BASE

Biotechnologie, Agronomie, Société et Environnement/Biotechnology, Agronomy, Society and Environment

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Caroline K. P. Séhouéto, Augustin K. N. Aoudji, Carolle Avocèvou-Ayisso, Anselme Adégbidi, Jean C. Ganglo & Philippe Lebailly

Évaluation technico-économique de la production de plants de teck (Tectona grandis L.f.) dans les pépinières villageoises au Sud-Bénin

(Volume 19 (2015) — Numéro 1)
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Notes de la rédaction

Reçu le 15 février 2014, accepté le 9 janvier 2015

Résumé

Description du sujet. Cet article traite de la production de plants de teck (Tectona grandis L.f.), une espèce utilisée dans l’établissement des plantations forestières au Sud-Bénin.

Objectifs. L’objectif de cette étude est d’évaluer les techniques et la rentabilité de la production de plants de teck dans les pépinières villageoises du Sud-Bénin.

Méthode. Une enquête a été conduite dans 55 pépinières villageoises sélectionnées dans le département de l’Atlantique en utilisant la méthode d’échantillonnage « boule de neige ». Des interviews semi-structurées avec les pépiniéristes ont permis de collecter les données sur l’organisation des activités, les techniques de production de plants, les couts et les recettes générées par la vente des plants.

Résultats. Deux types de pépinières villageoises ont été identifiés : les pépinières individuelles et les pépinières collectives. Les techniques de production sont disparates d’un pépiniériste à l’autre. La collecte de semences tout-venant et l’utilisation de sachets de polyéthylène inadaptés sont préjudiciables à la qualité des plants de teck. L’analyse financière a montré que la production de plants de teck est une activité rentable pour les pépiniéristes. Mille plants en pot génèrent un revenu net d’exploitation moyen compris entre 20 603 et 26 649 FCFA.

Conclusions. Pour améliorer les performances des pépiniéristes, il est nécessaire de les accompagner dans l’accès aux semences de qualité et de leur offrir des formations de recyclage sur les techniques de production.

Mots-clés : Bénin, communauté rurale, pépinière, plantation forestière, production de plants de semis, revenu, Tectona grandis

Abstract

Technico-economic evaluation of teak (Tectona grandis L.f.) seedling production in community forest nurseries, southern Benin

Description of the subject. The present study deals with the production of the seedlings of teak (Tectona grandis L.f.), a species used in forest plantations in southern Benin.

Objectives. The aim of the study was to evaluate the techniques and the profitability of teak seedling production in the community nurseries of southern Benin.

Method. A survey was carried out in 55 community nurseries selected in the Atlantique department, based on the snowball sampling method. Semi-structured interviews were conducted with nursery holders to collect data on activity organization, techniques of production, costs, and sales revenues.

Results. Two types of community nursery were found to be operating: individual nurseries and collective nurseries. Seedling production methods varied widely across the nurseries. The collection of tout venant seeds, and the use of inadequate polyethylene containers might affect seedling quality. A financial analysis showed that nursery holders were receiving a positive return from their activity. The average net revenue from the production of 1,000 seedlings ranged between FCFA 20,603 and 26,649.

Conclusions. Improved performance of community nurseries will require the provision of assistance to nursery holders in accessing good quality seeds, and the implementation of further retraining on production techniques.

Keywords : Benin, forest plantations, income, plant nurseries, rural communities, seedling production, Tectona grandis

1. Introduction

1La gestion durable des forêts est aujourd’hui une préoccupation majeure, notamment dans les régions tropicales qui sont confrontées à une déforestation alarmante (Boucher et al., 2011). L’Afrique est, derrière l’Amérique latine, le deuxième plus gros contributeur à la déforestation globale, avec une perte de 3,4 millions ha par an (FAO, 2010). Au Bénin, la perte nette de couvert forestier s’élève à 50 000 ha par an, soit un taux de changement annuel de -1,06 % (FAO, 2010). Dans ce contexte, les plantations forestières jouent un rôle important dans le maintien des fonctions économiques, sociales et environnementales (de Groot et al., 2010 ; Ferraz et al., 2013). En effet, tout comme les forêts naturelles, les plantations forestières peuvent fournir aux communautés du bois d’œuvre, de service et de feu, des aliments, du fourrage, des produits ornementaux et médicinaux, des opportunités de récréation. Elles participent aussi à la séquestration du carbone, à la conservation des sols et des eaux, à la conservation de la biodiversité (de Groot et al., 2010 ; Brockerhoff et al., 2013 ; Pawson et al., 2013).

