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Claudia Falzone

Développement d’un indicateur de la qualité de l’air comme outil d’aide à la décision dans le cadre du développement urbain

(Volume 93 - Année 2024 — No 1)
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Résumé

Au travers des Objectifs du Développement Durable (ODD) adoptés en 2015 par les Nations Unies, les villes ont mis au centre de leurs préoccupations la qualité de l’air lors de leur développement urbain. À l’heure actuelle, les outils à leur disposition pour l’évaluation de la qualité de l’air ne sont pas destinés à de la planification urbaine. Suite à ce constat, cette recherche propose de les outiller à l’aide d’un indicateur basé essentiellement sur des observations. Il présente un avantage en temps et en argent, car aucune mesure de polluant n’est nécessaire et les données sont disponibles librement. Cet indicateur, nommé Air Quality Observed Index (AQOI), pourrait être utilisé à des fins de comparaison de sites ou de projets lors de futurs développements urbains (rénovation ou nouvelle implantation). L’information sera relative à la qualité de l’air et fournirait aux autorités compétentes une aide dans leur prise de décision.

Mots-clés : qualité de l’air, indicateur d’état, échelle du quartier

Abstract

Through the Sustainable Development Goals (SDGs) adopted in 2015 by the United Nations, cities have made air quality a central concern in their urban development. At present, the tools available to them for assessing air quality are not designed for urban planning. In view of this, the present work proposes to equip them with an indicator based essentially on observations. This is a time- and cost-saving measure since no pollutant measurements are required and the data are freely available. This indicator, called the Air Quality Observed Index (AQOI), could be used to compare sites or projects in future urban developments (renovation or new implantation). The information will be relative to air quality and will provide the relevant authorities with a decision-making aid.

Keywords : air quality, state index, neighborhood scale

Manuscrit reçu le 27 mai 2024 et accepté le 10 novembre 2024

Article publié selon les termes et conditions de la licence Creative Commons CC BY 4.0.

Cet article a reçu un des Prix Annuels 2024 de la Société Royale des Sciences de Liège.
This paper was awarded one of the Annual Prizes 2024 of the Société Royale des Sciences de Liège.

1. Introduction

1Avant l’occupation humaine de la Terre, la composition de l’atmosphère était majoritairement bouleversée par des événements naturels tels que les éruptions volcaniques et les feux de forêt. Toutefois, les activités humaines en perpétuelle augmentation et le développement croissant du secteur industriel ont pris le dessus sur les évènements naturels. Depuis la révolution industrielle, l’activité anthropique n’a eu de cesse de détériorer l’atmosphère au profit de la croissance économique mondiale.

2Durant le siècle dernier, plusieurs épisodes de pollution atmosphérique ont été recensés à travers le monde. Le premier fût déclaré en Belgique durant le mois de décembre de l’année 1930 dans le bassin sidérurgique liégeois. Un brouillard acide constitué de gaz et de particules de suie, résultant des rejets industriels et des conditions météorologiques anticycloniques (températures basses et vitesses de vent faibles) a ainsi favorisé l’inversion thermique piégeant au niveau du sol les polluants émis, provoquant de nombreux décès et plusieurs centaines de malades au sein de la population [1]. Quelques années plus tard, la ville de Londres fût touchée par un épisode similaire. Le mois de décembre 1952 fût relativement funeste pour les londoniens. Un anticyclone sans vent a frappé la capitale, emprisonnant les polluants au niveau du sol. Ces derniers étaient issus des industries, du secteur automobile et du chauffage domestique alimenté essentiellement au charbon de bois. Le résultat sur la population fût sans appel et plusieurs milliers de morts et de malades furent à déplorer [23]. Faisant suite à ce constat accablant sur le sol britannique, une première loi régissant la gestion de la qualité de l’air a émergé au sein du pays durant l’année 1956 : le Clean Air Act [4]. Malheureusement, cette prise de conscience n’a pas empêché d’autres catastrophes de se produire ailleurs dans le monde (p. ex. : New York, 1966 [5], impact sur les écosystèmes [3]).

