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De l’Ourthe primitive à la Meuse primitive en Basse-Meuse liégeoise
Partie 1 : généralités et données
Document(s) associé(s)
Annexes
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Annexe 1 (131k)
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Annexe 2 (528k)
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Annexe 3 (158k)
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Annexe 4 (140k)
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Annexe 5 (386k)
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Annexe 6 A (1,4M)
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Annexe 6 B (816k)
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Annexe 6 C (455k)
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Annexe 6 D (347k)
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Annexe 6 E (361k)
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Annexe 7 A (446k)
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Annexe 7 B (401k)
Résumé
Les dépôts graveleux qui tapissent les plateaux et les replats élevés autour de Liège font l’objet d’une étude sédimentologique, mise en rapport avec l’état des connaissances en matière de stratigraphie de l’Oligocène et du soulèvement/basculement du flanc NO de l’Ardenne. Le présent article rapporte les généralités et les données de terrain et de laboratoire qui ont conduit à construire un modèle inédit de l’évolution morpho-sédimentaire du réseau hydrographique de l’Ourthe et de la Meuse dans la zone de leur confluence actuelle. L’interprétation de ces données et le modèle qui en découle sont exposés dans l’article qui suit dans la présente revue.
Abstract
The gravel that covers the sub-flat surfaces above 180 m a.s.l. around Liège are the subject of a sedimentological study, in relation to the state of knowledge in terms of Oligocene stratigraphy taking into account the uplift/tilting of the NW flank of the Ardenne. This article reports the generalities and the field and laboratory data that have led to the construction of a new model of the morpho-sedimentary evolution of the hydrographic network of the Ourthe and the Meuse in the area of their current confluence. The interpretation of these data and the resulting model are published in the article that follows in this issue of the journal.
Table des matières
1. Généralités
1.1. Introduction
1Sur l’interfluve Meuse-Ourthe (flanc droit de la vallée de la Meuse) se trouvent les graviers fluviatiles les plus élevés de la région liégeoise, à Boncelles (270 m), à Sart Tilman (240 m) ainsi qu’à Seraing (Biens Communaux et Bois de la Vecquée entre 230 et 245 m). Sur le plateau du flanc gauche de la vallée de la Meuse (Hesbaye), il en existe deux nappes de graviers en gradins dont l’altitude ne dépasse pas 200 m : en Hesbaye liégeoise occidentale (zone de Grâce-Hollogne dont Liège-Airport) ; en Hesbaye liégeoise orientale (Ans et Rocourt). Les graviers de l’interfluve Meuse-Ourthe n’ont été évoqués qu’incidemment par les auteurs qui se préoccupaient principalement des terrains marins oligocènes sous-jacents. Ceux de Hesbaye ont fait l’objet de nombreux articles parce qu’ils s’étendent largement sur le plateau depuis Namur jusqu’à Liège et parce qu’ils ont été assimilés à des dépôts mosans primitifs. Le présent travail est la première étude conjointe de ces deux groupes de dépôt. Il prétend déboucher sur un nouveau modèle d’évolution morpho-sédimentaire de la région liégeoise à partir de sa dernière émersion et jusqu’à l’entrée en scène de la Meuse à l’aval de Liège. Les sites étudiés sont localisés sur la figure 1.
Figure 1 : Localisation des graviers Onx dans la région liégeoise d’après la carte géologique de Belgique (1/500 000). Légende : (1) Onx (ici Өo) = « Amas et traînées de cailloux blancs à allures ravinantes et fluviales » (Oligocène final continental) ; (2) O (pour Oligocène) = « sables quartzeux, fins, pailletés, homogènes, peu ou pas stratifiés… (Oligocène, dépôts inférieurs, marins (Tongrien ?) ». Les localités ajoutées sur la carte sont celles des sites étudiés (LgA= Liège Airport). Le réseau autoroutier est en gris en qualité de repère géographique. Les coordonnées des lieux de prélèvement d’échantillons sont rapportées en annexe 1.
1.2. Littérature en rapport étroit avec le sujet traité
2L’âge maximal des cailloutis étudiés ici est dépendant de celui des terrains oligocènes marins sur lesquels ils reposent, mais la position stratigraphique de ces derniers fait l’objet de divergences de vue depuis leur découverte. Pour l’ensemble de la littérature ancienne, nous nous limitons ici à des décisions successives du Conseil de Géologie qui représentaient nécessairement le consensus dominant en fonction de l’état d’évolution des connaissances. Nous présentons ensuite les contributions nécessaires à la compréhension de notre travail.
3- Dans le cadre de l’élaboration de la carte géologique de Belgique, tous les graviers qui se trouvent sur les plateaux et replats élevés autour de Liège ont été placés dans l’Oligocène supérieur continental sous le label Onx ; ils sont ainsi coupés des terrains marins sous-jacents, qui sont attribués au Tongrien sous la forme « Tongrien ? ».
