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- Volume 27 (2023)
- Numéro 3 : Colloque Agroforesterie en Afrique de l...
- Structure des populations de Vitellaria paradoxa C.F. Gaertn. (karité) dans les parcs agroforestiers au Burkina Faso
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Structure des populations de Vitellaria paradoxa C.F. Gaertn. (karité) dans les parcs agroforestiers au Burkina Faso
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Description du sujet. Au Burkina Faso, le karité est une espèce hautement utilitaire conservée par les producteurs dans un système intégré d’utilisation des terres, dénommé parc agroforestier, dont la pérennité est menacée.
Objectifs. Caractériser la structure des populations de karité afin de mettre en évidence les zones prioritaires pour la restauration.
Méthode. Les sites d’étude, répartis selon un gradient climatique, sont au nombre de six. Des inventaires phytosociologiques ont été menés dans 10 parcelles permanentes de 2 500m² chacune par site, soit cinq parcelles dans des champs et cinq dans des jachères d’âges > 15 ans.
Résultats. Il a été dénombré 41 espèces ligneuses réparties dans 30 genres et 16 familles. La structure des peuplements dans le secteur subsahélien est dégradée. Dans le secteur nord soudanien, la structure est caractérisée par une population de karité vieillissante dans les champs, alors que les jachères présentent un fort potentiel de régénération. Le sud soudanien est marqué par la prédominance des jeunes individus. Au premier stade, la régénération est importante mais elle disparait rapidement sous l’effet combiné de plusieurs facteurs mésologiques. Le secteur subsahélien et les champs dans le nord soudanien sont les sites prioritaires en termes de repeuplement des parcs à karité.
Conclusions. Le karité doit faire l’objet de régénération assistée et de protection contre la coupe à l’échelle de son aire de distribution au Burkina Faso.
Abstract
Population structure of Vitellaria paradoxa C.F. Gaertn (shea tree) parklands in Burkina Faso
Description of the subject. In Burkina Faso, the shea tree is a useful tree species conserved and managed by farmers in agricultural landscapes whose sustainability is compromised.
Objectives. To characterize the structure of shea tree populations in order to identify priority areas for rejuvenating shea tree parkland.
Method. The research was conducted in six localities divided along a climatic gradient. Phytosociological inventories were conducted in 10 permanent plots of 2,500 m² each per site; five plots in fields and five in fallows of ages > 15 years.
Results. Forty-one woody species were counted in 30 genera and 16 families. The stand structure in the sub-Sahelian sector is degraded. In the northern Sudanian sector, the structure is characterized by an aging population in the fields, while fallows have high potential for regeneration. The South Sudanian sector is marked by the predominance of young individuals. In the first stage, regeneration is important, but it is quickly disappearing under the combined effect of several environmental factors. The South Sahelian sector and the fields in the North Sudanian sector are the priority areas in terms of enrichment of shea tree parklands.
Conclusions. The shea tree should be subject to assisted regeneration and protection against cutting throughout its range in Burkina Faso.
Tabla de contenidos
Reçu le 15 mai 2022, accepté le 26 avril 2023, mis en ligne le 23 mai 2023
Cet article est distribué suivant les termes et les conditions de la licence CC-BY (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr)
1. Introduction
1Vitellaria paradoxa C.F. Gaertn. (karité) est conservée dans les terroirs à cause des multiples biens et services écosystémiques qu’elle procure, dont l’alimentation, le revenu financier et la pharmacopée. L’essence est autochtone des savanes soudaniennes et soudano guinéennes de l’Afrique subsaharienne où elle imprime une physionomie au paysage (Thiombiano et al., 2016a). C’est un arbre réparti sur l’ensemble du territoire burkinabé, à l’exception de la partie située au nord du 14° parallèle Nord (Bonkoungou, 1987). Plusieurs études ayant pour objet la dynamique des peuplements de l’espèce ont montré des variations de la densité des individus adultes et juvéniles en fonction des modes d’utilisation des terres et/ou de la zone agro-climatique (Guira, 1997 ; Kelly, 2005 ; Lamien et al., 2008 ; Kaboré et al., 2012). Les pieds les plus vigoureux de l’espèce se trouvent dans les champs et les jeunes jachères tandis que les individus chétifs se rencontrent dans les forêts classées, les zones incultes et les vieilles jachères (Lamien, 2006). Le karité s’intègre dans les parcs agroforestiers constituant un mode de gestion agricole qui combine l’arbre aux cultures et/ou aux animaux. Cette association offre des avantages agronomiques, environnementaux, économiques et sociaux locaux qui peuvent contribuer à l'amélioration de la sécurité alimentaire, nutritionnelle et économique (Seghieri, com. pers.). L’espèce constitue ainsi le quatrième produit d’exportation du Burkina Faso après l’or, le coton et le bétail, contribuant pour environ 6 millions de dollars américains à l’économie nationale (Bup et al., 2014).