3Depuis, la législation européenne en relation avec la qualité de l’air n’a cessé d’évoluer au-travers de plusieurs directives ont été adoptées au cours du temps. En 2008, après un programme appelé Clean Air for Europe, l’Union Européenne a adopté la directive 2008/50/EC sur la qualité de l’air ambiant [6]. Cette dernière reprend plusieurs éléments permettant de garantir une bonne gestion de la qualité de l’air par les différents États membres. Elle prescrit, entre autres, les valeurs limites à respecter au niveau de l’anhydride sulfureux, de dioxyde d’azote, de PM10, de PM2.5, de plomb, de benzène, de monoxyde de carbone et d’ozone. À des fins de communication à un large public, les agences environnementales ont développé des indicateurs journaliers relatant la qualité de l’air sur base des mesures de concentrations en polluants [79]. Les valeurs des concentrations en polluants à respecter ont été définies sur base des recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), bien qu’elles soient moins restrictives que ces dernières [6]. Sur le plan sanitaire, les polluants atmosphériques peuvent être responsables du développement de l’asthme, d’infections des voies respiratoires, d’accidents vasculaires cérébraux, de cardiopathies et, dans certains cas, de cancers, dont le cancer du poumon [10]. Le Centre International de la Recherche contre le Cancer a reconnu en 2016 la pollution de l’air comme étant cancérigène pour l’être humain [11]. Selon l’OMS, 99% de la population mondiale serait aujourd’hui en contact avec une atmosphère polluée [12].

1.1. La qualité de l’air en zone urbaine

4À l’heure actuelle, 40% de la population européenne vit en zone urbaine [13]. En raison de l’augmentation de la densité de l’habitat dans les villes européennes, la qualité de l’air y est inférieure à celle d’autres régions. En effet, afin de satisfaire au mieux les besoins des citadins, un ensemble de services est mis à leur disposition, tels que les activités commerçantes et récréatives. La mobilité s’en retrouve accentuée, et les principales sources de pollution urbaine proviennent du transport, marqué par un parc automobile conséquent et une offre de transports publics bien plus développée qu’en zone non urbaine. Par conséquent, l’optimisation de la mobilité, la création de zones à faibles émissions et la promotion des modes de déplacement doux constituent des enjeux majeurs pour réduire les émissions liées au transport. Outre la pollution liée au trafic, la consommation d’énergie résidentielle constitue l’autre grande source de pollution urbaine. En effet, tout système de chauffage impliquant un processus de combustion génère des émissions de polluants. Cependant, suite au changement climatique, le bâti, mieux isolé, voit une évolution progressive vers des systèmes passifs ou dépourvus d’énergie fossiles et une réduction attendue des émissions de polluants liées à la combustion. À l’inverse, l’augmentation de la fréquence des pics de chaleur entraine une demande croissante de systèmes de refroidissement contribuant à une augmentation locale des températures et donc au maintien de l’îlot de chaleur urbain (coupole piégeant les polluants au niveau du sol).

5Les principaux polluants émis en milieu urbain sont les matières particulaires (PM), le carbone noir (BC, Black Carbon en anglais), le monoxyde de carbone (CO), les oxyde d’azote (NOx) et les composés organiques volatils (COV). Le trafic et la consommation d’énergie entrainent également une augmentation de la température locale et l’apparition d’îlots de chaleur urbain [14]. Ces derniers empêchent la dispersion des polluants en les piégeant dans une couche atmosphérique d’une hauteur de quelques mètres à quelques kilomètres à partir du sol. La morphologie urbaine influence également la manière dont les polluants sont dispersés. De ce fait, la gestion de l’aménagement urbain est un défi que les politiques essayent de relever au travers des Objectifs du Développement Durable (ODD) adoptés en 2015 par les Nations Unies (échéance fixée pour l’année 2030) [15]. Les gestionnaires urbains veulent atteindre certains sous-objectifs repris dans l’ODD no 11 dont notamment :

  • « renforcer l’urbanisation durable pour tous et les capacités de planification et de gestion participatives, intégrées et durables des établissements humains dans tous les pays » [16],

  • « réduire l’impact environnemental négatif des villes par habitant, y compris en accordant une attention particulière à la qualité de l’air et à la gestion, notamment municipale, des déchets » [16],

  • « assurer l’accès de tous, en particulier des femmes et des enfants, des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, à des espaces verts et des espaces publics sûrs » [16].

