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Biotechnologie, Agronomie, Société et Environnement/Biotechnology, Agronomy, Society and Environment

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Aurore Degré, Sylvia Dautrebande, Catherine Sohier & Olivier Debauche

Statistique des extrêmes dans les bassins faiblement jaugés : application d'un modèle global pluie-débit à cinq bassins versants en région wallonne (Belgique)

(volume 12 (2008) — numéro 4)
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Anexidades

Notes de la rédaction

Reçu le 3 avril 2007, accepté le 15 janvier 2008

Résumé

Le modèle RS-PDM© permet de générer une série chronologique de débits sur base des pluies observées après un calage automatique de paramètres pris par défaut sur une période de pluies et débits connus, ceci en termes de données journalières ou horaires. L'étude a mis en évidence l'utilité du modèle RS-PDM© pour générer une statistique des extrêmes dans des bassins versants peu jaugés en région wallonne sur base de données de précipitations observées et d'une série chronologique courte de débits. Concernant la génération d'une série chronologique de débits, relative à cinq bassins versants ruraux de différentes tailles, il a été mis en évidence une dispersion importante des débits simulés pour un débit observé donné, en valeurs journalières et horaires. Les critères de Nash de comparaison entre hydrogrammes observés et simulés présentent des résultats compris entre 0,59 et 0,92. Cependant, les débits simulés via RS-PDM© présentent une statistique des extrêmes (loi de Gumbel) proche de la statistique calculée sur une longue période d'observation. Ainsi, si les simulations réalisées par ce modèle présentent des performances moyennes en termes de séries chronologiques, elles permettent d'obtenir rapidement une statistique des extrêmes d'un niveau de qualité acceptable sur base d'une courte période d'enregistrement des données de débits.

Mots-clés : Région Wallonne, débits de projet, modèle pluie-débit, bassin faiblement jaugé

Abstract

Statistics of extremes in poorly gauged basins: application of a lumped rainfall-runoff model in five catchments area in Walloon region (Belgium). The RS-PDM© model generates flows in time series on the basis of observed rainfall after self-calibration which is based on short period of observed rainfall and flow. This is done with daily or hourly data. The study highlights the capacity of the RS-PDM© model to simulate extreme flows in poorly gauged basins in Walloon region on the basis of observed rains and of a short period of observed flows. Concerning the time series, it was highlighted an important dispersion of the flows simulated for a given observed flow even for daily or hourly data. The Nash criteria varied between 0.59 and 0.92. However, the flows simulated via RS-PDM© make it possible to adjust a statistical distribution of extremes flows (Gumbel law) close to the statistic obtained with a long period of gauging. So, if the simulations realized by mean of this model present poor to acceptable performances concerning the time series simulations, they permit to obtain rapidly quite good statistics of extremes flows on the basis of a short gauging period.

Keywords : Walloon Region, RS-PDM©, Gumbel, RS-PDM©, Gumbel, extrêmes, project flows, rainfall-runoff model, poorly gauged basin, extremes

1. Introduction

1La modélisation hydrologique est devenue un outil indispensable d'aide à la décision en matière de bonne gestion des ressources en eaux, notamment en ce qui concerne la détermination des débits de projets pour les aménagements hydrauliques et autres. Différentes voies sont suivies en cette matière : la modélisation physiquement basée (où chaque phénomène du cycle hydrologique est modélisé sur base de paramètres physiques), la modélisation conceptuelle (où les paramètres empiriques peuvent être abordés par voie itérative ou estimés, le cycle hydrologique restant la base de la conception du modèle) et la modélisation stochastique, qui fait appel à l'analyse statistique ou aux réseaux neuronaux (Todini, 1988 ; Singh, 1995).

2Jain et al. (2006) présentent une approche mixte dite " boîte grise " intégrant des principes conceptuels dans un réseau neuronal.

3Dans tous les cas, la validation d'un modèle nécessite des séries de données observées de pluies et de débits (Singh, 1995 ; Dawson et al., 2005).