2Cependant, selon Ouoba et al. (2018), la pérennité des parcs agroforestiers est menacée principalement par les feux, la divagation des animaux, la sècheresse et les pratiques culturales néfastes. À cela s’intègre l’intensification agricole marquée par les cultures de rente, dont le coton, qui nécessitent une forte utilisation d’intrants nocifs à l’environnement. Ces facteurs écologiques dont l’intensité varie en fonction des zones agroclimatiques provoquent la dégradation des parcs à karité, se traduisant à la fois par la diminution de la densité moyenne des parcs à karité et un vieillissement général des peuplements (Thiombiano et al., 2016a). Le Burkina Faso étant un pays où la population, vivant majoritairement en milieu rural (77,30 % en 2006), est très dépendante d’une agriculture de subsistance (INSD, 2018), il s’avère crucial de restaurer les peuplements de karité à travers divers techniques de régénération dont la régénération naturelle assistée, le semis et la plantation. Cette restauration des peuplements, indispensable au maintien des systèmes agroforestiers, est à mener prioritairement dans les zones à plus faible densité.
3Dans l’optique d’une meilleure gestion du karité, il est important d’effectuer, dans une même étude, une analyse comparée de la structure des populations de l’espèce dans les parcs à karité afin de caractériser les zones de faibles densités et/ou dont les structures ne sont pas stables dans lesquelles les peuplements doivent être régénérés.
4Ainsi donc, quelles sont les caractéristiques de la structure des populations de karité suivant, d’une part, les champs et les jachères et, d’autre part, les secteurs phytogéographiques ?
5L’objectif de cette étude étant de caractériser la structure des populations de karité afin de mettre en évidence les zones prioritaires pour la restauration, les hypothèses étaient au nombre de trois :
6– la diversité des parcs à karité varie selon le champ et la jachère et selon un gradient phytogéographique nord-sud ;
7– la densité des individus appartenant à la régénération présente des variations saisonnières en fonction du mode d’utilisation des terres et du secteur phytogéographique ;
8– la structure démographique des peuplements de karité varie selon le mode d’utilisation des terres et selon un gradient phytogéographique nord-sud.
2. Matériel et méthodes
2.1. Zone d’étude
9Selon Fontes & Guinko (1995), le Burkina Faso comprend, le long d’un gradient climatique Nord-Sud, deux domaines phytogéographiques et un large spectre de classes de végétation. Le domaine sahélien (secteurs sahélien strict et subsahélien) comporte 14 classes de végétation et le domaine soudanien (secteurs nord soudanien et sud soudanien) est scindé en 12 classes, y compris les cultures industrielles et les formations ripicoles. Les peuplements de karité sont rencontrés dans les secteurs phytogéographiques sud soudanien, nord soudanien et subsahélien (Thiombiano et al., 2016a). Partant de ces faits, cette étude a été menée dans six localités réparties selon un gradient climatique dans la zone de répartition du karité au Burkina Faso (Figure 1) : Sillia (30P 0592424, 1520565) et Bouria (30 P 0588389, 1416742) dans le secteur subsahélien ; Gonsé (30 P 0682451, 1376955) dans le secteur nord soudanien ; Sobaka (30 P 0640792, 1301576), Noumoudara (30P 0344504, 1214787) et Kakoumana (30P 0288870, 1142787) dans le secteur sud soudanien.
Figure 1. Localisation des sites d’étude — Location of the study sites.
