BASE BASE -  Volume 15 (2011)  numéro 1 

Revue bibliographique : la prise en compte des transferts horizontaux dans les modèles hydrologiques

Eléonore Beckers

Univ. Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Unité d'Hydrologie et Hydraulique agricole. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique). E-mail : eleonore.beckers@ulg.ac.be

Aurore Degré

Univ. Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Unité d'Hydrologie et Hydraulique agricole. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).

Notes de la rédaction :

reçu le 14 septembre 2009, accepté le 6 mai 2010

Résumé

Cette synthèse bibliographique rappelle les différents schémas de modélisation hydrologique et plus particulièrement la manière dont sont pris en compte les mouvements horizontaux de l'eau dans les sols. Elle met en évidence les hypothèses actuelles et propose une réflexion pour améliorer leur représentation à base physique. Dans le contexte de l'évolution des techniques agricoles, particulièrement de la diminution du recours au labour, il apparait nécessaire d'introduire une description plus fondée de paramètres tels que la conductivité hydraulique horizontale et sa dépendance à la teneur en eau afin de représenter les flux hydrologiques à l'échelle d'une parcelle et à l'échelle d'un bassin versant. Dans ce contexte, une approche par mesure in situ et modélisation physiquement basée est suggérée.

Mots-clés : écoulements hypodermiques, écoulement de subsurface, modèle hydrologique, conductivité hydraulique horizontale, coefficient de Darcy

Abstract

Modelling of interflows in soils: a review. This review sums up the different schemes in hydrological modelling. Moreover, it underlines how the interflows are taken into account and draws the first lines to improve their physically based representation. In the mood of the change in agricultural practices, especially concerning the conventional tillage reduction in support of conservational tillage, it seems to be necessary to propose a better description of decisive parameters like horizontal hydraulic conductivity. More precisely, the dependence of this parameter with the water retention curve has to be described in order to represent fluxes at the plot scale and at the watershed scale. Under these circumstances, an approach with in situ measurements and physically based modelling is suggested.

Keywords : interflow, subsurface flow, hydrological model, horizontal hydraulic conductivity, Darcy coefficient

1. Introduction

1La modélisation hydrologique est un outil très utilisé qui vise à reproduire le comportement hydrologique d'une parcelle agricole ou d'un bassin versant. Un des premiers objectifs était de prédire les évènements de crue. Seul le débit à l'exutoire était alors recherché. Actuellement, les modèles hydrologiques essayent de reproduire au mieux la réalité des écoulements, acquérant dès lors la fonction d'outil d'analyse distribuée du comportement de l'eau au sein du bassin versant et d'outil de gestion des ressources en eau et de l'aménagement du territoire, tant pour les aspects quantitatifs que qualitatifs.

2Les crues sont le fait de plusieurs processus simultanés dont l'importance relative varie en fonction des paramètres de terrain. La première théorie physique de genèse des crues, développée par Horton (1933), considère que le ruissellement est produit par dépassement de la capacité d'infiltration des sols. Mais depuis l'élaboration de cette théorie, l'importance des écoulements horizontaux de surface et hypodermiques, ainsi que des écoulements en macropores lors de la formation de la crue, a été mise en évidence.

3Étant donné l'importance des écoulements horizontaux dans la genèse des crues, ceux-ci nécessitent d'être représentés au mieux dans les modèles hydrologiques.

4Le paramètre déterminant les flux horizontaux dans les modèles hydrologiques est la conductivité hydraulique horizontale. Elle est prise en compte de manière explicite dans les modèles hydrologiques physiques. Cependant, la valeur qui lui est attribuée est peu discutée et est, dans bien des cas, simplement proportionnelle à la valeur de la conductivité hydraulique verticale. Dans les modèles conceptuels (voir point suivant), la prise en compte des flux horizontaux peut être faite selon différentes approches, dont la plupart nécessitent la calibration des paramètres déterminants.

5Il apparait que cette valeur, primordiale dans la quantification des différents flux hydrologiques, n'est pas évaluée sur base des caractéristiques physiques du sol. Le premier objectif de la présente revue bibliographique est de présenter la caractérisation de ce paramètre au travers de la modélisation hydrologique.