4- Lors d’une des révisions de la légende de la carte géologique (Annales des Mines des Belgique, 1929, T.XXX, 1er livre), les sables considérés jusqu’à ce moment comme tongriens ont été déplacés dans le Chattien. Dans la mesure où les graviers Onx se trouvaient dans l’Oligocène continental final, ils n’ont donc pas été affectés par ce rajeunissement.
5- Lorié (1919) répartit les graviers Onx de la région liégeoise en deux groupes : (1) les « Amas et traînées de cailloux blancs à allures ravinantes et fluviales » (cf. carte géologique) constitués essentiellement de petits galets de quartz à émoussé marin dits par l’auteur « jolis galets ». Il s’agit ici du lambeau Onx de Hesbaye liégeoise occidentale ; (2) les Graviers liégeois dont les galets sont très altérés ; ils ont été identifiés par l’auteur non seulement sur l’interfluve Ourthe-Meuse à Boncelles et Sart Tilman, mais aussi en Hesbaye liégeoise orientale (lambeau Onx d’Ans-Rocourt). L’auteur attribue ces derniers à un cône de déjections de l’Ourthe-Vesdre primitive qui a précédé l’arrivée de la Meuse à Liège. Le travail de Lorié a été très apprécié à l’Université de Liège par un comité de lecture (Lohest, Fraipont et Fourmarier, 1919), mais paradoxalement, son application a été négligée jusqu’au présent travail.
6- Macar (1945) donne le nom de Traînée mosane à la nappe de galets Onx qui tapisse notamment le plateau de Hesbaye depuis Namur jusqu’à Liège, et que Stainier (1894) avait déjà attribuée à une Meuse du Tertiaire. Macar et Meunier (1955) en étudient la nature des galets et la granularité. Cette terrasse mosane sera reprise dans tous les modèles qui allaient suivre : Macar (1957), Pissart (1974), Juvigné et Renard (1992) et Pissart et al. (1997).
7- Pissart (1964) est le seul qui a consacré un travail spécifique aux Graviers liégeois et il conclut : « Ce premier essai d’étude sédimentologique des graviers liégeois n’est guère concluant ». Il n’y en eut pas d’autre.
8- Demoulin (1987) produit une étude des sables des Hautes Fagnes qui comprend une revue exhaustive de la littérature correspondante ; elle fait état des divergences relatives à la position stratigraphique dans le Tongrien (Oligocène inférieur) pour les uns, dans le Chattien (Oligocène supérieur) pour les autres. L’auteur estime que ces sables relèvent de la transgression tongrienne.
9- Demoulin (1995) décrit des surfaces d’érosion dont la dernière (pré-tongrienne), présente actuellement une pente de ~ 6 m/km entre le pied du haut plateau ardennais et la vallée de la Meuse. Cette pente implique donc un basculement du sol dans la mesure où la pente originelle d’une telle surface est de ~ 1.5 m/km. Demoulin (in Juvigné et al., 2005) montre que l’incision de l’Amblève inférieure répondant au soulèvement du flanc NO de l’Ardenne s.l. : (1) a été très lente pendant l’Oligocène et le Miocène ; (2) s’est accélérée à partir du Pliocène pour atteindre une vitesse maximale pendant la première partie du Pléistocène moyen. Le soulèvement et le basculement n’ont pas été nécessairement synchrones.
10- Les travaux récents de Vandenberghe (2017) sur les terrains oligocènes de Flandre et de Dusar et Vandenberghe (2020) sur les terrains chattiens du Limbourg belge conduisent les auteurs à adopter la bipartition des sables de Boncelles : la partie inférieure est intégrée dans la Formation de Sint Huybrechts-Hern (Rupélien, Oligocène inférieur) et la partie supérieure dans le Chattien (Oligocène supérieur).
11En conséquence des divergences de vue qui existent sur l’âge des sables qui portent les cailloutis que nous étudions, nous parlerons seulement de terrains oligocènes (terrains Om) jusqu’à la fin de la ‘Discussion’ où nous évoquerons la relation entre ces deux unités lithologiques.
1.3. Vocabulaire et abréviations
12Nous avons déjà présenté plus haut la distinction entre les Graviers liégeois et la Traînée mosane. La légende de la Carte géologique de Belgique fait aussi état d’un cailloutis q2m « des terrasses quaternaires des vallées ardennaises » plus grossier et de nature plus variée que les cailloutis Onx tertiaires. Cette distinction présente un intérêt pratique dont nous continuons à faire usage, car la carte géologique de Wallonie regroupe l’ensemble des cailloutis sous l’appelation unique d’alluvions anciennes (Ala).