10Le climat burkinabé est caractérisé par une saison sèche et une saison pluvieuse contrastées. Dans les sites d’étude, la saison pluvieuse s’étale sur quatre à sept mois suivant un gradient climatique nord-sud. Selon les données de la météorologie nationale du Burkina Faso, la pluviométrie moyenne annuelle entre 1987 et 2017 augmente de 560 ± 149 mm dans le secteur phytogéographique subsahélien (min. 268,2 mm en 2011 et max. 746,6 mm en 1991) à 1 148 ± 165 mm dans le secteur phytogéographique sud soudanien (min. 875,9 mm en 1992 et max. 1 414,8 mm en 1994) en passant par 856 ± 147 dans le secteur phytogéographique nord soudanien (min. 646,8 mm en 2002 et max. 1 366,2 mm en 1994). Les températures moyennes annuelles diminuent du secteur phytogéographique subsahélien (29,50 ± 0,41) au secteur nord soudanien (28,89 ± 0,38) et au sud soudanien (27,40 ± 1,16).
2.2. Échantillonnage et collecte des données
11Afin d’apprécier l’état des peuplements de karité dans les parcs agroforestiers, nous avons adopté un échantillonnage stratifié basé sur les secteurs phytogéographiques et le mode d’utilisation des terres (champs et jachères). Les placettes d’inventaire ont été installées dans des champs et jachères de 15 ans sur la base de la présence d’au moins un individu adulte de V. paradoxa. L’âge minimal de 15 ans a été choisi pour caractériser les vieux champs et les vieilles jachères (Kaboré et al., 2012). Nous avons retenu des parcelles permanentes âgées pour cette étude, du fait qu’à l’issue des enquêtes menées par Ouoba et al. (2018), la moyenne générale d’âge des parcelles était de 29 ans. Ces parcelles, au nombre de 60, sont réparties dans cinq champs et cinq jachères dans chacun des six sites. L’aire minimale dans les systèmes agroforestiers étant de 2 500 m² (Projet SUN-UE, 2008), nous avons retenu cette superficie pour chaque parcelle. Un inventaire exhaustif des individus ligneux adultes a été conduit dans chaque parcelle de 50 m × 50 m en fin de saison pluvieuse (septembre-octobre) et en fin de saison sèche (mars-avril). Il s’est agi de noter la hauteur totale de tous les individus adultes appartenant aux différentes espèces, le diamètre du fût à 1,30 m du sol, les diamètres est-ouest et nord-sud du houppier. Les individus constituant la régénération ont été assujettis à des mesures de diamètre au collet et de hauteur du plus grand brin, avant d’être regroupés en classes de hauteur. Des sous-placettes n’ont pas été utilisées pour l’inventaire de la régénération du karité, du fait que les jeunes karités se trouvent principalement sous le houppier des individus productifs, l’espèce étant essentiellement barochore. Un quadrillage de la parcelle nous a permis de prendre en compte toutes les plantules de karité.
12Les individus dont le diamètre à hauteur de poitrine est inférieur à 5 cm sont considérés comme des individus juvéniles et pris en compte dans l’évaluation de la régénération (Thiombiano et al., 2016b).
13Les orthographes des noms des espèces, des genres, des familles et des différents auteurs ont été vérifiées à l’aide du catalogue des plantes vasculaires du Burkina Faso (Thiombiano et al., 2012).
2.3. Traitement et analyse des données
14Du fait que la richesse spécifique est souvent insuffisante pour comparer deux communautés parce qu’elle ne prend pas en compte l’abondance de chaque espèce, l'indice de diversité de Shannon (H) et le coefficient d’équitabilité de Pielou (EH) ont été calculés (Thiombiano et al., 2016b). Ils ont fourni des renseignements sur les champs et les jachères en fonction des secteurs phytogéographiques, permettant ainsi une meilleure compréhension de la structure et de la composition des communautés végétales. La contribution du karité à la surface terrière totale (CSTVp) et le taux de survie (Ts) des plantules ont également été calculés. Le diamètre quadratique (d) a été calculé dans le cas des arbres fourchus avant 1,3 m du sol (Tableau 1).
