appliquée à différentes périodes et comparée à celle de nitrate d'ammoniac appliqué à deux périodes au printemps.
16Ce nitrate d'ammoniac présentait un enrichissement isotopique de 2,161 At%15N. Les dates d'application du lisier et de l'engrais minéral marqués figurent dans le tableau 2.
17Le nombre de répétitions de chaque objet est de quatre.
18Pour la présentation de ces résultats, ceux-ci sont exprimés en :
19– efficience définie comme la quantité de matière sèche produite ramenée à l'unité d'azote apportée (kg MS·u N-1) ;
20– efficience relative définie comme le rapport entre efficience du lisier et efficience de l'engrais minéral, exprimé en % ;
21– CRU, Coefficient Réel d'Utilisation de l'azote : ce coefficient d'utilisation représente la part d'azote réellement absorbée en provenance du lisier ou de l'engrais. Il est calculé sur base du rapport des excès isotopiques (At % -0.3663) des exportations d'azote dans la partie aérienne et de l'excès isotopique de lisier ou de l'engrais minéral, suivant la formule :
3. Résultats
3.1. Efficience du lisier apporté en prairie
22Dans l'essai GUMIKO (Tableau 4), l’efficience relative à l’azote du lisier (par rapport à l’engrais minéral) s’élève à 88 % sur l’ensemble de la période expérimentale pour des apports réalisés entre avril et septembre.
23Dans l'essai ERGU, comme le montre la figure 1, l’efficience est fort variable selon la date d'application du lisier ; elle est maximale pour les apports de printemps et est même très légèrement négative pour l'apport de fin aout, mais il faut considérer qu’il ne s’agit ici que d’un complément de fertilisation.
3.2. Coefficient d’utilisation de la fumure
24Le CRU est progressivement croissant de décembre à avril et mai, et varie de 18 à 69 % (Tableau 5). Le CRU de l'engrais minéral est équivalent à celui du maximum observé avec le lisier pour une application en avril. Les résultats de cet essai indiquent également que l'azote de l'engrais ou du lisier est surtout prélevé en première coupe, sauf pour l'application de décembre.
25Les absorptions d’azote en première coupe dans les objets avec apport de lisier de février à avril sont un peu plus faibles, mais se situent à ± 80 % des maximas observés. Par contre, pour les épandages de décembre et janvier, les valeurs sont beaucoup plus faibles et celles-ci ne sont pas compensées par une absorption plus élevée en troisième coupe.
26La faiblesse du taux de récupération en deuxième et troisième coupes indique une faible disponibilité de l'azote due à une immobilisation par organisation microbienne ou un stockage important de l'azote dans les racines.
27Il peut aussi être supposé dans le cas du lisier que la disponibilité de l'azote pour la première coupe soit liée à la teneur en N-NH4 (60 % de l'N total).
3.3. Azote absorbé par le ray-grass et son origine
28Le marquage isotopique permet de distinguer les origines de l’azote prélevé par le ray-grass, soit la fertilisation, soit la minéralisation de la matière organique du sol. La figure 2 reprend les proportions relatives d'azote prélevé en provenance de ces deux sources.
29La part provenant des engrais (Figure 3) est en moyenne de 25 %, ce qui apparait beaucoup plus faible que ce qu'on observe généralement en cultures où elle peut atteindre 60 % (Destain et al., 1990 ; Godden et al., 2007).
30Il apparait que la fourniture d’azote par le sol contribue pour 66 à 90 % de l'azote absorbé selon la date d'apport des fertilisants.
31Le sol de prairie constitue un réservoir très important d'azote organique.
3.4. Bilan des apports azotés dans l'essai d'Elsenborn : système sol – plante
32Afin d'évaluer les risques de pertes d'azote en prairie, on peut également mesurer l'azote marqué résiduel contenu dans le sol et ce, jusque 30 cm de profondeur (la couche échantillonnable étant limitée à 30 cm) et il est dès lors possible d’établir le bilan de l'azote du lisier ou de l'engrais minéral (Tableau 6). Le stockage dans le sol est plus important quand le prélèvement par la plante est minimal et, dans ce cas, les pertes sont plus élevées.