13Lambeau de terrasse et terrasse fluviale. Le concept de terrasse sensu stricto se rapporte à des dépôts fluviatiles présentant une morphologie subhorizontale, et situés plus haut que la plaine inondable. La rivière s’étant encaissée et l’érosion des affluents ayant fait son œuvre, il ne reste d’une terrasse que des lambeaux épars. Dans la pratique, le terme terrasse a souvent été utilisé pour désigner un seul lambeau. Pour notre part, nous avons choisi de respecter la distinction entre terrasse et lambeau, et pour simplifier l’écriture, ‘ltf’ sera lu lambeau de terrasse fluviale (au pluriel lxtf), et ‘T.’ sera lu ‘terrasse’. En général, une terrasse est reconstituée en intégrant plusieurs lxtf, mais exceptionnellement un seul ltf bien argumenté peut suffire. Pour faciliter la compréhension de la relation avec un nouveau modèle des terrasses de la Basse-Meuse en préparation (Paulissen et Juvigné), nous attribuons à chaque ltf, un label explicite qui le situe : (1) géographiquement (localité et site) ; (2) en altitude (base et toit du cailloutis) ; (3) par rapport à l’altitude du sommet de la plaine inondable naturelle la plus proche.
14Cailloutis et gravier. Le terme cailloutis doit être compris comme l’ensemble d’un dépôt fluviatile (blocs + gravier + matrice [sable + limon + argile]) ; à partir d’ici, le terme gravier est utilisé au sens strict (ensemble d’éléments compris entre 2 et 64 mm, soit les limites de taille correspondant à l’échelle Φ (phi=-log2 (diamètre en mm). Toutefois, les rares très petits blocs (64 à 128 mm) présents dans les échantillons sont aussi pris en considération.
15Cailloux et galets. Pour simplifier le vocabulaire relatif à la forme et au faciès des cailloux, nous réservons le terme galet aux cailloux émoussés (dits aussi roulés), tandis que les éclats rocheux à arêtes vives sont appelés simplement cailloux.
1.4. Méthodes
16Prélèvements d’échantillons. Dans chaque site, des échantillons d’environ 10 dm3 (un seau de 10 litres) ont été prélevés : (1) autant que possible en affleurement avec la certitude d’être dans le même ltf ; (2) dans une tranchée artisanale sous l’horizon labouré ; (3) au moyen d’une pelle mécanique, lorsque c’était jugé indispensable. Les prélèvements ont été effectués dans des lentilles graveleuses, si bien que la part des fractions fines dans l’ensemble des dépôts fluviatiles est toujours nettement supérieure à celle obtenue à partir des échantillons.
17Distribution granulométrique. Mode opératoire : (1) pesée de l’échantillon brut et prise d’une aliquote dans la fraction inférieure à 2 mm pour quantifier le taux d’humidité et ainsi ne pas sous-évaluer la part du gravier ; (2) dispersion de l’échantillon dans l’eau et tamisage à 2 mm jusqu’à obtenir une récolte de cailloux propres ; (3) séchage ; (4) tamisage à sec sur une colonne de tamis avec un pas de phi/2 ; (5) représentation graphique des distributions : (i) histogramme pour mettre en exergue la symétrie, le mode et le plus gros élément ; (ii) courbe cumulative pour lire aisément la valeur du mode et du 3e quartile. Les graphiques sont rassemblés dans l’annexe 2.
18Typologie des cailloux. Dans l’ordre de la taille, à partir de la classe la plus grossière, celle de 8 à 16 mm est la première qui, dans les conditions de prélèvement précitées, contient suffisamment d’éléments pour soutenir statistiquement des résultats. Elle a été soumise à une attaque par HCl10%vol de façon à identifier et extraire immédiatement les cailloux de calcaire et de dolomie et les comptabiliser, puis à dissoudre les pellicules ferrugineuses qui rendent les galets indéterminables. La typologie adoptée est la suivante : galets de quartz pur ; galets de quartzite fermement reconnaissables (avec veine de quartz et/ou empreinte de cubes de pyrite) ; autres galets de roches siliceuses dont les quartzites sans veines de quartz ni empreinte de cube de pyrite, les grès, les psammites… ; calcaire et dolomie ; cailloux non émoussés (éclats de silex et de socle sans distinction de nature) ; les concrétions formées in situ (i.e. limonite). En cours de détermination, chaque galet a été soumis à une pression des doigts pour déceler les éléments friables qui sont enregistrés séparément, mais ils font toujours partie des galets sans quartz apparent. Le tableau des déterminations est en annexe 3A.
19Émoussé. Que les quartz purs soient entiers ou présentent des cassures, une centaine d’entre eux ont été soumis à l’analyse informatique d’images mise au point par Roussillon et al. (2009) ; la forme du périmètre apparent de chaque élément est ainsi quantifiée. Parmi tous les indices produits par la méthode, il a été montré que l’indice d’émoussé de Wadell (Iw) est le plus discriminant quand il s’agit de faire la distinction entre l’émoussé des quartz selon qu’ils ont été façonnés par les rivières ou par la houle et les courants en milieu littoral (Juvigné et al., 2020). En milieu fluviatile, le microrelief des galets de quartz est affirmé et les arêtes ne sont que sommairement émoussées, car les galets n’ont subi que l’action récurrente de l’usure lente par la charge solide de cours d’eau en crue ; par facilité, nous parlerons d’émoussé sommaire, voire de galets/quartz fluviatile. Sur les plages marines (estran) sous l’action de la houle, les galets et le sable sont en mouvement quasi permanent et l’abrasion développe rapidement des galets très arrondis à surface lisse, nous parlerons d’émoussé marin, voire de galets/quartz marin. À titre indicatif, l’indice moyen Iw varie entre 0,571 pour du concassé industriel (minimum individuel absolu : 0,404 ; n = 102) et 0,818 pour des billes de confiserie (maximum individuel absolu : 0,934 ; n = 55).