15La dynamique des peuplements de karité a été étudiée à l’aide des méthodes d’analyse des structures démographiques développées par la méthode de Weibull.
16Les structures observées dans les trois secteurs phytogéographiques ont été ajustées à la distribution théorique de Weibull à trois paramètres. Cette distribution simple et flexible s’ajuste parfaitement aussi bien aux distributions asymétriques positives ou négatives, qu’aux normales (Baker et al., 2005). Sa fonction de densité de probabilité (f) suit la formule f(x). Selon Kakaï et al. (2016), la distribution de Weibull peut prendre plusieurs formes en fonction de la valeur du paramètre de forme « c » (Tableau 2).
17Les centres de classes et les densités correspondantes ont été exportés dans le logiciel Minitab® 17.1.0 pour le calcul des probabilités. Sur la base de ces probabilités, du nombre d’individus par classe et de la superficie inventoriée, la distribution de Weibull a été calculée.
18Le logiciel R version 3.6.2 a été utilisé pour les différents tests de comparaison. Ainsi, le test de Mann-Whitney a été utilisé pour comparer les valeurs moyennes de la diversité, de la surface terrière, de la densité et des taux de survie selon les champs et les jachères. Le test de Kruskal-Wallis a permis de comparer les valeurs moyennes de la diversité, de la surface terrière, de la densité et des taux de survie selon les trois secteurs phytogéographiques. Le test de Wilcoxon à deux échantillons a servi pour la comparaison des densités moyennes de la régénération notées en fin de saison des pluies et en fin de saison sèche.
3. Résultats
3.1. Diversité et structure des parcs à V. paradoxa
19Les individus ligneux adultes recensés dans les parcs à karité sur l’ensemble de nos sites d’étude se répartissent en 42 espèces, 30 genres et 16 familles. Quel que soit le secteur, le karité occupe le premier rang en termes de densité relative (Tableau 3).
20La discrimination selon différents modes d’utilisation des terres montre qu’il n’y a pas de différences significatives entre la richesse spécifique dans les jachères et celle dans les champs à l’échelle du secteur phytogéographique et même de l’ensemble des secteurs phytogéographiques (W = 418,5 ; p = 0,641). Aussi, le cortège floristique des parcs à karité ne varie pas significativement suivant un gradient phytogéographique nord-sud (X² = 3,879 ; ddl = 2 ; p = 0,144).
21L’indice de diversité de Shannon et le coefficient d’équitabilité de Pielou sont par contre plus élevés dans le secteur nord soudanien, soit respectivement dans les champs 1,62 ± 0,09 et 0,70 ± 0,04 ; dans les jachères, 1,93 ± 0,09 et 0,71 ± 0,04 (Tableau 4).
3.2. Densité et surface terrière de V. paradoxa suivant la phytogéographie
22Les moyennes des effectifs des karités adultes ne varient pas significativement en fonction du mode d’utilisation des terres (W = 366 ; p = 0,215). Cependant, les différences sont très significatives selon le secteur phytogéographique, en augmentant du subsahélien au sud soudanien (X² = 30,177 ; ddl = 2 ; p ˂ 0,0001). La densité moyenne des karités adultes par hectare dans l’ensemble des secteurs phytogéographiques est de 20 ± 11 plantules dans les champs et de 27 ± 8 plantules dans les jachères (Tableau 5).
23À la fin de la saison pluvieuse, les effectifs des individus constituant la régénération augmentent significativement des champs aux jachères de 225 ± 208 à 979 ± 1 070 plantules·ha-1 (W = 199 ; p ˂ 0,001) et du secteur subsahélien au secteur nord soudanien et au secteur sud soudanien de 114 ± 158 à 519 ± 432 et à 933 ± 1,056 plantules·ha-1 (X2 = 27,331 ; ddl = 2 ; p ˂ 0,001). À la fin de la saison sèche, le constat est identique au précédent : la densité augmente significativement des champs aux jachères de 85 ± 112 à 430 ± 477 plantules (W = 211,5 ; p ˂ 0,001) et du secteur subsahélien au secteur nord soudanien et au secteur sud soudanien de 34 ± 51 à 133 ± 163 et à 448 ± 462 plantules (X² = 24,57 ; ddl = 2 ; p ˂ 0,001).