6D'autre part, les nouveaux itinéraires techniques simplifiés mis en place sur certaines cultures tendent à montrer un changement dans la porosité des sols, aussi bien dans sa distribution (Malone et al., 2003 ; Bhattacharyya et al., 2006 ; Sasal et al., 2006 ; Ball et al., 2007) que dans son orientation (Ball et al., 1994 ; Sasal et al., 2006) et la connectivité des pores (Wahl et al., 2004 ; Ball et al., 2007). Cameira et al. (2003), Malone et al. (2003), Wahl et al. (2004), Bhattacharyya et al. (2006) et Sasal et al. (2006) notent également un changement dans le taux d'infiltration de l'eau dans le sol et donc dans sa conductivité hydraulique verticale à saturation. Il est dès lors légitime de s'interroger sur l'effet des itinéraires techniques simplifiés au niveau de la conductivité horizontale et de l'importance relative de ce changement. Est-il de nature à modifier les termes du bilan hydrologique et notamment ses composantes verticale et horizontale ? Le présent article tente d'établir la capacité ou l'incapacité des modèles hydrologiques actuels à prendre en compte ce facteur de variation.

2. Modélisation hydrologique : types de modèles, développement, état actuel

7Depuis l'apparition de la modélisation hydrologique, de nombreux modèles ont été développés en fonction des objectifs recherchés, sur base de différents choix d'élaboration, menant à une multitude de modèles exploitables dont chacun est doté de champs d'application et de validité restreints. Les différences portent notamment sur les options de simulation en termes de discrétisation spatiale : les modèles sont globaux ou distribués. Les différences de représentation temporelle mènent à l'existence de modèles continus ou évènementiels. Et enfin, ils diffèrent au point de vue de l'expression des phénomènes hydrologiques, liés soit à des équations empiriques, soit à des équations physiques, soit à une simplification plus ou moins poussée de ces équations physiques (approche conceptuelle). On le voit, les critères de classification des modèles reposent principalement sur la représentation de l'espace, du temps et des processus décrits (Singh, 1995 ; Payraudeau, 2002), mais certaines classifications distinguent encore les modèles déterministes ou stochastiques, les modèles cinématiques ou dynamiques, les modèles de prédiction, gestion ou aménagement, etc. (Singh, 1995 ; Ambroise, 1998b). On le voit donc, la diversité des approches mène à la coexistence de trop nombreuses classifications, dont les limites sont floues et susceptibles d'interprétation personnelle (Payraudeau, 2002). Une classification simple, notamment proposée par Perrin (2000), subdivise les modèles en trois types principaux selon leur représentation du bassin versant, plus ou moins liée à des paramètres de description physique du bassin considéré :

8– les modèles empiriques ou « boites noires »,

9– les modèles conceptuels,

10– les modèles physiques.

11Ambroise (1998b) prend en compte une classe supplémentaire en distinguant les modèles conceptuels et les modèles « physico-conceptuels ». Nous rejoignons cet avis, car cette classification permet de pallier l'ambigüité entre les classes de modèles conceptuels et à base physique (Payraudeau, 2002). En effet, le terme de modèle conceptuel reprend des modèles très éloignés dans leur fonctionnement : celui-ci peut être physiquement basé ou non, le terme conceptuel ne faisant référence alors qu'à une représentation schématique du bassin versant en réservoirs (Gineste, 1997). Nous distinguons donc : les modèles conceptuels de type « boites grises » [« Une « boite grise » est un modèle stochastique qui décrit uniquement les relations les plus importantes de la théorie déterministe » (Dauphin, 1998)] et les modèles conceptuels à base physique ou capacitifs. Nous continuerons donc notre description des différents modèles hydrologiques selon la classification suivante :

12– les modèles empiriques ou « boites noires »,

13– les modèles conceptuels empiriques ou « boites grises »,

14– les modèles conceptuels à base physique ou capacitifs,

15– les modèles physiques.