6Pour y parvenir, des soutiens financiers sont accordés aux villes. À titre d’exemple, la Région wallonne subsidie les villes en vue de rénovation, de revitalisation ou de développement urbain [17]. Certaines villes ont mis en place des stratégies d’optimisation de la mobilité et une meilleure gestion du trafic. Elles améliorent leur offre de transports publics (tram de Liège,. . .), développent des zones de basses émissions (ZBE) et favorisent la mobilité douce. D’anciennes friches industrielles sont réhabilitées ou en cours de réhabilitation [18]. Un effort est apporté dans le but d’accroitre la biodiversité en ville en développant les trames vertes, et permettre ainsi aux animaux de repeupler des espaces majoritairement bétonnés et de récupérer les effets bénéfiques de la présence d’arbres [1920]. La Région encourage également les citoyens à s’impliquer dans cette démarche de rénovation urbaine, par exemple, en leur accordant des primes afin de les inciter à rénover leurs biens immobiliers [21].

7L’amélioration de la qualité de l’air est une tâche complexe pour les gestionnaires des villes. Pour aider à un aménagement urbain en faveur de la qualité de l’air, peu d’outils sont disponibles et leur coût est élevé. De plus, leur bon usage requiert de l’expertise scientifique. Néanmoins, depuis quelques années, des instruments sont développés à l’intention des villes par des sociétés qui proposent l’entretien technique et l’affichage d’indicateurs de la qualité de l’air, notamment sur des panneaux de signalisation [79]. Les gestionnaires ont également recours aux informations transmises par les organismes officiels de contrôle de la qualité de l’air [2225]. Ces organismes disposent d’un réseau de stations de mesure, conformes aux exigences de la directive européenne sur la qualité de l’air, permettant de surveiller en temps réel les concentrations des différents polluants atmosphériques. Ils utilisent également des modèles physiques pour estimer les concentrations de polluants dans les zones non couvertes par des stations de mesure [26]. Ces outils de mesure de la concentration des polluants sont essentiels afin d’informer, en temps réel, la population de la qualité de l’air qu’elle respire, et de prendre des dispositions en cas de dépassement des valeurs réglementaires. Cependant, ils ne sont pas d’une grande aide en termes de planification urbaine. Ils fournissent des données en temps réel de la qualité de l’air suite à un état d’aménagement passé. Bien qu’ils permettent d’identifier des zones polluées, ils n’ont pas pour fonction d’évaluer l’impact d’un nouveau projet d’aménagement sur la qualité de l’air. Or les décideurs ont besoin d’un outil d’aide à la décision pour un aménagement urbain favorisant la qualité de l’air.

1.2. Objectif

8Suite à ce constat, l’équipe Sensing of Atmospheres and Monitoring de l’université de Liège s’est penché sur la possibilité de développer un outil d’aide à la décision pour les gestionnaires urbains qui serait basé sur un indicateur afin d’évaluer les impacts de nouveaux développements urbains sur la qualité de l’air. Un sujet de thèse a ainsi été proposé ayant pour objectif de développer cet indicateur. Ce dernier doit être peu couteux tout en étant facilement utilisable par tout un chacun. Il doit fournir un état de la qualité de l’air reflétant une situation existante et future.