20Nous avons assorti l’indice Iw d’un autre résultant du départage visuel des galets de quartz en trois catégories : (1) les quartz marins entiers ou privés d’un petit éclat ; (2) les quartz marins cassés qui ont perdu un ou plusieurs éclats volumineux mais qui, en dehors des surfaces de cassure, ont conservé une surface lisse suffisante pour que l’on reconnaisse qu’ils ont subi l’action de la houle ; (3) les quartz fluviatiles dont la surface présente un microrelief généralisé et des arêtes peu émoussées. L’application des limites de classe dépend évidemment de la sensibilité variable du déterminateur ; les indices qui en découlent ne constituent donc qu’une indication semi-quantitative de la coexistence des deux populations dans un échantillon.
21N.B. En référence à la morphoscopie des sables, le faciès brillant ou mat des quartz n’est pas pris en considération, car les galets de quartz sont mats lorsqu’ils présentent une altération pelliculaire et brillants dans le cas inverse.
22Iw = Indice d’émoussé de Wadell obtenu par analyse informatique d’images ;
23M = 100*quartz marins entiers/tous les galets ;
24M’ = 100* quartz marins entiers ou cassés/tous les galets ;
25M’’ = 100* quartz marins entiers ou cassés/tous les quartz.
26Le tableau des résultats est en annexe 3B.
27Nature des galets et fréquence. Des indices de fréquence ont été définis dont certains ne tiennent pas compte des éléments qui répondent à un apport local comme, par exemple : (1) les calcaires qui disparaissent dans les cinq premiers kilomètres à l’aval de l’affleurement dont ils sont issus (Duchesne et Pissart, 1985) ; (2) les cailloux de silex qui modifient brutalement les rapports de fréquence au droit et à l’aval des gîtes qui les livrent.
28Q = 100*quartz/tous les éléments de l’échantillon ;
29Q’ = 100*quartz/tous les galets ;
30Q’’ = 100*(quartz + quartzites fermement identifiés)/tous les galets ;
31S = 100*silex/tous les éléments de l’échantillon ;
32F = 100*galets friables/tous les galets.
33Le tableau des résultats est en annexe 3B.
34L’examen de l’ensemble des résultats montre que les indices Q’, Q’’, F, S et M’’ présentent un intérêt particulier ; ils seront les seuls commentés dans le texte qui suit.
35Les roches-mères des galets de quartz et de quartzite seront citées à plusieurs reprises. Il s’agit à la fois des roches cambro-siluriennes des massifs de Stavelot, du Serpont et de Rocroi ainsi que celles mitoyennes du Dévonien inférieur situées dans l’axe de l’anticlinorium de l’Ardenne’. Toutefois, pour alléger le texte, nous dirons simplement les roches de Haute Belgique.
36Les minéraux denses extraits de la fraction sableuse comprise entre 75 et 425 µm ont été déterminés. La limite inférieure de 75 µm a été choisie de façon à éviter les minéraux d’origine lœssique. Par le fait même, la plupart des minéraux provenant des altérites des roches paléozoïques (texture silteuse ou argileuse) ont aussi été éliminés. Les séparations ont été exécutées dans le bromoforme et en ampoule en répétant les cycles agitation- décantation- récolte jusqu’à ne plus obtenir de récolte. Les déterminations ont été réalisées au microscope en lumière transmise ; elles ne concernent donc que les seuls minéraux denses transparents (mdt). Néanmoins, la part de minéraux indéterminables (opaques et débris rocheux divers) est rapportée à des fins indicatives.
37Dans les terrains oligocènes à quaternaires du bassin de la Meuse, le zircon, la tourmaline et les polymorphes du TiO2 constituent systématiquement la majorité des mdt ; ils sont ainsi considérés comme les ubiquistes. Dans les sables oligocènes et les dépôts dérivés (ex. les Graviers liégeois), les ubiquistes sont aussi accompagnés de disthène, staurotide, andalousite, topaze et sillimanite ; on constate que l’initiative de grouper ces derniers sous le vocable de minéraux paramétamorphiques s’est pérennisé (ex. : Bourguignon, 1954 ; Demoulin, 1987 ; Juvigné et Houbrechts, 2020). Le tableau des déterminations est en annexe 4.