16Le schéma de la figure 1 explicite cette classification. Les paramètres intervenant dans le cas des modèles conceptuels à base physique reposent sur des variables mesurables sur le terrain, tandis que dans le cas des modèles « boites grises », les paramètres de vidange ne correspondent pas à une réalité physique et sont simplement le fait de calibration sur base des débits observés à l'exutoire.

Image1

17Le développement de la modélisation hydrologique s'est fait selon plusieurs étapes menant à des modèles de plus en plus complexes et de plus en plus représentatifs de la réalité, tout en ne constituant qu'une vision de cette réalité, celle de l'hydrologue qui conçoit le modèle. Les premiers modèles développés étaient empiriques, basés sur une relation du type :

18Q = f(P)

19reliant le débit à l'exutoire à la pluie entrant sur le bassin versant. Ces modèles sont communément appelés des « boites noires », seules l'entrée et la sortie étant connues, le cheminement de l'eau au sein du bassin versant n'étant pas reproduit et aucun paramètre physique du bassin versant n'étant intégré au modèle (Singh, 1995 ; Perrin, 2000). Ce type de modèle nécessite un calage sur de longues séries de données observées. Il est peu utilisé à des fins de recherche hydrologique, mais présente un intérêt par sa simplicité notamment pour des prévisions de crue en bassin versant jaugé (Ambroise, 1998b).

20Les modèles physico-conceptuels envisagent le bassin versant comme un système de réservoirs connectés, dont les paramètres de vidange seront fonction des couches et types de sol considérés. Ces modèles intègrent les éléments du cycle de l'eau, mais dans une représentation simplifiée. Les premiers modèles de ce type à l'échelle du bassin versant étaient globaux, c'est-à-dire considérant le bassin versant comme un tout homogène, avant d'évoluer vers des modèles dits distribués, divisant le bassin versant en un certain nombre de sous-unités, ces divisions étant basées soit sur une certaine homogénéité (division du domaine en HRU ou unité de réponse hydrologique, basée sur le type de sol, son occupation, sa pente, etc., le modèle est alors dit « semi-spatialisé »), soit selon un schéma de discrétisation régulier (modèle spatialisé par génération d'un maillage régulier) (Ambroise, 1998b). L'apparition de ces modèles distribués répond à d'autres besoins : la connaissance de variables intermédiaires, la génération de scénarios, l'analyse de sensibilité, etc. Ces modèles distribués représentent donc un progrès vers l'analyse des écoulements au sein du bassin versant et l'étude de la variabilité du système, tout en permettant, par rapport aux modèles physiques, une simplification de l'expression des processus en jeu (Ambroise, 1998b ; Ayral, 2005 ; Gnouma, 2006).

21Parallèlement à l'évolution des modèles conceptuels, les modèles physiques ont vu le jour, ces modèles reposant sur des lois physiques de description des processus hydrologiques, telles l'équation de Darcy (1856) pour le domaine saturé et l'équation de Richards (1931) pour le domaine insaturé (Ambroise, 1998b). Dès lors, ils sont en principe applicables dans les trois dimensions de l'espace, même si les premiers modèles du genre n'étaient développés qu'en la seule dimension verticale. La nécessité de connaitre la valeur de la conductivité hydraulique horizontale n'est bien sûr apparue qu'avec la naissance de ces modèles en trois dimensions. Ces modèles présentent un autre avantage, non des moindres, c'est d'être extrapolables sur des bassins non jaugés. Mais, reposant sur une résolution numérique des équations, ils nécessitent dès lors une puissance de calcul beaucoup plus importante. De plus, le grand nombre de paramètres descriptifs du sol nécessaire est limitant dans leur application (Ambroise, 1998b ; Payraudeau, 2002).

22Nous le voyons, la diversité des approches de modélisation mène à la coexistence d'un très grand nombre de modèles. Le choix de l'utilisation d'un modèle plutôt qu'un autre n'est pas aisé. De par leur conception, certains modèles ou certaines classes de modèles auront un domaine d'application privilégié. Selon Klemes1 (1986) : « For a good mathematical model it is not enough to work well. It must work well for the right reasons. ». Cela signifie que la capacité du modèle à représenter le signal de sortie mesuré doit être le fait de la bonne représentation des processus et non parce que les défauts ou les erreurs de traduction des phénomènes se compensent mutuellement grâce à la calibration des paramètres en jeu (Zehe et al., 2007).