2. Développement méthodologique

9La particularité de ce nouvel indice réside dans les données mobilisées pour son développement. En effet, contrairement aux autres indicateurs de la qualité de l’air, celui-ci fait appel à des données d’observations, des variables proxy, ce qui lui a valu son nom d’Air Quality Observed Index (AQOI) [27]. Afin de s’affranchir des mesures de concentrations en polluants, comme le requièrent les autres indicateurs de mesure, il a été nécessaire de repérer parmi les caractéristiques urbaines disponibles librement celles qui étaient en relation avec la qualité de l’air et dont les données étaient fiables. Ces différentes caractéristiques liées soit aux phénomènes d’émission ou de rétention de polluants et à leur dispersion constituent les variables d’un algorithme générant un indice de l’état de la qualité de l’air de la zone du projet. Il est conçu pour les décideurs afin de les aider à choisir le meilleur projet en termes d’impact sur la qualité de l’air. Il fournira une information complémentaire aux données existantes lors de la prise de décision dans la comparaison de plusieurs sites potentiels pour le développement de nouveaux projets urbains ou lors de l’identification du meilleur scénario de projet pour un site donné avant construction ou rénovation. Le résultat se présente sous un format qualitatif (entre 1 et 5) pouvant être projeté ou non dans un Système d’Information Géographique (SIG) sous la forme de carte de chaleur.

10Pour la construction de l’AQOI, certaines informations ont été déduites de l’observation, alors que d’autres sont issues de données directement accessibles. Par exemple, pour la pollution émise par le trafic routier, c’est la classification de la route (autoroute, route nationale,. . .) qui est considérée pour déduire la quantité de trafic et donc la pollution relative (une route de type primaire présentant un trafic supérieur à une route de type secondaire,. . .). Sur base de la classification des voiries, une hiérarchie a été élaborée, reflétant la quantité de trafic y circulant et donc la quantité relative de polluants pouvant être émise. Comme exemple de données directement accessibles, les hauteurs des bâtiments et les quantités de polluants émis dans l’air sont téléchargeables de sites Internet de différents organismes officiels (Géoportails [28], industries soumises à la directive 2010/75/EU (IED, industrial emissions directive en anglais [29]) amendée depuis peu par la directive (EU) 2024/1785 ou « IED 2.0 » [30]).

2.1. Composition de l’indicateur AQOI

11L’AQOI se compose de cinq grandes catégories de variables influençant la qualité de l’air, tant au niveau des sources et des puits de polluants qu’au niveau de la dispersion de ces derniers, ainsi que de données de vent (directions et fréquences, pour les phénomènes de dispersion), schématiquement représentées sur la Fig. 1.

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Figure 1: Représentation schématique des catégories et des différentes variables utilisées pour le calcul de l’indicateur Air Quality Observed Index (AQOI).

12La première catégorie représente la topographie. La définition de cette dernière englobe le relief, les cours d’eaux et la végétation. Le relief est le premier élément à influencer la dispersion des polluants. Dans certains cas, ceux-ci peuvent être piégés au niveau du sol ou a contrario être rapidement dispersés dans l’atmosphère [20]. Les cours d’eaux sur lesquels la navigation est autorisée, sont plutôt liés au trafic fluvial, entrainant de manière indirecte l’apport supplémentaire de polluants dans la zone d’étude. Pour des raisons explicitées ci-dessous, la végétation est considérée comme une catégorie à part entière dans la construction de l’indicateur.

13La deuxième catégorie regroupe les éléments liés au trafic routier. Certaines données sont en rapport avec les phénomènes de dispersion, tandis que d’autres concernent les émissions de polluants. Comme mentionné précédemment, la classification de la voirie reflète la quantité relative de polluants émis dans l’air. La hauteur des bâtiments adjacents, combinée à l’orientation et à la largeur de la rue, permet d’identifier les éventuels effets de canyon pouvant se produire sous certaines conditions de vent. Ces effets ont comme conséquence de piéger les polluants suite à l’apparition d’un vortex réduisant fortement les échanges entre l’air de la rue et l’air circulant au-dessus des bâtis [31]. La présence d’arrêts de la circulation, comme les feux de circulation, entraîne une augmentation des émissions de polluants en raison du freinage et de l’accélération des véhicules [32]. Afin de pondérer la pollution liée aux véhicules thermiques, la proportion de véhicules électriques présente dans le parc automobile est également prise en considération.