4Le modèle PDM (Probability Distributed Model) proposé par Moore (1985) rentre dans la troisième catégorie ; il nécessite la connaissance de la superficie du bassin versant comme seule caractéristique physique. Son principe suggère que l'hydrogramme de crue résultant d'un épisode pluvieux est une représentation de la fonction de probabilité du temps de concentration sur le bassin versant.

5De nombreuses applications de ce modèle ont été développées. Citons à titre d'exemple Borga et al. (1997) qui ont utilisé le modèle PDM pour montrer que l'amélioration de la connaissance de la structure verticale des observations pluviométriques radar et leur ajustement avec des pluviomètres peuvent améliorer significativement la précision de l'estimation de la pluie moyenne sur le bassin versant et par conséquent la simulation des débits.

6Le principe de fonction de densité de probabilité utilisé dans PDM a été intégré dans un modèle distribué de type GRID par Bell et al. (1998). L'approche de Moore y est utilisée pour évaluer le stock total en eau des différentes mailles. Le modèle PDM est également utilisé dans d'autres modules comme le modèle conceptuel Hydrologic MODel (Moradkhnami et al., 2005) et d'autres modèles globaux (lumped distributed models). Le modèle OBM-Demer incorporant PDM a été appliqué sur le bassin versant du Démer à Rotselaar (2.275 km²) (Tate et al., 2004).

7Le but de la présente étude est de valider le modèle PDM en vue de la détermination des débits de projets de faible fréquence d'occurrence. Pour cela, il importe de déterminer si RS-PDM©, logiciel de la série Inforwoks, qui opérationnalise la théorie de Moore (1985), est en mesure de simuler les débits chronologiques en vue de l'ajustement d'une loi des extrêmes (Gumbel) sur les débits maxima annuels et d'une prévision statistique des crues de période de retour de l'ordre de 20 ans pour un bassin versant ayant fait l'objet de mesures de débit sur un nombre très limité d'années.

2. Matériel et méthodes

2.1. Les bassins versants de l'étude

8Cinq bassins versants, situés en région wallonne (Belgique), ont été sélectionnés pour la réalisation de cette étude. Ils sont présentés à la figure 1. Ces bassins correspondent à :

9– la Mehaigne à Upigny, 17 km², altitudes de 147 à 190 m,

10– la Mehaigne à Huccorgne, 305 km², altitudes de 100 à 251 m,

11– l'Ourthe à Mabompré, 316 km², altitudes de 295 à 650 m,

12– la Lesse à Gendron, 1.284 km², altitudes de 110 à 590 m,

13– l'Ourthe à Tabreux, 1.617 km², altitudes de 120 à 650 m.

Image1

14Les contours des différents bassins versants ont été déterminés sous ArcInfo© 7.0.3 sur base du modèle MNT (Modèle Numérique de Terrain) de la base hydrologique CARHY (Laime et al., 1995) et des coordonnées géographiques (Lambert 72) des exutoires correspondants. Les données disponibles pour ces cinq bassins sont présentées au tableau 1.

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15Ces cinq bassins versants englobent principalement des zones rurales et périurbaines.

2.2. Le logiciel RS-PDM©

16Le logiciel RS-PDM© 6.0 édité par Wallingford Software met en œuvre la méthode proposée par Moore (1985).

17Le principe de ce modèle est d'attribuer une " capacité de stockage C " en tout point du bassin versant. Les paramètres de la fonction de densité de probabilité de la variable " C " (fonction de Pareto) sur le bassin versant font partie des paramètres calibrables (Moore, 1985). La production de ruissellement dépend en chaque point du stock initial d'eau, des précipitations reçues, de l'évapotranspiration. La percolation profonde est également prise en compte au-delà d'un niveau donné d'humidité dans le sol. Le ruissellement se produit lorsque le bilan de ces différents flux dépasse la valeur " C " en ce point.

18Le débit à l'exutoire est composé du ruissellement de surface (transfert rapide) et d'un apport hypodermique lent. Les routages sont simulés par différentes fonctions de transfert entre réservoirs successifs dont les paramètres peuvent eux aussi être l'objet de calibration. Bien que la configuration du modèle permette des calibrages de paramètres avec intervention de l'opérateur, le principe a été de ne pas y recourir et de laisser le logiciel se calibrer par défaut sur les paramètres indiqués, étant donné l'objectif de se baser sur un nombre d'années disponibles très limité.