23L'objectif de la simulation est un premier critère de choix. L'utilisation des modèles physiques, vu ce qui a été dit au paragraphe précédent (puissance de calcul, nombre de paramètres à mesurer, etc.), n'est justifiable que lorsque l'on s'intéresse aux phénomènes simulés et par là, aux paramètres mis en jeu. Dès lors que l'on ne s'intéresse qu'aux produits de la simulation, les modèles physico-conceptuels, plus simples d'utilisation et fournissant des résultats probants, sont tout à fait appropriés (Ambroise, 1998b), sachant que ce type de modèle « ne prouve jamais rien. Il ne fait que traduire les hypothèses qu'on y a entrées… » (Cosandey et al.2, 2000). La taille de la zone d'étude sera également déterminante. L'utilisation des modèles physiques ne se justifie que pour des petits bassins versants. En effet, pour des bassins versants de grande taille, la validité des lois physiques en jeu n'est pas vérifiable, celles-ci pouvant fonctionner pour de mauvaises raisons, les modèles physiques s'apparentant alors aux modèles conceptuels (Ayral, 2005).

3. Genèse des crues

24Les crues sont le fait de plusieurs processus simultanés dont l'importance relative varie en fonction des différentes conditions rencontrées sur le terrain, telles la topographie, l'occupation du sol, la texture du sol en place, etc. La première théorie physique de genèse des crues a été développée par Horton (1933). Cette théorie stipule que tant que l'intensité de la pluie est inférieure à la capacité d'infiltration du sol, toute l'eau précipitée s'infiltre, mais que dès que cette capacité est dépassée, l'excédent ruisselle sur le sol et participe directement à la crue. Le taux d'infiltration du sol varie selon une fonction exponentielle décroissant lorsque l'humidité du sol augmente. Depuis l'émergence de cette théorie, très appréciée, des recherches ont montré qu'une partie, parfois majoritaire, de l'eau génératrice de crue a d'abord transité par le sol (Hursh, 19363). Divers phénomènes ont été avancés pour expliquer la participation importante de l'eau souterraine à la crue, nombre de synthèses dans la littérature y faisant référence (notamment Ambroise, 1998a ; Ambroise, 1998b ; Musy et al., 1998).

25Les écoulements au sein d'un bassin versant peuvent se répartir en différentes catégories selon leur cheminement : écoulement de surface, écoulement de subsurface et écoulement souterrain. Ce dernier ne concerne pas notre domaine d'étude et ne sera pas abordé.

26L'écoulement de surface peut être dû soit au ruissellement hortonien, par dépassement de la capacité d'infiltration du sol, soit au ruissellement par saturation, c'est-à-dire par dépassement simultané de la capacité de stockage du sol et de la capacité de transmission latérale des flux. La théorie du ruissellement par saturation a été développée en contestation de celle de Horton, des observations de terrain mettant en doute le processus hortonien, et postule que le ruissellement qui contribue à la crue est produit sur des zones saturées variables en relation avec la profondeur de la nappe et la topographie (Cappus, 19604 ; Dunne et al., 19705).

27L'origine des écoulements de subsurface est plurielle et encore sujette à discussion. Un des processus identifiés est l'écoulement hypodermique par accroissement local de la conductivité hydraulique latérale. L'eau qui percole rencontre une discontinuité texturale ou structurale du sol favorisant son accumulation sus-jacente et donc l'augmentation locale de la conductivité hydraulique et produit un écoulement latéral vers le cours d'eau, avec éventuellement apparition d'une nappe perchée lorsque l'on passe en conditions saturées. L'écoulement en macropores a été évoqué déjà par Hursch6 en 1944. Les macropores, pores non capillaires (ne fonctionnant qu'en conditions saturées sous la seule force gravitaire), peuvent favoriser un écoulement vertical ou latéral rapide, en fonction de leur orientation préférentielle, en court-circuitant la matrice microporeuse du sol. Un autre processus également invoqué est « l'effet piston ». Celui-ci considère que l'eau de pluie qui arrive sur le versant pousse par effet piston l'eau déjà présente et transmet une onde de pression qui provoque une sortie simultanée d'eau souterraine en bas de versant. Et finalement, le phénomène d'intumescence de nappe, ou remontée de la frange capillaire, explique également en partie la présence d'eau souterraine dans la crue.