14La troisième catégorie reflète l’impact du bâti sur la pollution atmosphérique. La présence d’édifices perturbe la dispersion des polluants dans l’air. C’est pour cette raison que les données telles que le positionnement et la hauteur des bâtiments sont considérés dans cet indicateur [33]. Afin de compléter le volet trafic, l’affectation des bâtiments est également prise en compte. Cette dernière permet de connaitre de manière indirecte l’apport de trafic supplémentaire qu’un bâtiment peut générer de par son attractivité (un hôpital, p. ex., sera largement plus fréquenté qu’une simple habitation). Les aspects liés au chauffage sont également pris en compte. En effet, le secteur résidentiel est l’un des principaux émetteurs de polluants en raison de son système de chauffage [34]. L’émergence de façades végétalisées a été pris en compte dans l’indicateur. À l’échelle locale, ces dernières ont la faculté de filtrer l’air des polluants qu’il contient [35]. La présence de galeries (espaces ouverts sous l’édifice) est également considérée. Contrairement à l’effet filtrant des plantes, la présence de galeries réduit les échanges d’air et piège les polluants [36].

15La quatrième catégorie regroupe les effets liés à la végétation au sol. D’une part, la végétation joue un rôle bénéfique en dépolluant localement l’atmosphère grâce aux phénomènes d’absorption et d’adsorption des polluants [3739], d’autre part, elle contribue, dans une certaine mesure, à modifier les flux de dispersion des polluants, de la même manière que les bâtiments [374041]. Plusieurs éléments sont pris en compte pour représenter ces effets dans l’indicateur : le type de végétation et la persistance des feuilles déterminent l’effet filtrant des plantes sur l’atmosphère tandis que les données concernant la hauteur, le type de canopée, la position, l’orientation et la disposition de la végétation fournissent des informations sur les phénomènes de dispersion des polluants. Ainsi, cette catégorie met en lumière le double impact de la végétation sur la qualité de l’air, en tenant compte à la fois de ses capacités à purifier l’air et de son influence sur la dispersion des polluants.

16La cinquième catégorie regroupe les sources extérieures. Ces dernières n’appartiennent pas à la zone d’étude, mais possèdent la faculté d’influencer sa qualité d’air sous certaines conditions de vents. Plusieurs échelles sont considérées, suivant le degré d’influence de la source en fonction de la distance (Fig. 2).

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Figure 2: Schéma illustrant les différentes zones dans lesquelles sont extraites les données utiles au calcul de l’AQOI : maille blanche – maille dans laquelle sera calculé l’indice AQOI, composée de ses neuf sous-mailles découpées à l’aide de la grille rouge ; mailles jaunes – mailles externes dans lesquelles les routes extérieures sont prises en considération ; circonférence orangée – zone circulaire reprenant la distance maximale dans laquelle les aéroports sont pris en considération ; circonférence bleue – zone circulaire reprenant la distance maximale dans laquelle les industries IED et les ports sont pris en considération. L’étoile jaune indique la localisation du projet.

17La première correspond à une échelle de proximité incluant les voiries adjacentes à la zone d’étude. En fonction de certaines conditions de vent et de l’orientation de ces voiries, il est possible que les polluants pénètrent dans la zone d’étude, contribuant ainsi à la détérioration de sa qualité d’air. Une échelle intermédiaire est utilisée pour identifier les aéroports. Ces derniers peuvent affecter la zone d’étude de manière directe et indirecte : directement, les émissions de particules ultrafines (UFP, ultrafine particles en anglais) produites par l’activité aéroportuaire peuvent nuire à la population de la zone d’étude [42] ; indirectement, l’activité de l’aéroport peut entraîner une augmentation de la densité du trafic [43]. La dernière échelle se concentre sur la localisation de ports et d’industries soumises à la directive IED. Les rejets industriels dans l’atmosphère sont généralement d’une hauteur suffisamment importante que pour parcourir de grandes distances sous certaines conditions météorologiques et impacter des régions éloignées de leur source d’émission. Il en va de même pour les activités portuaires.

18Finalement, l’indicateur AQOI regroupe les grands éléments impactant la qualité de l’air, à savoir, les sources, les puits et les éléments en lien avec la dispersion des polluants, le tout associé aux directions de vent dans la zone d’étude, et leurs fréquences.

19L’AQOI est construit dans l’optique d’être un indicateur d’état représentatif de la qualité de l’air d’une zone spécifique.