24La comparaison entre les effectifs des individus constituant la régénération notés en fin de saison des pluies (531 ± 850) et ceux notés en fin de saison sèche (257 ± 385) présente une différence très significative (V = 1 709,5 ; p ˂ 0,001). Ainsi, une forte proportion des plantules n’est plus visible à la fin de la saison sèche, de 591 ± 850 à 258 ± 385 plantules en moyenne. Le taux de survie des plantules ne varie pas significativement entre les champs et les jachères (W = 294 ; p = 0,021), mais varie significativement du nord au sud du Burkina Faso (X2 = 10,016 ; p = 0,007).
25Les surfaces terrières des karités adultes ne varient pas significativement entre les champs et les jachères (W = 435,5 ; p = 0,836). De même, la variation de la surface terrière n’est pas significative d’un secteur phytogéographique à l’autre (X² = 3,759 ; ddl = 2 ; p = 0,153).
26La contribution du karité à la surface terrière totale est supérieure à 50 % quelle que soit l’échelle considérée (Tableau 6).
3.3. Structure démographique des peuplements de V. paradoxa
27Selon la distribution de Weibull, les peuplements de karité du secteur subsahélien présentent une distribution asymétrique positive (1 < c < 3,6) caractéristique d’une population dégradée à faible potentiel de régénération (Figure 2A). La population de V. paradoxa est vieillissante dans ce secteur.
28Dans le secteur nord soudanien, le paramètre de forme c = 4,053 dans les champs réfère à une distribution asymétrique négative, caractéristique des peuplements à prédominance d’individus âgés, à gros diamètre. La population de V. paradoxa est donc vieillissante dans les champs de ce secteur phytogéographique. Pour ce qui est des jachères, le paramètre de forme « c » est très proche de 1, caractéristique d’une population à fort potentiel de régénération mais présentant un problème de survie lors de la transition entre les stades de développement (Figure 2B).
29Le paramètre de forme « c » est compris entre 1 et 3,6 dans le secteur sud soudanien, quel que soit le mode d’utilisation des terres (Figure 2C). Il en est de même lorsque l’on considère les secteurs phytogéographiques pris dans leur ensemble (Figure 2D). Les peuplements présentent donc une distribution asymétrique positive, caractéristique des populations ayant une prédominance relative d’individus jeunes et d’individus de faible diamètre.
30Quel que soit le secteur phytogéographique, la régénération du karité est regroupée essentiellement dans la classe de hauteur ˂ 0,25 m dans les champs et les jachères (Tableau 7).
4. Discussion
4.1. Diversité des ligneux dans les parcs à V. paradoxa
31La flore du secteur subsahélien est moins diversifiée que celle du domaine soudanien. Le karité est l’espèce dominante des parcs agroforestiers, quel que soit le secteur phytogéographique. La même remarque a été faite par Bayala et al. (2008), Fischer et al. (2011) et Thiombiano et al. (2016a) au Burkina Faso, ainsi que Nouvellet et al. (2006) au Mali. C’est dans le secteur nord soudanien que l’indice de diversité de Shannon combinant le nombre d’espèces et la distribution d’abondance de chacune, est le plus élevé, signe d’une plus grande stabilité de ce milieu par rapport aux autres (Dajoz, 1985). Dans l’ensemble, ces valeurs se rapprochent de celle rapportée par Kagambèga (2013) dans le secteur nord soudanien, qui est de 1,7 ± 0,2. La diversité des arbres conservés dans les parcs à karité est moyenne, à cause de la sélection des espèces agroforestières à conserver et de leur surexploitation. Bognounou (2009) a montré que de faibles valeurs de cet indice traduisent la dominance d’une ou d’un nombre réduit d’espèces. La valeur élevée du coefficient d’équitabilité de Pielou obtenue dans le secteur nord soudanien est le signe d’une meilleure répartition des espèces dans leurs cortèges floristiques. Cependant, le secteur sud soudanien a été parfois caractérisé par des parcs monospécifiques, d’où les plus basses valeurs d’équitabilité de Pielou.