28Les chemins empruntés par les précipitations lors de la formation des crues sont nombreux et encore sujets à discussion. Néanmoins, il ressort de ces études que les écoulements horizontaux de surface et hypodermiques, ainsi que les écoulements en macropores, jouent un rôle majeur dans la formation de la crue, l'importance relative de chacun de ces processus étant fonction des sols en place ainsi que de leur pente, occupation et structure.

4. Prise en compte de la conductivité hydraulique dans les modèles hydrologiques

29Nous nous intéressons donc, dans le cadre de cet article, à la valeur à attribuer à la conductivité hydraulique horizontale et à son évolution en fonction de la teneur en eau du sol. Nous détaillons ci-après les différentes fonctions et la prise en compte de ce paramètre dans les modèles hydrologiques actuels. Nous distinguerons, vu ce qui a été présenté au point 2, les modèles physiques des modèles conceptuels.

4.1. Modèles physiques (résolution numérique de l'équation de Richards)

30Version 1D. Différentes formulations prennent en compte les caractéristiques hydrodynamiques des sols dans les modèles de type Richards. De manière générale, elles expriment la variation de la teneur en eau et de la conductivité hydraulique en fonction de la pression, différents paramètres propres aux formulations reliant ces grandeurs. Les principales fonctions proposées sont exposées ci-dessous.

31La fonction hydraulique de van Genuchten (1980), utilisant le modèle de distribution statistique de la porosité de Mualem (1976), permet la prédiction de la conductivité hydraulique insaturée par l'expression des paramètres de rétention du sol selon :

Image2

32avec θr, la teneur en eau résiduelle (pour une succion infinie) ; θh, la teneur en eau à saturation ; l, l'indice de connectivité des pores ; n, l'index de la distribution de la porosité ; α, l'inverse de la valeur d'entrée d'air ; m, =1-1/n ; n > 1.

33En disposant de la conductivité hydraulique à saturation et des courbes de teneur en eau, les paramètres α et n sont ajustés.

34Les relations pression-teneur en eau du sol, θ(h) et pression-conductivité hydraulique, K(h) selon Brooks et al.7 (1964) sont données par :

Image3

35où Se est la saturation effective :

Image4

36Une autre expression de ces paramètres est donnée par Vogel et al. (1988), qui ont modifié l'équation de van Genuchten (1980) afin de mieux décrire la phase proche de la saturation. Ces fonctions sont les suivantes :

Image5

Image6

37Deux nouveaux paramètres extrapolés, θm et θa, apparaissent dans ces fonctions et l'on revient à l'expression de van Genuchten si θm = θs et θa = θr. L'introduction de ces paramètres n'a pas d'effet sur la courbe de rétention en eau, mais impacte celle de la conductivité hydraulique.

38Version 2D/3D. Dans les modèles à base physique de type Richards, la conductivité hydraulique horizontale peut varier proportionnellement à sa valeur verticale dans toutes les directions et en tout point du domaine défini par l'utilisateur. Plus précisément, on définit un tenseur KA supposé symétrique, cette condition permet alors de définir en n'importe quel point du domaine un système de coordonnées local pour lequel le tenseur est diagonal, ces éléments de diagonales étant les composantes principales du tenseur : K1A, K2A et K3A. Il est possible de faire varier l'orientation de ces composantes principales élément par élément, les axes locaux étant soumis à une rotation afin de correspondre aux directions principales du tenseur KA. On définit donc pour chaque élément les composantes principales K1A, K2A et K3A, ainsi que les angles entre ces composantes principales et les axes du système global de coordonnées. Chaque tenseur local est alors transformé en termes de coordonnées globales selon :