2Au plan économique, les plantations forestières jouent un rôle important dans les stratégies de développement. Nombreuses sont les études qui ont montré les revenus positifs qu’elles génèrent (Siregar et al., 2007 ; Avohou et al., 2011). Les retombées économiques concernent également les emplois créés, les valeurs ajoutées et les revenus générés grâce aux activités de transformation et de distribution en aval de la production (Kaplinsky et al., 2003 ; Aoudji et al., 2012).

3Au Bénin, des plantations forestières ont été réalisées, aussi bien par l’État que par les agriculteurs. Elles couvrent une superficie totale de 19 000 ha (FAO, 2010) avec le teck (Tectona grandis L.f.) comme espèce principale (Atindogbé et al., 2013 ; Aoudji et al., 2014). Dans la sous-région, le teck a aussi été planté par les agriculteurs au Togo et en Côte d’Ivoire avec des pratiques comparables à celles observées au Sud-Bénin (Maldonado et al., 1999 ; Louis et al., 2003).

4La phase de pépinière constitue une étape cruciale qui précède l’établissement des plantations forestières. En effet, les soins apportés aux plants en pépinière ont un impact sur la future performance des plantations (Bekker et al., 2004 ; Bayala et al., 2009). Ainsi, dans une étude de marché sur le bois de construction au Sud-Bénin, Aoudji et al. (2011) suggèrent que les défauts observés dans la qualité du bois peuvent être dus à des insuffisances au niveau des pépinières, d’où l’intérêt de la présente étude sur la production de plants de teck au Sud-Bénin.

5Deux aspects sont importants dans l’analyse d’une activité productive : les techniques de production employées et la rentabilité financière. Plus particulièrement, la rentabilité financière constitue un indicateur important de la durabilité de l’activité. D’une part, elle traduit le degré d’efficience dans l’utilisation des ressources affectées à la production (Lebailly et al., 2000) et, d’autre part, elle représente un critère déterminant de la poursuite de l’activité par l’exploitant (Shepherd, 2007). L’objectif du présent article est d’évaluer le système de production de plants de teck au Sud-Bénin suivant ce cadre d’analyse. Nous émettons l’hypothèse que la production des plants de teck est une activité rentable pour les pépiniéristes.

2. Matériel et méthodes

2.1. Site d’étude

6L’étude a été conduite dans le département de l’Atlantique qui compte huit communes : Abomey-Calavi, Allada, Kpomassè, Ouidah, Sô-Ava, Toffo, Tori-Bossito et Zè (Figure 1). D’une superficie de 3 233 km2, ce département est celui où la sylviculture du teck est plus développée au Sud-Bénin et il contribue pour 69,2 % à la production nationale de bois de service (DGFRN, 2010).

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7Le climat du département de l’Atlantique est de type subéquatorial. Il est caractérisé par deux saisons pluvieuses alternant avec deux saisons sèches. La grande saison pluvieuse dure de mars à juillet, alors que la petite saison pluvieuse couvre la période de septembre à octobre. La hauteur moyenne annuelle de pluie est d’environ 1 100 mm. Les températures moyennes mensuelles varient au cours de l’année entre 27 et 31 °C, avec une amplitude thermique d’environ 3,8 °C (INSAE, 2004). La majeure partie du département est occupée par le plateau de terre de barre (sols ferralitiques). La végétation naturelle est la mosaïque de forêts denses semi-décidues et de savanes guinéennes. Celle-ci est aujourd’hui largement dégradée, laissant place à des espaces cultivés, des plantations et des îlots de forêt naturelle.

8Selon les estimations de l’INSAE (2013), la population était de 1 396 548 habitants en 2013. Les principales activités économiques sont l’agriculture, le commerce et l’artisanat.