4.2. Densité et surface terrière de V. paradoxa suivant la phytogéographie
32Les densités moyennes des peuplements de karité, comprises entre 8 à 45 karités·ha-1, sont proches de celles relevées par Aleza et al. (2015) qui ont trouvé au Bénin des densités variant de 12 à 44 karités·ha-1. Cependant, les densités obtenues dans cette étude sont plus élevées que celle rapportée par Bondé (2019), soit 10,32 ± 17,11 dans les agrosystèmes. Ce fait s’explique par la focalisation de cette étude sur les parcs à karité et l’échelle de précision, Bondé (2019) ayant utilisé des données à l’échelle nationale.
33La nécessité de respecter un certain espacement entre les arbres pour ne pas entraver le développement des cultures (effet de l'ombrage, passage des outils de culture attelée et/ou engins agricoles), est la cause des faibles surfaces terrières enregistrées dans les parcs à karité. Les surfaces terrières des karités adultes sont plus élevées dans les champs que dans les jachères, du fait que les vieux champs abritent plus d’individus à grands diamètres que les vieilles jachères. Dans les champs, les arbres profitent des nutriments fournis aux cultures et de moins de compétition liée à leur faible densité. La forte contribution du karité à la surface terrière totale témoigne de la dominance de l’espèce dans les parcs agroforestiers en général.
34À l’instar de Thiombiano et al. (2016a) et de Bondé (2019), cette étude montre que les densités moyennes des karités augmentent avec le gradient climatique du nord au sud. Ces variations selon les secteurs phytogéographiques sont liées au climat (Fontes & Guinko, 1995) et au mode de gestion des parcs fortement influencé par les ethnies (Boffa, 1999). La densité plus élevée dans les vieilles jachères par rapport aux vieux champs est due au fait que la surface mise en jachère est propice à la régénération à cause de l’absence des travaux champêtres qui provoquent la destruction des plantules par les outils aratoires (Raebild et al., 2007 ; Kaboré et al., 2012) et les produits phytosanitaires. Selon Mahamane (1997), les producteurs éliminent sciemment la régénération pour libérer la place pour l’agriculture. Conformément aux résultats de cette étude, plusieurs auteurs ont rapporté que la plupart des plantules ne survivent pas à leur première saison sèche (Barnes, 2001 ; Ouédraogo et al., 2006 ; Raebild et al., 2012). Cependant, grâce à la résilience des plantules de karité, l’espèce rejette après divers traumatismes. Dans les champs, le karité bénéficie des labours et de la protection contre les feux (Boffa et al., 2000), ce qui favorise la production fruitière mais entrave la régénération, tandis que la jachère permet une meilleure régénération de l’espèce (Serpentié, 1996).
4.3. Structures diamétriques des peuplements de V. paradoxa
35Le secteur subsahélien est caractérisé par les individus ayant de grands diamètres mais de faibles densités de régénération liées principalement à la collecte intégrale des fruits et à la sècheresse. Ce vieillissement des parcs à karité, à terme, pourrait compromettre la pérennité de l’espèce dans ce secteur qui constitue la limite nord de l’aire de dispersion du karité au Burkina Faso. Il en est de même pour la structure des peuplements de karité dans les champs du secteur nord soudanien. La cause du vieillissement est la diminution des jachères (Ouédraogo & Devineau, 1996), à laquelle s’ajoute les effets des changements climatiques. Ainsi, le vieillissement de peuplements végétaux dans les parcs agroforestiers a été observé dans le secteur subsahélien par Ouédraogo & Devineau (1996). Ces auteurs ont noté qu’à Watinoma, la classe modale pour les arbres dans les parcs est de 1 à 2 cm de circonférence et que les arbres de 2 à 4 m sont couramment observés. Ils ont aussi rapporté que dans le domaine soudanien, à Bondoukui, les individus à gros diamètres sont rares. L’allure en « L » de la distribution du Weibull témoigne du rajeunissement des peuplements de karité dans les jachères du secteur nord soudanien, comme rapporté par Thiombiano et al. (2010). Cette structure témoigne d’un peuplement stable, en cours de construction qui s’entretient elle-même (Nouvellet et al., 2006 ; Gnoumou et al., 2011). La bonne distribution démographique est imputable à l’utilisation de la jachère et aux conditions climatiques favorables.