33Pour le lisier, la part d'azote restant dans le sol décroit de décembre (70 %) à mai (26 %). Pour l'engrais minéral azoté, il subsiste 32 et 35 % de l'azote dans le sol pour les applications d'avril et mai, respectivement.
34Les bilans atteignent 100 % pour l'azote minéral et 90 % pour le lisier, indépendamment de la date d'épandage.
35Le solde peut être attribué aux pertes par volatilisation et représente ici moins de 10 %. C'est inférieur à ce qui est observé en conditions agricoles réelles (Agra-Ost, 2010). Il faut rappeler qu'au cours de ces essais, les apports ont toujours été réalisés en conditions optimales (le rinçage à l'eau des fioles contenant les engrais marqués favorisant une répartition immédiate sur le sol).
36Ces résultats confirment que la prairie est un système où les pertes d'azote peuvent être très faibles et où, en tout cas, le lessivage de nitrate est limité.
4. Conclusion
37Dans les prairies, le sol, via sa minéralisation, contribue pour plus des 2/3 de l'azote absorbé par l'herbe. Par conséquent, l'azote apporté par la fertilisation (organique et minérale) n'alimente l'herbe que pour maximum 1/3. Dans une prairie où de la légumineuse serait présente, la contribution de l’engrais serait encore plus faible.
38Le bilan azoté de l'essai d'Elsenborn avec utilisation d’azote marqué (15N) met en évidence l'absence de pertes susceptibles de concourir à une pollution nitrique, la prairie ayant un pouvoir tampon et de stockage très important ; les pertes ne peuvent résulter que de la volatilisation.
39Les applications d’azote, que ce soit sous forme organique dans le lisier ou minéral dans l’engrais, s’avèrent les plus efficientes au printemps (mars, avril, mai dans ce cas) et conduisent au meilleur bilan total. À cette époque aussi, le coefficient d’utilisation de l’azote est quasi similaire, quel que soit son origine (lisier ou engrais minéral) à la dose appliquée (80 kg N·ha-1).
40Remerciements
41Ces recherches ont été financées par le Service public de Wallonie (SPW - DGO3).
Bibliographie
Agra-Ost, 2010. Éude des pertes ammoniacales par volatilisation. Rapport de synthèse 1990-2008, http://www.glea.net/AGRAOST/doc/PERTESparVOLATIL_Rapport_90-08_Fpdf.pdf, (23.05.12).
Destain J.-P., François E. & Guiot J., 1990. Fertilizer nitrogen budgets of Nitrogen-15-labelled sugar beet beta-vulgaris tops and nitrogen-15-labeled sodium nitrate dressings split-applied to winter wheat Triticum-Aestivum in microplots on a loam soil. Plant Soil, 124(2), 257-260.
Godden B., Destain J.-P. & Luxen P., 2007. Efficiency and recovery of different cattle manure applied on arable crops in rotation. In: Leroy B., De Neve S., Reheul D. & Moens M., eds. Proceedings of the 16th CIEC Symposium on Mineral versus organic fertilizers - Conflict or synergism?, September 16-19, 2007, Universiteit Gent, Belgium. International Scientific Centre of Fertilizers, 229-234.
Godden B. & Luxen P., 2013. Les engrais de ferme : les lisiers. Les Livrets de l'agriculture. Namur, Belgique : Service public de Wallonie, DGARNE (sous presse).
Para citar este artículo
Acerca de: Bernard Godden
Agra-Ost c/o Centre wallon de Recherches agronomiques (CRA-W). Bâtiment Petermann. Rue du Bordia, 4. B- 5030 Gembloux (Belgique). E-mail : b.godden@cra.wallonie.be
Acerca de: Pierre Luxen
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Acerca de: Jean-Pierre Destain
Centre wallon de Recherches agronomiques (CRA-W). Bâtiment Lacroix. Rue de Liroux, 9. B-5030 Gembloux (Belgique).