2.2. Collecte des données

9La présente étude a été réalisée à travers une enquête auprès des pépiniéristes privés opérant dans le département de l’Atlantique. Le but poursuivi était de collecter des informations sur leurs activités. À cet effet, nous avons utilisé une méthode similaire à celle employée par Séhouéto et al. (2014) pour l’étude de la production de plants d’Acacia auriculiformis au Sud-Bénin.

10L’enquête a eu lieu dans toutes les communes du département de l’Atlantique, mais aucune pépinière n’a été rencontrée dans la commune de Sô-Ava du fait de son caractère lacustre. Dans chaque commune, les enquêtes démarrent par une prise de contact avec le service forestier communal. En effet, les agents forestiers ont été mis à contribution pour pallier l’inexistence d’une base de données sur les pépiniéristes. Ainsi, quelques pépinières sont d’abord localisées grâce aux informations fournies par les forestiers. À partir de ce point, la méthode d’échantillonnage « boule de neige » a été utilisée pour repérer les autres pépinières. Selon cette méthode, un répondant fournit des renseignements permettant d’identifier d’autres personnes exerçant la même activité (Giannelloni et al., 2001). Cette approche a permis de recenser 79 pépinières, mais 24 d’entre elles n’ont pas été prises en compte dans l’enquête, compte tenu de la non-disponibilité des pépiniéristes ou leur réticence. Le tableau 1 présente la répartition des pépinières étudiées par commune.

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11La collecte des données sur le terrain a été effectuée entre février et mai 2013 par une équipe de deux enquêteurs. Elle était basée sur des entretiens semi-structurés autour des points suivants : l’organisation des activités de production, les techniques de production de plants de teck, les couts de production et les recettes provenant de la vente de plants de teck.

2.3. Traitement et analyse des données

12Les données ont été exploitées à deux niveaux : la synthèse des techniques de production de plants de teck et l’évaluation financière de l’activité.

13Les méthodes de production des plants de teck ont été décrites selon les diverses phases de l’itinéraire technique.

14L’évaluation de la rentabilité financière de la production des plants a été faite en considérant séparément les deux types de pépinières rencontrées : les pépinières individuelles (89 % de l’échantillon) et les pépinières collectives (11 % de l’échantillon). Les indicateurs financiers ci-après ont été déterminés pour une production de 1 000 plants : les couts de production, les recettes et le revenu net d’exploitation. Les couts totaux de production ont été obtenus en additionnant l’ensemble des couts nécessaires à la production de 1 000 plants de teck. À cet effet, la comptabilité analytique a permis d’évaluer les couts pour les équipements utilisés en commun avec d’autres spéculations de l’exploitation. Le revenu net d’exploitation a été déterminé en faisant la différence entre les recettes totales et le cout total de production : RNE = RT-CT, avec RNE, le revenu net d’exploitation ; RT, les recettes totales et CT, le cout total de production (Lebailly et al., 2000). Des comparaisons entre pépinières individuelles et pépinières collectives ont été faites sur la base des indicateurs financiers grâce à des tests t de Student (Dagnelie, 1998).

3. Résultats

3.1. Techniques de production de plants de teck

15Les activités de production de plants de teck ont lieu entre les mois de février et de septembre. Cette production se déroule en quatre phases : l’approvisionnement en graines, le traitement pré-germinatif, le semis et l’entretien des jeunes plants.

16Approvisionnement en semences. Les pépiniéristes récoltent les semences pendant la saison sèche (décembre à février) sous des pieds de teck matures. Les semences sont parfois achetées auprès des populations riveraines des plantations étatiques de teck. En effet, certains riverains des teckeraies publiques procèdent au ramassage des graines de teck pendant la période de maturation, ce qui leur génère quelque revenu. Cette collecte se fait tout-venant, sans une focalisation sur des arbres élites.

17Traitement pré-germinatif des graines. Les méthodes employées pour lever la dormance des graines de teck : le traitement par le feu, le traitement à l’eau bouillante, le trempage dans l’eau à température ambiante et le trempage suivi du séchage. Les deux dernières techniques sont les plus employées, quel que soit le type de pépinière (Figure 2).