38Fiches de travail du Service géologique de Belgique (SGB). Toutes les fiches qui traitent des cailloutis Onx ont été dépouillées. Les extraits utiles sont rassemblés en annexe 4. Il est procédé par citation, car les descriptions sont souvent laconiques, parfois même peu compréhensibles. Les coupes décrites avant les années 1960 font en général état de l’épaisseur des diverses couches, mais ne rapportent souvent ni altitude, ni distance, ni orientation des coupes et croquis. Nous avons tenté de reconstituer les données manquantes dans toute la mesure du possible. Il faut aussi savoir qu’au cours de l’élaboration de la carte géologique de Belgique, l’habitude a été adoptée de rapporter la taille des cailloux par des adjectifs : pisaire (sic), avellanaire, ovulaire (sic) ou ovaire (sic), pugillaire, céphalaire qui sont censés évoquer dans le même ordre : le pois, la noisette, l’œuf (de poule !), le poing, le crâne. Les extraits de toutes les fiches invoquées sont rassemblés dans l’annexe 5.
2. Les Graviers liégeois
39Ce groupe de cailloutis fluviatiles a été présenté plus haut conformément à la définition de Lorié (1919). Les nappes distinguées par l’auteur sont d’une part sur l’interfluve Meuse-Ourthe à Boncelles et Sart Tilman et d’autre part sur le plateau de Hesbaye liégeoise à Rocourt et Ans.
2.1. Les Graviers liégeois de Boncelles
40Les sites publiés ou inédits relatifs à la nappe de Graviers liégeois du plateau de Boncelles sont localisés sur la figure 2.
2.1.1. Altitude de la nappe de cailloutis
2.1.1.1. Données de la littérature.
41- Rutot (1907) rapporte les premières descriptions des sablières de Gonhis et de Sart Haguet. Les coupes ne font état que de l’épaisseur des unités observées : (1) pour le cailloutis de 1 à 5 m avec base ravinante ; (2) pour les terrains sous-jacents une quinzaine de mètres. C’est une fiche du SGB qui permet de localiser la coupe décrite par Rutot dans la carrière de Gonhis (fiche 134W0010 au nom de Forir, 1907).
42- Thibeau (1960) étudie les terrains Om des sablières en activité à proximité de la tour de télécommunication du Bol d’Air (Sart Haguet et Château d’Eau). Les coupes qui ont fait l’objet d’un nivellement précis montrent que : (1) sur ~ 250 m de longueur suivant une direction pratiquement S-N, la base du cailloutis descend de 261,2 m (Sart Haguet) à 260,1 m (Château d’Eau) ; (2) l’épaisseur des terrains Om sous-jacents est de 18 m ; (3) le toit du bedrock descend de 243 m (Sart Haguet) à 242,5 m (Château d’Eau).
43- Calembert et al. (1963) rapporte une coupe de synthèse du plateau de Boncelles orientée du SE-NW qui passe également par les deux sablières précitées, on y lit que les données de Thibeau (cf. supra) concernant les Graviers liégeois, l’épaisseur des dépôts marins et l’inclinaison du bedrock sont entérinées.
Figure 2 : (A) Terrains Om et Graviers liégeois sur l’interfluve Meuse-Ourthe (extrait de la Carte géologique de Belgique ; Forir, 1907). Légende : 1 = localisation de la nappe de terrains Om ; 2 = épaisseur des « dépôts limoneux des pentes » ; 3 = épaisseur du « limon non stratifié… » ; 4 = épaisseur du cailloutis Onx ; 5 = épaisseur des terrains Om ; 6 = grands axes routiers actuels ajoutés ; 7 = noms des anciennes sablières. (B) Localisation des Graviers liégeois. Légende : 1 = localisation de fiches du SGB qui font état de la présence de cailloutis Onx (annexe 5A) ; 2 = limite extérieure de la zone dans laquelle la présence du cailloutis Onx est évoquée ; 3 = limite au-delà de laquelle aucune fiche ne fait état de la présence du cailloutis Onx ; 4 = localisation des échantillons traités dans le présent travail ; 5 = traces d’anciennes sablières ; 6 = zone dans laquelle la nappe supérieure de Graviers liégeois est conservée en position primaire. Fond de carte de la figure B, Image Lidar d’après le site WalOnMap. (C, D et E) Les Graviers liégeois et le sable Om dans une excavation au carrefour Gonhis/Route de Marche en 2021 (site Bon1 ; l’altitude du fond de l’excavation nous a été communiquée par le Bureau Geotech en charge du chantier : « Le niveau fond de coffre architecture théorique est à l'altitude DNG 266,10 m. » En conséquence, l’altitude de la base ravinante des Graviers liégeois est à 267±0,5 m. (C) Vue d’ensemble de la coupe. (D) Vue rapprochée d’une séquence type. (E) Fines structures fluviatiles entrecroisées dans la partie inférieure des Graviers liégeois y compris une lentille humifère.