19Intégré à une suite de logiciels hydrauliques, RS-PDM© permet donc la modélisation hydrologique de la relation pluie-débit d'un bassin versant. Il procède à un calage automatique des paramètres pris par défaut (donc sans intervention de l'opérateur) sur base uniquement :

20– de la superficie du bassin versant étudié,

21– d'une série chronologique de précipitations observées,

22– de la série chronologique des débits qui s'y rapportent.

23Deux types de données peuvent être utilisés par ce modèle : les données journalières et les données horaires. La qualité de l'ajustement est estimée dans le logiciel par le coefficient r² de détermination entre débits observés et simulés (excepté la période de mise en régime).

24Pour chaque bassin versant testé, un calage automatique (sans intervention de l'utilisateur1), est réalisé sur une période réduite de données de débits. L'objectif est la maximisation du coefficient r². Les représentations graphiques des hydrogrammes sont accessibles afin de fournir à l'utilisateur une vue d'ensemble des performances du modèle, information qui reste très pertinente comme le montrent Legates et al. (1999).

25Les paramètres sont ensuite appliqués pour une validation sur la série de pluies observées la plus complète disponible (Tableau 2), ceci afin de vérifier si le modèle est apte à fournir en définitive une statistique des débits extrêmes.

Image3

2.3. Les données d'observation

26Les séries de pluies journalières et horaires et les débits journaliers et horaires observés sont disponibles2 pour les sous-bassins de la Mehaigne, de l'Ourthe et de la Lesse aux dates présentées au tableau 1.

27Les observations relatives aux pluies sur chaque bassin versant ont été déterminées par la méthode de Thiessen. Les pluies en chaque station pluviographique sont également disponibles.

2.4. Méthodes

28Pour rappel, le calage automatique des paramètres du modèle est utilisé3.

29Pour chaque bassin versant, les résultats des simulations et des validations sont analysés sous deux aspects :

30– comparaison des séries chronologiques de débits observés et simulés,

31– étude de la correspondance des débits observés et des débits simulés en termes de statistique des extrêmes.

32Outre une comparaison des hydrogrammes et un diagramme de dispersion des débits simulés en fonction des débits observés, le critère de Nash a été calculé en complément du coefficient de détermination (Nash et al., 1970). Sa valeur est comprise entre -∞ et 1. Un coefficient égal à 1 suppose une simulation parfaite, un coefficient égal à 0 suppose une simulation guère meilleure que la moyenne.

33D'autres critères ont été examinés, cependant l'objet de notre travail étant d'établir une statistique des extrêmes dans les bassins peu jaugés, la sensibilité aux valeurs extrêmes du critère de Nash, relevée par Krause et al. (2005), est un atout. Ce critère sera utilisé conjointement aux graphes, permettant une vue d'ensemble sur les résultats (Legates et al., 1999).

34La statistique des extrêmes basée sur la méthode de Gumbel est une loi de probabilité fréquemment utilisée dans la pratique courante (Maidment, 1993). Un minimum de 20 années d'observations est en principe nécessaire pour établir une extrapolation fiable (Chow, 1964).

35Rappelons qu'une approche par la méthode des excès (Peak Over Threshold, méthode POT) permettrait d'augmenter la taille de l'échantillon (Maidment, 1993). Cependant, les différences entre les périodes de retour estimées par les deux méthodes restent limitées (12 % pour quatre années d'observations selon Chow, 1953).

36Le risque de la non-représentativité des années est par contre élevé. L'intérêt de l'approche présentée ici est d'augmenter par simulation le nombre d'années de débit sur lesquelles se basera la statistique des extrêmes et ainsi d'augmenter la représentativité de l'échantillon.