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18Avec le traitement par le feu, les graines sont brûlées de manière délicate à l’aide d’un mélange de pailles et de brindilles sèches. Dans la seconde méthode, les graines de teck sont versées dans de l’eau bouillante, puis récupérées après 15 min. La troisième méthode est le trempage des graines dans de l’eau à température ambiante durant deux à trois semaines. Quant à la quatrième méthode, elle consiste au trempage des graines dans de l’eau pendant trois jours, puis leur séchage sur une aire cimentée, des feuilles de tôle ou des bâches durant 15 jours, avec deux arrosages quotidiens (matin et soir).

19Semis des graines. La technique de semis des graines présente des variantes suivant le type de plant. En effet, deux types de plants de teck sont produits par les pépiniéristes : les plants en pots et ceux à racines nues (stumps).

20Plants en pots. Il existe deux catégories de pots, à savoir les sachets de polyéthylène de couleur noire, préconisés pour la production de plants et les sachets ordinaires de couleur blanche, peu résistants, utilisés pour l’emballage des produits. L’utilisation de cette seconde catégorie de sachet, moins chère, est due, entre autres, à des contraintes financières. L’empotage se fait manuellement avec du terreau prélevé sur le site de la pépinière ou sur les dépôts d’ordures ménagères.

21Pour produire les plants en pots, les pépiniéristes procèdent au :

22– semis direct des graines pré-traitées dans les pots,

23– au repiquage des graines germées dans les pots,

24– au semis en planche suivi de transplantation des plantules dans les pots.

25Les deux dernières méthodes sont les plus employées, aussi bien dans les pépinières individuelles que dans les pépinières collectives (Figure 3).

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26Selon la première méthode, les graines pré-traitées sont semées directement dans les pots de polyéthylène (une graine par pot), préalablement arrosés, à une profondeur d’environ 1 cm. Il s’ensuit un deuxième arrosage (Figure 4) et la protection des pots avec une ombrière en feuilles de palmier à huile (Figure 5). Celle-ci reste en place jusqu’à environ deux semaines après la levée des graines, puis est enlevée progressivement.

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27La deuxième technique consiste à laisser les graines pré-traitées sur des feuilles de tôle ou des bâches (Figure 6). Le triage des graines germées s’effectue de façon périodique (trois à quatre jours). Ces graines germées sont repiquées dans des pots qui sont gardés sous ombrière pendant 15 jours. Après l’enlèvement de l’ombrière, les plants font l’objet d’arrosages et des autres entretiens (voir point suivant).

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28Suivant la troisième méthode, les graines pré-traitées sont semées sur des planches, généralement à la volée. Elles sont ensuite couvertes d’une fine couche de sable ou de terreau. Elles peuvent être également couvertes par des feuilles de palmiers à huile. À partir de deux semaines environ, les jeunes plants à l’étape de deux feuilles sont repiqués dans les pots.

29Les plants de teck en pots sont prêts pour la vente environ trois mois après le repiquage (Figure 7).

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30Stumps. Les graines pré-traitées sont semées, en ligne ou à la volée, sur des planches rectangulaires, de dimensions variables. Pour le semis en ligne, les écartements sont de 20-40 cm entre les lignes et 7-10 cm entre les poquets sur chaque ligne. Les planches sont protégées par des feuilles de palmiers, qui sont remplacées au bout d’une semaine par une ombrière qui reste en place pendant 15 jours.

31Les stumps sont vendables à partir de six mois après le semis.

32Entretien des jeunes plants. L’entretien des jeunes plants de teck comprend l’arrosage, le découplage, la fertilisation minérale, le traitement phytosanitaire et le désherbage.

33L’arrosage manuel des plants se fait généralement deux fois par jour (matin et soir), mais les pépiniéristes tiennent compte des pluies pour ajuster le nombre d’arrosages. Le découplage (environ un mois après le semis) consiste à transplanter dans les pots dépourvus de plants, les plantules qui sont en excès dans certains pots. En effet, les graines de teck comprennent quatre loges pouvant contenir chacune un embryon.

34Les engrais utilisés pour la croissance des jeunes plants sont le NPK et l’urée, mais leur application n’est pas systématique. Ces engrais sont parfois appliqués au cours de l’empotage (mélange terreau-engrais) ou trois à quatre semaines après le repiquage, sous forme dissoute dans l’eau d’arrosage.