44De façon synthétique, nous retiendrons que les données de la littérature montrent que les Graviers liégeois du plateau de Boncelles sont en pente du S/SO (Gonhis : base à 267 m) vers N/NE (Château d’Eau : base à 260 m), sans qu’aucun ressaut ne soit visible à la surface du sol qui sépare les deux sites.
2.1.1.2. Données inédites
45Pendant la durée du présent travail, des excavations ont mis les Graviers liégeois au jour.
46- Site 1 : excavation ouverte dans l’angle NE du carrefour de la rue de Gonhis et de la Route du Condroz. Les Graviers liégeois y ont été exposés sur toute leur épaisseur (figure 2CDE) ; le toit du cailloutis était à 270,5 m et la base à ~ 267 m. avec une variation de quelques décimètres. La partie inférieure du cailloutis est tout aussi fortement lessivée que le sable Om sous-jacent, sa texture est principalement sableuse et des lentilles de gravier sont intercalées, de fines stratifications entrecroisées sont parfaitement conservées dans les lentilles sableuses. Dans l’ensemble, les parties moyenne et supérieure du cailloutis sont essentiellement caillouteuses et intensément rubéfiées. Les structures fluviatiles ont été dérangées par la bioturbation, mais aussi par la cryoturbation pendant toutes les périodes froides auxquelles elles ont été exposées pendant le Quaternaire. Des échantillons y ont été prélevés dans le cailloutis de base lessivé (Bon1a) et dans le cailloutis supérieur rubéfié (Bon1b).
47N.B. Selon Forir (SGB, fiche 098), dans cette zone, il existait quatre sablières « à droite de la route » (NDR : comprendre rue de Gonhis in illo tempore, et actuellement entre la rue de Gonhis et la Route du Condroz), la couche de « cailloux roulés ovulaires (!) et avellanaires… » atteint 3,5 m et ravine le sable Om sous-jacent. Sur la carte topographique de 1904, ces anciennes sablières se situent sous 270 m. La présence de limon n’est pas mentionnée dans les descriptions, mais elle était de toute évidence présente.
48- Site 2 : excavation dans le cadran SE du carrefour principal de Boncelles (futur Mac Donald). Les Graviers liégeois ont été exposés entre 266 et 267 m sous 1,5 m de limon, mais le contact inférieur n’a pas été mis au jour. Un échantillon y a été prélevé (Bon2).
49- Site 3 : excavation destinée à recevoir le bâtiment à appartements « Le Vieux Frêne », rue de Tilff n°5. Le site est à la marge septentrionale de l’ancienne sablière de Gonhis, décrite par Rutot (1907). La coupe montrait le cailloutis de 266 à 269 m, mais le contact inférieur n’a pas été mis au jour ; un échantillon y a été prélevé (Bon3).
50- Site 4 : excavation destinée à l’installation d’impétrants au pied de la passerelle qui enjambe la Route du Condroz dans le complexe commercial (côté est), la partie supérieure du cailloutis a été mise au jour entre 270 et 271 m ; un échantillon y a été prélevé (Bon4).
51- Site 5 : dans le chemin d’accès de l’ancienne sablière du Sart Haguet, un dépôt de pente constitué de sable graveleux est accessible entre 256 et 259 m. Les galets ne peuvent provenir que des Graviers liégeois reconnus en position primaire dans la carrière à l’amont immédiat entre 261 et 263 m (cf. supra : Thibeau, 1960). Un échantillon y a été prélevé (Bon5).
52-.Site 6 : excavation ouverte en 2020 au pied de la Tour du Bol d’Air. Les Graviers liégeois décrits à proximité par Thibeau (1960) et Sierakowski (1970) ont été mis au jour. Un échantillon a été prélevé (Bon6).
53-.Ancienne carrière Hanay. La carrière aujourd’hui remblayée a été examinée par les auteurs dans les années 1990, elle jouxte l’arrière de la parcelle du magasin Carrefour (figure 3 : Han). Le sommet de l’ancien front de taille est enfoui à 267 m. Les Graviers liégeois y étaient visibles sous 1 m de limon avec leur structure fluviatile (lentilles de sable et de gravier) sur une épaisseur de ~2 m, soit de 264 à 266 m dans la zone mitoyenne du supermarché Carrefour non atteinte par l’extraction.
54- Dans l’ancienne sablière de Clawires, la fiche 328 rapporte « 3,5 m : « a. limon ; b-c cailloutis », surmontant 2 m de sable blanc et saumon… » ; le point correspondant est sur la courbe de niveau de 265 m, on peut en déduire que les Graviers liégeois existent à partir de ~ 261,5 m et n’atteignent pas 265 m. Dans l’ancienne sablière de Beauregard, la fiche 072 rapporte : 3,5 m de limons remaniés, puis « de 3,5 à 4,5 m cailloux blancs dans sable graveleux jaune ; à 4,5 m, sable… ». Les traces de l’ancienne sablière sont visibles de 265 à 263 m. On peut donc y placer les Graviers liégeois à ~ 260 m. Dans les deux cas, il devrait s’agir de cailloutis remaniés par les processus de versant en provenance du dépôt primaire du plateau.