20Les différentes catégories considérées pour son calcul sont constituées de variables dont l’évolution temporelle est relativement lente. Par exemple, la construction d’une habitation est conçue pour durer dans le temps. En tenant compte de ce constat et des fonctions attendues de cet indicateur, c’est-à-dire

  • permettre aux décideurs d’évaluer la qualité de l’air de plusieurs sites potentiels pour le développement de nouveaux projets urbains ;

  • identifier le meilleur scénario de projet pour un site donné avant construction ou rénovation, afin de réduire l’impact sur la qualité de l’air ambiant.

21Il est calculé sur une base annuelle.

22Quant à la délimitation spatiale, il a été décidé de considérer une zone d’étude de 300 m2 dans laquelle est centré le projet urbain, tel qu’une nouvelle construction ou une rénovation (Figure 2). Une surface étendue engloberait des éléments de l’environnement non pertinents, diluant les spécificités du projet, tandis qu’une surface plus restreinte serait de l’ordre de grandeur de projets plus conséquents tels que, par exemple, l’aménagement d’un parc et empêcherait le calcul de l’indicateur par absence de variables utiles.

2.2. Transmission de l’information

23Afin d’aider les décideurs dans leurs choix, l’information transmise par l’indicateur doit être facile à comprendre, visuel et refléter l’état de la qualité de l’air. Dans un premier temps, l’algorithme de calcul de l’AQOI génère une valeur qui se situe entre 0 et 5,0 correspondant à une bonne qualité de l’air et 5 à une qualité médiocre. C’est une variable continue à une décimale, ce qui rend son interprétation délicate : une valeur de 4,0 est-elle significativement différente de 3,6 ? Dans un deuxième temps, la valeur a été catégorisée sur une échelle à cinq classes. Cette catégorisation se base sur la distribution des valeurs de l’AQOI obtenues sur 11 sites et pour trois années (2017, 2018 et 2019). Chaque site correspond à une maille de 300 m2 comprenant en son centre une station de mesure du réseau officiel wallon de surveillance de la qualité de l’air. Les limites des classes correspondent aux quintiles des données. Chaque classe se réfère à un état de la qualité de l’air. Ainsi, l’AQOI donne une classification de l’état de la qualité de l’air sur une échelle à cinq niveaux allant de « très bon » à « très mauvais ».

24L’étape de construction passe inévitablement par une validation afin de s’assurer que l’information transmise par l’indicateur reflète la réalité. Les concentrations des polluants mesurées par 11 stations du réseau de surveillance wallon de la qualité de l’air (les 11 sites mentionnés précédemment pour le calcul de l’AQOI) sur les mêmes trois années ont été utilisées pour cette validation. Un indicateur de référence incorporant les concentrations de dioxyde d’azote, d’ozone, des matières particulaires de diamètre inférieur à 10 µm (PM10) et à 2,5 µm (PM2.5) et des composés organiques volatils a été construit. Il utilise l’indicateur de la qualité de l’air belge, le BelAQI [9], et une classification des COVT (COV totaux) élaborée pour l’air intérieur (absence de classification en air extérieur). La qualité de l’air décrite par cet indicateur de référence reflète l’état de la qualité de l’air annuelle, essentiellement basée sur les valeurs BelAQI calculées durant l’année. Une classification similaire à celle de l’AQOI a été réalisée pour cette valeur de référence. Les résultats des classifications AQOI et de ceux des stations de mesure ont été comparés afin d’évaluer la validité de l’indicateur par rapport à la qualité de l’air mesurée sur ces 11 sites. La convergence des classes atteint 85%, ce qui est très prometteur. Le tableau 1 reprend cette comparaison de classification, comprenant au total 37 observations réparties sur 11 sites et trois années différentes.

Tableau 1: Comparaison de la classification AQOI et de la valeur de référence pour différents sites et années. Pour les cellules marquées d’un tiret, les données de références sont manquantes.