39KAXX = KA1a11a11 + KA2a12a12 + KA3a13a13

40KAyy = KA1a12a12 + KA2a22a22 + KA3a23a23

41KAzz = KA1a13a13 + KA2a23a23 + KA3a33a33

42KAxy = KA1a11a12 + KA2a12a22 + KA3a13a23

43KAxz = KA1a11a13 + KA2a12a23 + KA3a13a33

44KAyz = KA1a12a13 + KA2a22a23 + KA3a23a33

45où aij représente le cosinus de l'angle entre la ième direction principale du tenseur KA et l'axe j du système global de coordonnées (Simunek, 2007).

46On le voit donc, la prise en compte des deux autres dimensions dans les modèles 3D Richards au niveau de la conductivité hydraulique se fait simplement par la possibilité de multiplier la conductivité hydraulique verticale par un facteur fonction de l'orientation dans le sol et suppose donc l'égalité des paramètres des fonctions hydrauliques appliquées, quelle que soit l'orientation.

4.2. Modèles conceptuels

47Nous centrons notre propos sur les modèles conceptuels à base physique, à même de représenter différents scénarios de travail du sol et présentant également un volet biologique (simulation de la croissance végétale et des prélèvements par la plante) ou permettant un couplage avec de tels modules. Les modèles conceptuels de type boites grises, vu la définition donnée au point 2, ne nous intéressent pas ici car ils ne transcrivent pas de théories spécifiques de l'écoulement mais sont la cible de calibration de paramètres ne pouvant être reliés à des grandeurs physiques.

48De par leur principe de conception visant à simplifier l'écriture des processus en jeu en hydrologie, les modèles conceptuels intègrent de diverses manières les flux horizontaux dans les simulations. Certains modèles, dans un objectif de simplification, vont favoriser l'expression d'un des processus de formation de la crue.

49Certains modèles « physico-conceptuels » distribués, tels le modèle SWAT, postulent que la teneur en eau est uniformément distribuée à l'échelle de la maille (la maille correspond à l'unité de réponse hydrologique ou HRU ; sa taille dépendra de l'information disponible sur le bassin versant et de la taille de ce dernier, elle peut varier de l'hectare à plusieurs centaines de km2) au sein d'une couche, ce qui permet de ne pas prendre en compte les écoulements horizontaux lorsque la teneur en eau est inférieure à la capacité au champ. Un écoulement latéral ne sera pris en compte qu'au-delà de cette teneur en eau, une équation de transfert étant appliquée vers l'exutoire. Ce flux latéral est proportionnel à la conductivité hydraulique verticale et à la pente du terrain (Neitsch et al., 2005). La conductivité horizontale est donc indirectement fonction du sol considéré, mais n'est reliée en aucun cas à l'occupation du sol. Ce paramètre nécessite une calibration sans fondement physique pour une meilleure correspondance entre les simulations et les mesures lorsque l'on s'intéresse à des situations où ces écoulements transversaux sont majoritaires. On peut citer une étude de Eckhardt et al. (2001) qui constatent, sur un bassin versant montagneux, une différence de plus de 50 % entre les débits observés et simulés par SWAT dans ce contexte où les flux hypodermiques dominent. Ils proposent dès lors une modification de SWAT, appelée SWAT-G, qui permet, notamment via un facteur d'anisotropie empirique, des simulations sur des bassins versants pour lesquels les principaux écoulements se font de manière transversale. De manière générale donc, ces modèles conceptuels physiques distribués font l'hypothèse d'un transfert des différentes unités modélisées aux cours d'eau, sans transferts horizontaux entre ces unités (Payraudeau, 2002). De plus, le paramètre de conductivité hydraulique horizontale est souvent calibré en début de simulation, sa détermination ne reposant donc pas sur des facteurs physiques.

50D'autres choix de simulation des écoulements ont été développés dans les modèles conceptuels à base physique. Un exemple est celui de Topmodel, mis au point par Beven et al. (1979). Celui-ci a été développé sur la base de la théorie des zones saturées contributives. Il considère que le ruissellement est produit sur des zones saturées variables qui dépendent directement de la topographie du bassin (Estupina Borrell, 2004).