37En complément, l'analyse détaillée des résultats permet d'amorcer l'étude du rôle de certains paramètres dans la modélisation. Citons notamment le paramètre " time delay " (td) qui permet de déplacer l'hydrogramme selon l'axe du temps ; le paramètre " ground water recharge time constant " qui contrôle le taux de recharge de l'aquifère, le paramètre " soil tension storage capacity " qui reprend la teneur en eau du sol à la capacité au champ ; le paramètre " b " qui est l'exposant de la fonction de Pareto qui contrôle la répartition spatiale de la capacité de stockage du sol, le paramètre " fc " contrôlant le volume de ruissellement et le paramètre " bg " contrôlant la capacité de recharge de la nappe.

3. Résultats

3.1. Pluies et débits journaliers

38La comparaison des débits simulés aux débits observés sur l'Ourthe à Mabompré (316 km²) suivant le mode " calage automatique " sur quatre années de données journalières est montrée à la figure 2. Des graphiques similaires sont obtenus concernant les autres bassins versants de l'étude.

Image4

39La figure 3 illustre en complément la comparaison de la série chronologique des débits observés et simulés pour la Mehaigne à Huccorgne au cours de la période de validation.

Image5

40Sur la figure 2, par exemple, il apparaît que la première année de calibration (1978) présente une correspondance très faible entre débits observés et débits simulés. L'analyse montre que le modèle utilise les premières valeurs pour ajuster le bilan d'humidité du sol, ce qui est habituel dans les modèles de simulation hydrologiques. Il est d'ailleurs prévu d'ignorer les premières valeurs de débit simulé, leur nombre étant laissé au choix de l'utilisateur.

41Par ailleurs, la grande dispersion des valeurs de débits simulés pour un même débit observé est à souligner. A titre d'exemple, pour un débit observé de 5 m³.s-1, les débits simulés sont compris entre 2 et 22 m³.s-1 et pour un débit observé de 30 m³.s-1, les débits simulés sont compris entre 15 et 45 m³.s-1. Ce type de constatation est valable pour tous les bassins versants de notre étude.

42En outre, on constate pour l'Ourthe, mais aussi pour les autres bassins versants, une sous-estimation systématique des débits, en moyenne.

43Le critère de Nash présenté au tableau 2 confirme que l'ajustement des hydrogrammes simulés aux hydrogrammes observés est de qualité moyenne tant pour les périodes de calibration (valeurs entre 0,59 et 0,87) que pour les périodes de validation (valeurs entre 0,65 et 0,82).

44Par ailleurs, deux constatations peuvent être effectuées :

45– les pointes simulées interviennent bien aux dates des valeurs observées (Figure 3, Mehaigne à Huccorgne, période de validation),

46– les débits maxima de faible amplitude sont surestimés tandis que les plus importants (tels que celui de la crue de décembre 1993) sont largement sous-estimés (Figure 4, Mehaigne à Huccorgne, période de validation).

Image6

47Afin de juger de l'impact du choix des années de calibration sur la simulation, un calage automatique a été effectué sur le bassin versant de la Mehaigne à Huccorgne pour les années 1997-2000, plus humides que les années 1989-1992. La figure 4 présente la comparaison des débits observés et simulés sur base de ces deux séries d'années, les validations portant respectivement sur les années 1989-1996 et 1993-2000.

48On constate que les deux calibrations automatiques donnent des résultats très proches lors de la validation, celle réalisée sur la période plus sèche entraînant cependant une dispersion moindre des débits simulés. Notons, dans les deux cas, la sous-estimation importante du débit maximal atteint lors de la crue de 1993 (25 m³.s-1 observés).

3.2. Pluies et débits horaires

49Les données horaires de précipitations utilisées pour les simulations sont les moyennes sur le bassin versant calculées au moyen des polygones de Thiessen et des pluies relevées dans une station pluviographique représentative.