35Les traitements phytosanitaires sont effectués en cas d’attaques. Dans ce cas, le « Decis » (15 g·l-1 de deltaméthrine) est couramment utilisé contre les insectes. Le filtrat des feuilles de neem (Azadirachta indica) est parfois utilisé pour lutter contre les attaques d’insectes. Les champignons sont combattus avec le fongicide « Topsin M » (70 % thiophanate-méthyl) mélangé au terreau.

36Les plants sont désherbés de façon périodique afin d’éliminer les adventices. Cette opération est effectuée manuellement, à une fréquence de 2-3 semaines, selon l’état d’enherbement.

3.2. Rentabilité financière de la production de 1 000 plants de teck

37L’analyse de rentabilité a été faite seulement pour les plants en pots. En effet, la production des stumps n’a été observée que dans 7,3 % des pépinières étudiées. La production moyenne de plants en pots est 4,8 fois plus élevée dans les pépinières collectives, par rapport aux pépinières individuelles (Tableau 2).

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38Couts de production de 1 000 plants de teck. Les couts de production des plants de teck en pots comportent des couts variables et fixes (Tableau 3).

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39Les couts variables dominent dans la structure des couts (Tableau 3). Leur part dans les couts totaux de production est d’environ 82 % dans les pépinières individuelles et 97 % pour les coopératives. Parmi les couts variables, l’achat des sachets en polyéthylène est l’un des éléments majeurs. Ces sachets contribuent pour environ 1/5 et 3/5 aux couts de production respectivement dans les pépinières individuelles et les pépinières collectives (Tableau 3). La différence entre pépinières collectives et pépinières individuelles est due au fait que ces dernières utilisent des sachets blancs de qualité inférieure, compte tenu du profil de leur clientèle. En effet, les pépiniéristes individuels vendent essentiellement leur production aux petits planteurs qui sont demandeurs de plants à faible cout. Par contre, la production des coopératives est achetée principalement par les Projets forestiers et les ONG, demandeurs de plants de qualité pour des plantations communautaires.

40La rémunération de la main-d’œuvre salariée occasionnelle est aussi un élément important dans la structure des couts. Elle représente plus de la moitié des couts de production dans les pépinières individuelles et le tiers dans les pépinières collectives (Tableau 3).

41Les couts variables sont plus élevés dans les pépinières collectives que dans les pépinières individuelles ; par contre, les pépinières individuelles présentent des couts fixes plus élevés (Tableau 3). En effet, la production plus élevée dans les pépinières collectives (Tableau 2) entraine une meilleure valorisation des immobilisations. Les couts totaux de production de 1 000 plants sont significativement plus élevés dans les pépinières collectives, par rapport aux pépinières individuelles (test t de Student ; p < 0,05). Toutefois, cela ne traduit pas une plus grande efficience dans les pépinières individuelles, car le cout de production plus faible va de pair avec une moindre qualité des plants. Les écarts-types relativement élevés (Tableau 3) traduisent une forte dispersion et confirment la diversité des modes d’organisation de la production de plants par les pépiniéristes.

42Recettes et revenu net d’exploitation. La production de 1 000 plants de teck génère des recettes qui varient en moyenne entre 34 000 FCFA1 dans les pépinières individuelles et 43 000 FCFA dans les pépinières collectives (Tableau 4). La différence entre les deux types de pépinières est significative (test t de Student, p < 0,05).

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43Le revenu net d’exploitation (RNE) par millier de plants vendus est positif, aussi bien dans les pépinières individuelles que dans les pépinières collectives, mais ces dernières obtiennent une valeur plus élevée (Tableau 4). Par ailleurs, les pépinières collectives dégagent un plus grand rendement financier (revenu par unité monétaire investie).

4. Discussion

4.1. Techniques de production des plants de teck

44Les pépiniéristes produisent aussi bien des stumps que des plants en pots. Toutefois, la production de stumps est limitée à cause de la faible demande pour ce type de plants. En effet, les enquêtes sur la foresterie paysanne ont montré que la plupart des paysans planteurs produisent eux-mêmes les stumps, du fait de la simplicité des techniques de production (Aoudji et al., 2014).