51On le voit, les modèles conceptuels, de par leur souci de simplification, privilégient certaines théories des écoulements ou les traduisent de manière schématique. Leur emploi est donc limité à l'expérimentation de ces théories et ne permet pas de tester d'autres hypothèses. Les modèles conceptuels à base physique sont plus malléables que les modèles boites grises (dont l'objectif de départ conditionne le développement futur) en facilitant l'ajout de modules complémentaires.

5. Discussion et perspectives

52À travers cette synthèse bibliographique, il apparait que les écoulements horizontaux de subsurface ne sont pas suffisamment pris en compte dans les modèles actuels. En effet, les modèles physico-conceptuels ne transcrivent que certains processus d'écoulement et leurs paramètres déterminants sont le plus souvent calibrés. Les transferts horizontaux ne sont pas ou peu transcrits dans les modèles, provoquant des erreurs ou la nécessité d'ajustements empiriques au niveau des débits produits lorsque ces processus sont majoritaires sur le bassin versant considéré. Dans les modèles de type Richards, la conductivité hydraulique horizontale est exprimée explicitement, mais sa valeur est peu discutée et proportionnelle à sa composante verticale, ce qui peut être limitant dans la description de la porosité, sa distribution, sa connectivité et son orientation.

53La mise en place de culture avec des itinéraires techniques simplifiés modifie la structure du sol en place et donc ses propriétés hydrodynamiques. Ce changement peut induire une modification du bilan en eau de la parcelle et peut impacter celui du bassin versant. Les mesures de la conductivité hydraulique horizontale et les études à ce sujet restent insuffisantes, particulièrement dans le contexte des différenciations de travail du sol.

54La modélisation hydrologique se doit de donner les moyens de représenter physiquement ces techniques agricoles. Une étude de l'impact à l'échelle de la parcelle des variations induites sur les écoulements hypodermiques par la modification des itinéraires techniques serait opportune, l'objectif étant d'analyser la pertinence des fonctions mises en jeu dans l'évaluation de la conductivité hydraulique horizontale, et ce dans diverses situations de structures différenciées. Comme on l'a vu, cette analyse justifie l'emploi d'un modèle à base physique, mais l'étude ultérieure de l'impact de ce paramètre à l'échelle d'un grand bassin versant justifie l'introduction des résultats dans un modèle capacitif et donc l'adaptation de celui-ci pour pouvoir simuler physiquement les flux horizontaux.

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Notes

1 Klemes V., 1986. Dilettantism in hydrology: transition or destiny? Water Resour. Res., 22, 177S–188S, cité par Loague et al., 2004
2 Cosandey C. & Robinson M., 2000. Hydrologie continentale. Paris : Armand Colin, cité par Ayral, 2005.
3 Hursh C.R., 1936. Storm-water and absorption. Trans. Am. Geophys. Union, 17, 301-302, cité par Joerin, 2000.
4 Cappus C., 1960. Bassin expérimental d'Alrance : étude des lois de l'écoulement. Application au calcul et à la prévision des débits. La Houille Blanche, n°A, cité par Cosandey et al., 1996.
5 Dunne T. & Black R.D., 1970. Partial area contributions to storm runoff in a small New England watershed. Wat. Resour. Res., 6, 1296-1311, cité par Cosandey et al., 1996.
6 Hursh C.R., 1944. Report of the sub-committee on subsurface flow. Trans. Am. Geophys. Union, 25, 743-746, cité par Joerin, 2000.
7 Brooks R.H. & Corey A.T., 1966. Properties of porous media affecting fluid flow. J. Irrig. Drain. Div., ASCE Proc. 72(IR2), 61-88, cité par Simunek et al. (2008).

Pour citer cet article

Eléonore Beckers & Aurore Degré, «Revue bibliographique : la prise en compte des transferts horizontaux dans les modèles hydrologiques», BASE [En ligne], Volume 15 (2011), numéro 1, 143-151 URL : http://popups.ulg.be/1780-4507/index.php?id=7074.