50La figure 5 présente les résultats de simulation relatifs à un calage automatique du modèle qui porte sur 1989-1992 sur l'Ourthe à Mabompré (pluies de la station de Nadrin). Cette période présente un événement de crue exceptionnel bien simulé par le modèle RS-PDM© (débit de pointe observé : 114 m³.s-1 contre simulé de 108 m³.s-1). On peut toutefois noter un phénomène d'hystérèse quant à la forme de la crue elle-même. Les débits croissants (montée de l'hydrogramme) sont sous-estimés par le modèle tandis que les débits décroissants (récession) sont légèrement surestimés. La comparaison globale des débits observés et simulés montre cependant de bonnes performances. Le critère de Nash est égal à 0,92. La dispersion des débits simulés pour un débit observé donné est réduite par rapport à celle qui était observée en données journalières, le coefficient de détermination de la droite de régression dépassant 0,9. Pour les autres bassins versants, des résultats similaires sont obtenus.

Image7

51Très logiquement, les plus petits bassins versants voient leur comportement mieux simulé en données horaires qu'en données journalières puisque leur temps de réponse est inférieur à une journée.

3.3. Etude des débits extrêmes

52La capacité du modèle PDM à simuler les débits extrêmes présentant une statistique plausible a été éprouvée pour chacun des bassins versants aussi bien sur base des débits journaliers que sur base des débits horaires.

53La figure 6 montre que la droite de Gumbel des débits simulés obtenue sur la période 1989-1995 est fort proche de celle des débits observés sur la même période. Cependant, elle s'éloigne de celle des débits observés entre 1978 et 2004 (la simulation sur cette période n'a pas été possible par manque de données pluviométriques observées). C'est donc au choix de la série de données qu'il faut attribuer ces écarts.

Image8

54La figure 7 présente pour le bassin versant de l'Ourthe à Tabreux :

55– la droite de Gumbel sur les données journalières observées de 1980 à 2000,

56– la droite de Gumbel sur les données journalières observées de la période 1985-1988,

57– la droite de Gumbel sur les données journalières simulées sur base d'une calibration par défaut de 1985 à 1988 (soit les quatre années représentées par la droite précédente) et une validation sur 1980-2000.

Image9

58On peut voir que l'étude des débits journaliers extrêmes observés sur la seule période 1985-1988 donne une droite de Gumbel relativement éloignée de la relation obtenue sur une longue période d'observation (1980-2000) et surestime en l'occurrence nettement les débits au-delà d'une période de retour de 15 ans. Or, ces quatre années d'observations utilisées pour le calage automatique de PDM et associées aux données de pluies observées sur 20 ans permettent de générer des débits sur 20 années dont la droite de Gumbel est très proche de la droite observée. L'apport du modèle est réel dans ce cas puisque les débits extrêmes simulés sont comparables aux débits extrêmes observés jusqu'à des périodes de retour élevées. On voit ici l'intérêt de la simulation pour la détermination de débits extrêmes dans le cas de bassin dépourvus de longues périodes de données de débits.

3.4. Données de pluies

59Pour pallier une des difficultés en termes de collationnement et de traitement des données, on est en droit de se demander si les pluies d'une seule station météorologique représentative peuvent se substituer aux pluies pondérées par la méthode de Thiessen. Cet exercice a été réalisé sur le bassin de l'Ourthe à Mabompré et les résultats sont présentés à la figure 8. Par rapport à l'utilisation des pluies moyennées sur le bassin versant, l'utilisation d'une seule station expose au risque accru de données manquantes. Ceci induit une sous-estimation des débits en cas d'épisode pluvieux non répertorié. Logiquement, la droite de Gumbel des débits simulés s'en trouve modifiée. Elle reste cependant un outil pertinent puisque pour une période de retour de 25 ans, la différence entre débits observés et simulés n'est que de 8 % pour le cas étudié (7,1 % de données de précipitations manquantes).

Image10

3.5. Analyse de sensibilité des paramètres

60Afin de mieux percevoir le rôle de certains paramètres, différentes simulations du même événement de crue sont effectuées pour les données journalières du bassin versant de la Mehaigne à Huccorgne. Des interventions de calibrations sur la période 1978-1992 ont été effectuées en fixant successivement les valeurs des principaux paramètres à leurs maximum et minimum (proposés par défaut dans le modèle bien que modifiables) et à une valeur intermédiaire. Sur base des résultats de ces interventions manuelles dans les calibrations, la crue de décembre 1993 a été simulée.