2.1.1.3. Pente du cailloutis
55Sur la partie la plus élevée du plateau de Boncelles, le cailloutis a été vu par parties de 266 (site 3) à 271 m (site 1), et dans son intégralité dans l’excavation de la rue Gonhis entre 267 et 270,5 m. La base du cailloutis a été vue : (1) à 264 m dans l’ancienne sablière Hanay ; (2) à 261,3 m à Sart Haguet ; (3) à 260 m,1 m au Château d’Eau. Depuis le plateau jusqu’au Château d’Eau, la pente du sol est régulière et la carte topographique de 1904 atteste qu’il ne lui a pas été porté atteinte en dehors de la zone des sablières. Le long du même transect, la pente moyenne de la base du cailloutis est de 4 m/km du sud vers le nord (267 m à Bon1 et 260 m au Château d’eau pour une distance de 1750 m). Dans la carrière Hanay, la base (264 m) est 1 m plus bas que sur le plateau, mais l’imprécision de l’altitude dans le site et la courte distance (400 m) impliquée n’autorisent pas le calcul de la pente.
2.1.2. Sédimentologie
56Granulométrie (annexes 2 et 3B)
57L’histogramme montre que : (1) les modes s’étalent largement du gravier moyen (13,4 mm) au gravier grossier (26,9 mm) au point de donner une légère bimodalité dans la distribution moyenne ; (2) la taille des plus gros éléments varie de 45 à 90 mm ; (3) la distribution est asymétrique négative. Les courbes cumulatives mettent en exergue les fourchettes de valeur : (1) des médianes 10,2 < D50 < 23,4 mm ; (2) des 3e quartiles 16 < D75 < 41,5 mm. Les échantillons Bon1(i&s) à Bon4 ayant été prélevés en vrac dans le cailloutis en position primaire, la part de la matrice (fraction < 2 mm) a donc pu être déterminée, elle est comprise entre 48 et 72%. La texture de la partie inférieure du cailloutis (Bon1i) est essentiellement sableuse, si bien que la part de la matrice de la lentille caillouteuse n’est pas représentative de l’unité.
58Fréquence de galets (annexe 3)
59La fréquence des quartz (Q’) est comprise entre 57,8 et 74,5 % (moyenne : 64,4 %), et celle des quartz + quartzites (Q’’) entre 66,8 et 82,7 % (moyenne 74,2 %). Les galets friables représentent 6 à 32,7 % de l’ensemble des galets.
60Cas particulier du cailloutis Bon1i. Les galets de cette unité sont nettement plus altérés que ceux des autres échantillons et la détermination s’en trouve plus délicate. Ils sont quasi tous décolorés (lessivage acide du fer présent dans les minéraux de la roche). Dans la classe de 8 à 16 mm, la fréquence la plus élevée de galets friables atteint 32,7 %. Compte tenu de cette particularité, la détermination de la nature des éléments a été étendue à la fraction de 16 à 32 mm après fracturation des éléments au marteau : (1) même des quartz peuvent être fragiles ; (2) des veines de quartz sont en relief dans des quartzites qui s’émiettent au moindre impact ; (3) pour n = 236 galets, on a trouvé 75,4 % de quartz, 8,9 % de quartzite fermement identifiés, tandis que 15,7 % ne présentent pas de quartz apparent.
61Émoussé des galets de quartz (annexes 2 et 3B)
62Indice d’émoussé de Wadell. L’indice moyen des sept échantillons est compris entre 0,675 à 0,689 et l’indice moyen pour l’ensemble du site est 0,683. L’indice M’’ indique que les quartz fluviatiles constituent l’essentiel de la masse puisque seulement 3,6 à 15,5 % (moyenne : 11,1 %) présentent un faciès marin.
63Minéraux denses transparents (annexe 4)
64Parmi les mdt (Tab. 1b), les ubiquistes représentent 91% et les paramétamorphiques 5,3%. Les rapports internes sont très variables d’un échantillon à l’autre ; par exemple dans Bon2 la fréquence du zircon et de la tourmaline est pratiquement identique, mais dans Bon3, le zircon est nettement dominant.
2.1.3. Les Graviers liégeois de Boncelles : synthèse
65Sur la partie la plus élevée du plateau de Boncelles, les Graviers liégeois existent en position primaire. Suivant un transect du sud vers le nord, la pente moyenne de la base du cailloutis est de 4 m/km. On notera ici que la pente longitudinale actuelle de l’Ourthe inférieure est de ~ 1 m/km et que l’écoulement sur le plateau de Boncelles devait se faire également dans le sens du sud vers le nord. La pente longitudinale des Graviers liégeois du plateau est donc nettement supérieure à celle du cours d’eau actuel. Les conditions d’un basculement post-sédimentaire seront discutées plus loin.