 

2017

2018

2019

Stations

Référence

AQOI

Référence

AQOI

Référence

AQOI

Engis

Mauvais

Mauvais

Mauvais

Moyen

Moyen

Mauvais

Herstal

Très mauvais

Très mauvais

Très mauvais

Très mauvais

Très mauvais

Très mauvais

Val-Benoît

Très mauvais

Très mauvais

Mons

Mauvais

Mauvais

Mauvais

Mauvais

Mauvais

Mauvais

Corroy

Moyen

Moyen

Moyen

Moyen

Moyen

Moyen

Sinsin

Bon

Bon

Sainte-Ode

Très bon

Bon

Très bon

Très bon

Bon

Très bon

Habay

Très bon

Très bon

Dourbes

Bon

Bon

Bon

Bon

Bon

Bon

Vezin

Moyen

Moyen

Vielsalm

Très bon

Très bon

Très bon

Très bon

Très bon

Très bon

Lodelinsart

Très mauvais

Très mauvais

Très mauvais

Très mauvais

25Les différences observées peuvent s’expliquer par certaines imprécisions des données alimentant l’AQOI, par exemple, les valeurs de quantité de polluants émis par les industries IED pour l’année 2017 à Mons ne sont pas disponibles. Une autre explication est liée aux polluants considérés. En effet, l’AQOI intègre l’ensemble de la pollution atmosphérique et ne se limite pas à une pollution liée aux cinq polluants utilisés pour la construction de la valeur de référence : les particules ultrafines provenant du trafic aérien ne sont par exemple pas mesurées dans ces stations. Il ne faut pas oublier que l’indicateur AQOI reste une simplification d’une caractéristique complexe qu’est la qualité de l’air. Notamment, pour répondre au mieux aux objectifs initiaux, certaines variables d’entrée de l’AQOI ont été volontairement simplifiées à leur expression la plus élémentaire, correspondant par exemple à une valeur binaire (absence/présence). Néanmoins, malgré cette simplification, il permet de distinguer les sites ruraux des sites urbains. De plus, l’étape de validation indique que l’AQOI peut classer des sites de manière quasi équivalente à une classification obtenue sur base de mesures de polluants.

3. Conclusion

26Au terme de cette recherche, les gestionnaires des villes disposeront d’un outil leur permettant d’évaluer l’impact d’aménagements urbains sur la qualité de l’air en se basant uniquement sur des observations. De plus, ils auront la possibilité de choisir l’implantation d’un projet urbain, telle qu’une école, en considérant la qualité de l’air ambiant du site. Un atout complémentaire de l’indicateur est qu’il peut simuler l’effet d’un futur projet sur la qualité de l’air de son environnement proche.

27L’avantage de l’AQOI est qu’il se calcule à partir de données accessibles gratuitement et facilement sur Internet auprès d’organismes officiels et que celles-ci sont géoréférencées. Son utilisation est simple et ne demande pas de connaissances pointues dans le domaine de la qualité de l’air. De plus, il ne requiert aucunes données issues de campagnes de mesures longues et couteuses. En définitive, l’indicateur AQOI est un outil sur lequel les politiques en charge du développement urbain pourront s’appuyer pour encourager des projets favorables à une bonne qualité de l’air.

Remerciements

28L’autrice remercie l’ensemble des partenaires du projet EcoCityTools, financé par la Région wallonne et GreenWin. Elle remercie également l’Institut Scientifique du Service Public (ISSeP) ainsi que l’ensemble de l’équipe SAM.

Informations supplémentaires

Identifiant ORCID de l’auteur

290000-0002-5311-4170 (Claudia Falzone)

Conflits d’intérêt

30L’autrice déclare l’absence de tout conflit d’intérêt.

Bibliographie

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Para citar este artículo

Claudia Falzone, «Développement d’un indicateur de la qualité de l’air comme outil d’aide à la décision dans le cadre du développement urbain», Bulletin de la Société Royale des Sciences de Liège [En ligne], Volume 93 - Année 2024, No 1, 103-117 URL : http://popups.ulg.be/0037-9565/index.php?id=12430.

Acerca de: Claudia Falzone

Sensing of Atmospheres and Monitoring, UR SPHERES, Université de Liège, Campus d’Arlon, Avenue de Longwy 185, B–6700 Arlon, Belgium
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