45Les pratiques des pépiniéristes sont diversifiées tout au long de l’itinéraire technique de production de plants de teck. Le traitement pré-germinatif est fait par tous, à cause de la dormance physique des graines de teck (Willan, 1992), mais les approches utilisées varient. De même, l’étape de germination des graines se fait selon des modalités variables. Demenois et al. (2001) ont aussi rapporté une diversité de traitements pré-germinatifs des graines de teck en Inde. Toutefois, les techniques biologiques de levée de dormance rencontrées en Inde, par exemple le recours aux termites (Demenois et al., 2001), n’ont pas été observées dans les pépinières villageoises du département de l’Atlantique.

46Certaines pratiques des pépiniéristes de notre zone d’étude s’écartent des normes recommandées dans les fiches techniques sur les pépinières forestières (Willan, 1992 ; ABE, 1998 ; Meunier et al., 2006). À titre d’exemple, les sachets de polyéthylène de couleur blanche, peu résistants, sont utilisés à la place des sachets en polyéthylène de couleur noire recommandés. Cela entraine la brisure des sachets au cours des manipulations et du transfert des plants vers les sites de plantation.

47Le mode d’approvisionnement en semences (utilisation de graines tout-venant) ne permet pas de répondre aux attentes des planteurs en matière de qualité de plants. En effet, au Bénin, il existe deux provenances de teck : la provenance locale et la provenance tanzanienne. Cette dernière a montré de meilleures performances de croissance (Azankpan et al., 2009 ; Kokutse et al., 2009). La provenance tanzanienne introduite dans le pays par l’Office National du Bois, entreprise publique en charge de la gestion des plantations étatiques de teck, est recherchée par les planteurs. Toutefois, il est difficile de s’assurer de la provenance livrée aux planteurs à cause de l’utilisation de semences tout-venant par les pépiniéristes, ce qui ne garantit pas la pureté du matériel végétal. Ces faiblesses liées à l’approvisionnement en semences pourraient expliquer les défauts observés sur les bois des plantations paysannes de teck, par exemple les courbures et la présence excessive de nœuds (Aoudji et al., 2011).

48Les faiblesses relevées dans le système d’approvisionnement en semences ont aussi été constatées pour d’autres essences forestières dans des études antérieures au Bénin (Séhouéto et al., 2014), au Nigeria (Okoro et al., 1987) et au Kenya (Nieuwenhuis et al., 2000). Pour assurer la productivité et la rentabilité des plantations qui seront établies, il est nécessaire d’accompagner les pépiniéristes pour l’accès à un matériel végétal de qualité (Bekker et al., 2004) en utilisant les semences de teck provenant d’arbres élite de provenance tanzanienne. D’une manière générale, il faut veiller à ce que les graines soient collectées sous des arbres ayant un bon développement végétatif et exempts de toute attaque parasitaire. La rectitude, la vigueur, la rapidité de croissance et la qualité du bois des arbres mères sont aussi des critères importants de sélection.

4.2. Rentabilité financière de la production des plants

49Dans la structure des couts de production, le faible recours à la main-d’œuvre extérieure dans les pépinières collectives (Tableau 3) s’explique par la participation de chaque coopérateur aux activités de production. En ce qui concerne les sachets en polyéthylène, leur importance au niveau des coopératives s’explique par le fait qu’elles utilisent de façon prédominante les pots de couleur noire recommandés et résistants, contrairement aux pépinières individuelles qui utilisent des sachets blancs. Les groupements de pépiniéristes sont généralement installés dans les domaines forestiers et bénéficient de l’effort de protection du domaine forestier grâce à l’Administration forestière, d’où l’absence du gardiennage dans leur structure de cout (Tableau 3). Les mêmes raisons expliquent l’absence des couts de location du terrain chez ces coopératives (Tableau 3).

50Le revenu net d’exploitation pour une production de 1 000 plants est positif, quel que soit le type de pépinière (Tableau 4). Ce résultat confirme l’hypothèse selon laquelle la production de teck est une activité rentable pour les pépiniéristes.

51Malgré des couts de production supérieurs, les coopératives dégagent un revenu plus élevé que les pépiniéristes individuels en raison des prix de vente plus élevés. Cela s’explique par le fait que les coopératives livrent principalement leur production aux projets forestiers et ONG à des prix plus rémunérateurs. La préférence des projets et ONG pour les pépinières collectives est due à la capacité de ces coopératives à livrer des quantités plus élevées de plants (Tableau 2). Toutefois, en considérant le revenu par personne, les membres des coopératives (15 personnes en moyenne) obtiennent un dividende inférieur au revenu moyen des pépiniéristes individuels.