61Il faut noter que le sous-bassin versant de la Mehaigne à Huccorgne est caractérisé par une pente moyenne homogène et un affluent, la Burdinale, encaissé dans une vallée à forte pente dont les eaux confluent peu avant l'exutoire. Cette configuration particulière a pour conséquence la présence de deux modes dans l'hydrogramme de crue.

62Le tableau 3 et la figure 9 montrent les résultats obtenus. Les paramètres " time delay (td) " et " ground water recharge time constant " semblent inopérants puisqu'ils n'influent pas sur l'hydrogramme résultant. Il en va de même pour le paramètre " soil tension storage capacity ". D'autres paramètres ont en revanche un rôle essentiel dans la modélisation, particulièrement en ce qui concerne la hauteur des pics de débits, primordiale en statistique des extrêmes. Il s'agit des paramètres b (exposant de la distribution de Pareto qui contrôle la répartition spatiale de la capacité de stockage du sol), fc (paramètre contrôlant le volume de ruissellement) et dans une moindre mesure bg (paramètre contrôlant la capacité de recharge de la nappe) (Figure 9).

Image11

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63Sous réserve d'une analyse plus approfondie, en l'état actuel, il n'est pas à exclure que certains paramètres soient redondants pour l'application considérée et d'autre part, que les phénomènes de compensation constatés, qui résultent de la calibration du modèle, tendent à l'éloigner du caractère conceptuel qu'il revendique.

4. Discussion

64L'application proposée par InfoworksTM de la théorie de Moore (1985) est d'utilisation simple. Le test de ses performances tant pour la simulation de séries chronologiques de débits que pour la simulation des débits extrêmes, dans quelques applications spécifiques, tend à apporter les constatations suivantes :

65– quelles que soient les utilisations qui en sont faites, les données de départ revêtent une importance majeure tant par leur quantité que par leur qualité. La disponibilité de longues séries ininterrompues de données de pluies est la condition sine qua non au bon fonctionnement de RS-PDM©. En cela, ce modèle a les mêmes exigences que ses homologues stochastiques et que les modèles conceptuels basés sur le calage,

66– le calage automatique des paramètres par défaut du modèle permet dans chacune des applications réalisées de rencontrer les critères de convergence du logiciel RS-PDM©,

67– l'analyse a porté sur les simulations de débit tantôt complètement, tantôt sur les extrêmes. Dans le premier cas, les simulations montrent une variabilité des débits simulés en fonction des débits observés, avec des coefficients de Nash moyens à bons. La superficie des bassins versants n'influence pas cette dispersion. Le pas de temps horaire présente de meilleurs résultats que le pas de temps journalier mais implique des temps de calculs nettement plus importants. Dans le second cas, un apport de RS-PDM© a pu être montré pour estimer des débits de période de retour élevée sur base de quatre années de débits, outre les données de pluies.

68La situation d'un bassin versant avec peu de données de débit mais où des données de pluies observées sont disponibles est fréquente en région wallonne pour les petits bassins. Les performances du modèle pour la prévision du débit maximum journalier d'une période de retour de 20 ans sur base d'un calage automatique de quatre ans sont présentées à la figure 10.

Image13

69On constate que la qualité des extrapolations est bonne dans la gamme des superficies de bassins versants testées. Il faut cependant souligner une nette sous-estimation du débit journalier maximum pour le plus petit bassin versant testé (Upigny, 17 km²). Les résultats des extrapolations semblent tirer profit de l'augmentation de la superficie du bassin versant étudié.

70Notons également, dans ce graphique, l'importance que prend la crue de 1993, qualifiée de majeure par Gellens (1996) qui, dans le cas de la Lesse à Gendron, déplace excessivement la droite de Gumbel vers le haut quand elle entre dans la série de données observées. D'une manière générale, cette crue biaise les statistiques des extrêmes puisque sa période de retour estimée est supérieure aux plus longues périodes d'observations disponibles. La supprimer de la série de données s'avère donc judicieux dans de nombreux cas, comme l'illustre la figure 10 pour Gendron.