36La perturbation notée au niveau des peuplements du secteur sud soudanien ainsi qu’à l’échelle globale de la zone de répartition du karité au Burkina Faso montre que la régénération accompagne un nombre important d’individus de diamètre moyen. Les conditions environnementales sont favorables au karité, d’où l’importance de sa régénération. Cependant, la survie des juvéniles de l’espèce est compromise par divers facteurs dont les feux, la divagation des animaux, les pratiques culturales néfastes et les pathologies qui entravent donc la stabilité de ces peuplements. Ces résultats sont similaires à ceux de Ouoba et al. (2018) qui ont rapporté une liste de 19 contraintes qui entravent la pérennité des parcs à karité.
4.4. Structures verticales de la régénération de V. paradoxa
37Quel que soit le secteur phytogéographique et le type d’utilisation des terres, la distribution en forme de « L » observée désigne une dynamique progressive. La régénération naturelle est donc effective dans l’ensemble. Cependant, ce potentiel de remplacement des individus adultes ne garantit pourtant pas la pérennité de l’espèce, car on constate que les effectifs baissent considérablement lorsqu’on progresse vers les classes les plus élevées (Ouédraogo et al., 2006 ; Thiombiano et al., 2010).
38La régénération du karité est surtout défavorisée par la localisation des juvéniles à l’ombre des pieds adultes et les travaux champêtres (Djossa et al., 2008) ainsi que par la collecte systématique des amandes. En effet, les plantules poussant sous le houppier d’un individu adulte sont défavorisées pour l’accès à la lumière et aux ressources nutritives. En outre, les outils aratoires ainsi que les pesticides et herbicides utilisés lors des activités agricoles détruisent souvent les plantules. Les fruits constituant l’organe de reproduction sexuée de l’espèce, plus ils sont collectés, plus les possibilités de reproduction du karité s’amenuisent.
39En accord avec divers auteurs, nous notons que l’agroforesterie permettrait à travers l’intégration des arbres, des cultures et/ou des animaux, de créer des systèmes de conservation et de production durables tout en maximisant les retombées sociales, économiques et environnementales (ICRAF, 1982 ; Peltier, 1991 ; Seghieri & Harmand, 2019).
5. Conclusions
40Au Burkina Faso, les parcs à karité présentent un cortège floristique de 41 espèces. Le karité est l’espèce prépondérante, mais sa diversité et sa densité décroissent du secteur sud soudanien au secteur subsahélien à cause de la sècheresse et de l’absence de mise en jachère.
41Les parcelles dans le secteur subsahélien et les champs dans le secteur nord soudanien présentant des peuplements dégradés sont donc prioritaires pour les mesures de restauration des parcs à karité. Cette action devra employer les techniques de régénération naturelle assistée et de plantations. La mise en jachère des terres devra être envisagée dans la mesure du possible pour les besoins de régénération de l’espèce, notamment dans le secteur nord soudanien. Quant au secteur sud soudanien, il faudra sensibiliser les producteurs sur le maintien de la régénération tout en tenant compte de l’écartement adéquat pour optimiser les travaux champêtres. Aussi, le code forestier proscrivant la coupe des karités dans les champs et les jachères doit être respecté sur toute l’aire de distribution de l’espèce au Burkina Faso.
42Toutefois, les différents modes de régénération naturelle et artificielle devront être maitrisés avant toute tentative d’enrichissement des parcs pour optimiser les chances de succès.
Remerciements
43Les auteurs adressent leur gratitude au Fond International pour la Science (FIS) et au Programme de Productivité Agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO/WAAPP) pour avoir financé cette étude. Ce travail a bénéficié du support financier de UE Eranet LEAP Agri-215 project Roles of Agroforestry in sustainable intensification of small farMs and food SEcurity for SocIetIes in West Africa (RAMSES II), https://www.ramsesiiagroforesterie.com/
44Nous remercions aussi les collaborateurs techniques, scientifiques et les populations des sites d’étude pour leur soutien.
Bibliographie
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