52Dans la structure des couts (Tableau 3), les écarts-types élevés permettent d’explorer l’effet des modes d’organisation des pépiniéristes sur leur performance. La localisation du site de production est l’un des principaux facteurs dont l’effet transparait à travers la forte dispersion observée, avec une influence sur la performance financière des pépinières. En effet, la dispersion observée dans certaines lignes de couts est due essentiellement aux variations spatiales de l’emplacement des pépinières. Ainsi, le cout de revient du terreau est fortement dépendant de la distance entre les lieux de prélèvement et le site de la pépinière. Aussi, le loyer de location du domaine est-il influencé par l’emplacement du site de production. De même, le cout de la main-d’œuvre varie selon les localités, avec des montants plus élevés au niveau des pépinières opérant près des agglomérations urbaines. Ces mêmes raisons expliquent les variations du cout du gardiennage qui constitue une forme particulière de main-d’œuvre utilisée pendant la période de vente des plants de teck. Les disparités dans les frais financiers sont sous l’influence du niveau de recours à l’emprunt. Toutefois, il est possible que le recours plus important au crédit (frais financiers élevés) ait une influence positive sur la pépinière, par l’affranchissement des contraintes en fonds de roulement et l’accroissement du volume de la production, mais la mesure de ce genre d’effet n’a pas été abordée dans cet article. Les disparités dans l’amortissement reflètent des niveaux variables d’intensité capitalistique au sein des pépinières. Enfin, les écarts observés au niveau des sachets de polyéthylène (pépinières individuelles), des engrais et des fongicides pourraient traduire l’influence du savoir-faire des pépiniéristes. En effet, le savoir-faire, qui est fonction de l’expérience des pépiniéristes, est considéré comme un facteur de production à part entière (Racine, 2014), au même titre que la terre, le travail et le capital. La discussion précédente confirme l’importance du renforcement des capacités des pépiniéristes, à travers des formations, pour améliorer leur performance. Celles-ci devraient inclure les critères d’un bon emplacement de site, à savoir la disponibilité permanente de l’eau, un équilibre dans la facilité d’accès aux autres facteurs de production (terreau, main-d’œuvre, etc.) et une distance raisonnable des lieux de plantation où se trouvent les clients.

53Les résultats de la présente étude confortent ceux d’une étude précédente sur la rentabilité de la production des plants d’Acacia auriculiformis par les pépiniéristes au Sud-Bénin (Séhouéto et al., 2014). Toutefois, le revenu généré par la production de plants d’Acacia auriculiformis, respectivement 9 006 FCFA et 26 526 FCFA/1 000 plants au niveau des pépinières individuelles et des pépinières collectives (Séhouéto et al., 2014), est globalement inférieur à celle du teck. Au Nigeria, il a été également démontré que la production de plants forestiers de diverses espèces dans deux pépinières publiques est une activité rentable (Ajayi et al., 2006). Ainsi, la production des plants forestiers pourrait être prise en compte par les organismes de développement pour diversifier les sources de revenus des populations rurales et ainsi contribuer à la réduction de la pauvreté.

54Certaines améliorations attendues des pépiniéristes (achat de semences de qualité, utilisation de sachets de polyéthylène adaptés) sont de nature à augmenter les couts de production, notamment dans les pépinières individuelles. L’augmentation subséquente des prix de cession des plants pourrait handicaper l’accès aux petits planteurs à la recherche de plants à faible cout. Ainsi, dans un effort global de promotion du reboisement, l’Administration forestière pourrait intervenir en subventionnant partiellement les plants, afin de maintenir des prix abordables aux producteurs.

5. Conclusion

55L’article avait pour objectif d’analyser les techniques et la rentabilité financière de la production de plants de teck dans les pépinières villageoises du Sud-Bénin. La production de plants de teck se fait dans des pépinières individuelles ainsi que dans des pépinières collectives (coopératives).