71Nous constatons également que :

72– l'utilisation des données de pluies issues d'une seule station pluviométrique présente des avantages pratiques. Les essais menés sur les bassins de l'Ourthe à Mabompré et de la Lesse à Gendron montrent que cette approche peut utilement se substituer à la pluviométrie Thiessen pour autant que la station soit suffisamment representative,

73– l'étude complémentaire portant sur une analyse sommaire de la sensibilité de la réponse du modèle à divers paramètres de RS-PDM©, réalisée au travers de la modélisation de la seule crue importante de décembre 1993 montre certaines divergences entre les rôles théorique et réel qu'ils jouent pour la simulation de l'hydrogramme. Fixer le paramètre " time delay " à différentes valeurs n'influence en rien l'hydrogramme résultant. Ceci suggère que les autres paramètres sont en mesure de compenser l'erreur introduite et donc que leur rôle conceptuel doit être remis en cause. Cependant, des études plus approfondies à ce niveau sont nécessaires.

5. Conclusion

74Le modèle PDM, tel que mis en œuvre dans la suite Infoworks, est d'une grande simplicité d'utilisation. Une série de pluies et de débits journaliers ou horaires permet le calage automatique des paramètres par défaut de ce modèle, sans intervention de l'opérateur, avec la seule information complémentaire de superficie du bassin versant.

75Dans l'approche d'utilisation de PDM ici présentée, le calage automatique a été systématiquement pris comme option.

76Il apparaît que les résultats des simulations présentent une dispersion importante des débits simulés par rapport aux débits observés et ce, pour les cinq bassins versants étudiés dont les superficies varient entre 17 et 1.617 km². Cette dispersion est moins importante sur les données horaires par rapport aux données journalières.

77Cependant, concernant l'étude des extrêmes, les résultats obtenus sont encourageants. L'utilisation de RS-PDM© permet d'obtenir un ajustement de Gumbel sur de courtes séries de données de débit (quatre ans) comparable à celui obtenu pour des périodes d'observations plus longues moyennant l'utilisation de longues séries de données de précipitations.

78Ceci répond à un besoin d'information hydrologique pour les bassins versants d'importance moyenne où les séries de données de débits sont peu abondantes alors que des données de pluies longues sont disponibles. Cette première étude doit à présent être confirmée et développée pour d'autres bassins versants de taille et de caractéristiques différentes en région wallonne.

79Liste des abréviations

80MNT : Modèle Numérique de Terrain

81PDM : Probability Distributed Model

82POT : Peak Over Threshold

83Remerciements

84Nous tenons à remercier l'IRM (Institut Royal Météorologique) ; le Sethy (Service d'Etude Hydrologique du Ministère wallon de l'Equipement et des Transports) ainsi que la DGRNE (Direction Générale des Ressources Naturelles et de l'Environnement du Ministère de la Région wallonne) pour nous avoir fourni les données nécessaires à cette étude.

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Notes

Para citar este artículo

Aurore Degré, Sylvia Dautrebande, Catherine Sohier & Olivier Debauche, «Statistique des extrêmes dans les bassins faiblement jaugés : application d'un modèle global pluie-débit à cinq bassins versants en région wallonne (Belgique)», BASE [En ligne], volume 12 (2008), numéro 4, 379-391 URL : http://popups.ulg.be/1780-4507/index.php?id=3215.

Acerca de: Aurore Degré

Gembloux Agricultural University – FUSAGx. Unité d'Hydrologie et Hydraulique agricole. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique). E-mail : degre.a@fsagx.ac.be

Acerca de: Sylvia Dautrebande

Gembloux Agricultural University – FUSAGx. Unité d'Hydrologie et Hydraulique agricole. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).

Acerca de: Catherine Sohier

Gembloux Agricultural University – FUSAGx. Unité d'Hydrologie et Hydraulique agricole. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).

Acerca de: Olivier Debauche

Gembloux Agricultural University – FUSAGx. Unité d'Hydrologie et Hydraulique agricole. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).