56Il existe une certaine hétérogénéité dans les techniques de production employées par les pépiniéristes. La diversité la plus remarquable a été observée au niveau des techniques de traitement pré-germinatif. Cette diversité est le reflet du savoir-faire que chaque pépiniériste a développé de par son expérience dans la production de plants de teck. Certaines faiblesses susceptibles d’affecter la qualité des plants ont été identifiées. Il s’agit de l’utilisation de semences tout venant, collectées sur des arbres n’ayant fait l’objet d’aucune sélection, l’utilisation prédominante des sachets de polyéthylène blancs inadaptés à la production de plants forestiers, notamment dans les pépinières individuelles.

57L’analyse financière a montré que les pépiniéristes tirent des bénéfices de la production des plants de teck. Ainsi, au-delà de l’approvisionnement en plants pour le reboisement, les activités de pépinières pourraient être prises en compte par les organismes de développement dans leurs stratégies de diversification des moyens d’existence des populations rurales.

58Eu égard aux résultats de l’étude, certaines interventions sont nécessaires pour améliorer le système de production de plants forestiers et en faire un maillon viable au service d’une foresterie de plantation durable. En effet, il est nécessaire de fournir un appui technique aux pépiniéristes pour accéder aux semences de qualité. Des formations de recyclage sur les techniques de production de plants seraient également utiles afin de garantir la production de plants de qualité pour de bonnes performances productives en plantation. Parmi les points importants à aborder dans ces formations, il y a les critères de choix de l’emplacement de la pépinière et la maitrise de l’itinéraire technique de production. La question est de savoir qui prendra la direction de cette intervention. Même si les ONG environnementales peuvent contribuer à l’appui technique susmentionné, cela relève principalement de la responsabilité de l’Administration forestière, en tant que chef de file dans la mise en œuvre d’une politique forestière efficace. Des recherches complémentaires sont nécessaires pour évaluer l’efficacité des différentes techniques utilisées par les pépiniéristes.

Remerciements

59Les auteurs expriment leur gratitude à l’endroit de la Commission Universitaire pour le Développement (CUD, Belgique) qui a contribué financièrement à cette étude à travers le Projet Interuniversitaire Ciblé « Contribution au développement d’une filière du teck au départ des forêts privées du Sud-Bénin (Département Atlantique) ».

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Notes

1  Taux de change moyen pendant la période d’étude : 1 FCFA = 0,002 USD. Source : http://www.exchangerates.org.uk/XOF-USD-exchange-rate-history.html

Para citar este artículo

Caroline K. P. Séhouéto, Augustin K. N. Aoudji, Carolle Avocèvou-Ayisso, Anselme Adégbidi, Jean C. Ganglo & Philippe Lebailly, «Évaluation technico-économique de la production de plants de teck (Tectona grandis L.f.) dans les pépinières villageoises au Sud-Bénin», BASE [En ligne], Volume 19 (2015), Numéro 1, 32-41 URL : http://popups.ulg.be/1780-4507/index.php?id=11777.

Acerca de: Caroline K. P. Séhouéto

Université d’Abomey-Calavi. Faculté des Sciences Agronomiques. Département d’Économie, de Socio-Anthropologie et de Communication pour le Développement rural. 01 BP 526 Cotonou (Bénin).

Acerca de: Augustin K. N. Aoudji

Université d’Abomey-Calavi. Faculté des Sciences Agronomiques. Département d’Économie, de Socio-Anthropologie et de Communication pour le Développement rural. 01 BP 526 Cotonou (Bénin). E-mail : augustin.aoudji@gmail.com

Acerca de: Carolle Avocèvou-Ayisso

Université d’Agriculture de Kétou. BP 43. Kétou (Bénin)

Acerca de: Anselme Adégbidi

Université d’Abomey-Calavi. Faculté des Sciences Agronomiques. Département d’Économie, de Socio-Anthropologie et de Communication pour le Développement rural. 01 BP 526 Cotonou (Bénin).

Acerca de: Jean C. Ganglo

Université d’Abomey-Calavi. Faculté des Sciences Agronomiques. Département d’Aménagement et Gestion de l’Environnement. 01 BP 526 Cotonou (Bénin).

Acerca de: Philippe Lebailly

Université de Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Unité d’Économie et Développement rural. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).