66En matière de granularité, la fraction modale est dans le gravier grossier. Les galets de quartz sont majoritaires et plus de deux tiers des éléments sont issus des roches de Haute Belgique. Beaucoup de galets (6 à 33 %) sont friables. L’indice d’émoussé moyen de Wadell est 0,683. Les mdt consistent essentiellement en ubiquistes accompagnés de ~ 5 % de paramétamorphiques.
67Aucun autre ltf de cette terrasse n’est connu à l’heure actuelle ; il devient donc le ltf de référence de la T. de Boncelles dont l’altitude relative doit être rapportée à celle de la plaine inondable de l’Ourthe à Tilff (soit 74 m), si bien que son label sera : Bon-Pla[b260 ; s271 ; d186] (Bon = Boncelles ; Pla = plateau ; b = base, s = sommet ; d = dénivelée de la base vs plaine d’inondation de l’Ourthe; 260 = altitude minimale absolue au Château d’eau) ; 271 = altitude maximale absolue du toit du cailloutis en Bon2).
2.2. Les Graviers liégeois de Sart Tilman
68Les sites où la présence des Graviers liégeois est avérée sont localisés sur la figure 3. Les noms de Grande sablière et Sablière de la Route (figure 4) ont été proposés par Fourmarier (1919) ; leur usage est adopté ici pour leur intérêt pratique. Les traces de la partie nord de la Grande sablière sont toujours parfaitement visibles et le site reste accessible, tandis que la partie qui se trouvait au nord de la rue Pré Aily a été urbanisée. Le site de la Sablière de la Route a été entièrement urbanisé et n’a laissé que des traces discrètes. Un site mitoyen inédit va être décrit sous le nom de Belle Jardinière.
Figure 3 : Localisation des Graviers liégeois à Sart Tilman. Explications : Grande sablière, pastille noire = coupe de référence décrite par Fraipont (1908) ; Sablière de la Route, décrite par Fourmarier (1919) et Pissart (1964) ; Belle Jardinière, site décrit dans le présent travail ; trait rouge = absence de Graviers liégeois dans la tranchée d’égout (Pissart, 1964) ; S-T.1/2/3/4/5, localisation des échantillons traités dans le présent travail. (Fond de carte= Image Lidar d’après le site WalOnMap).
2.2.1. Les anciennes sablières de Sart Tilman
69Sablière de la Route
70Fourmarier (1919) a publié un croquis de cette sablière (figure 4A). D’après les épaisseurs que l’auteur rapporte pour d’autres couches de son schéma, on peut attribuer une épaisseur maximale de 4 m au cailloutis. Pissart (1964) produit une étude sédimentologique de cette sablière dont nous retenons : (1) la fréquence élevée des quartz, 64 % pour la classe de 2 à 3 cm, et de 50 % pour celle de 4 à 6 cm (NDR : l’auteur ne rapporte pas la dimension mesurée, mais nous croyons savoir qu’il s’agissait de la longueur) ; (2) l’émoussé de type fluviatile des quartz (estimé par la méthode de Cailleux).
Figure 4 : (A) Croquis de la Sablière de la Route selon Fourmarier (1919, figure 1, p.135, avec ajouts en rouge). (B) Corrélation lithostratigraphique des deux sablières de Sart Tilman selon Fourmarier (1919 ; figure 2 avec ajouts en rouge).
71Grande sablière
72Elle se situe sur un versant en faible pente. Les traces qui en subsistent sont entre 225 et 230 m. Sur la carte géologique, Forir (1897) y a enregistré la présence de cailloutis Onx (épaisseur 1 m) sur du sable Om (épaisseur 3 m). Fraipont (1908) en a produit une coupe schématique rapportée à 210 m d’altitude (NDR : altitude à laquelle il n’y a jamais eu de sablière, toutefois, la fiche de travail correspondante [SGB n°197, au nom de Fraipont] permet de localiser la coupe de référence à une altitude de 230 m). Le cailloutis s’y présente en couverture d’épaisseur décimétrique. Des échantillons y ont été prélevés dans la partie supérieure du front de taille : ST4, ST5 et ST6.
73Pissart (1964) rapporte : « Nous avons, en effet, constaté à l’occasion de la pose des égouts du Sart Tilman qu’il n’existe pas de cailloutis de ce type le long de la route du Condroz entre le monument aux morts et 400 m au N.E. de l’église du Sart Tilman. » Malheureusement, l’auteur n’écrit pas ce qu’il a vu dans la tranchée.
2.2.2. Un site inédit : Belle Jardinière
74Ce site consiste en : (1) une tranchée qui a été ouverte pour installer une route (rue Sart aux Fraises) qui donne accès au lotissement du même nom ; (2) une excavation qui a été réalisée pour recevoir un immeuble (rue Belle Jardinière, n°320). Les deux parties du site sont mitoyennes (figure 5).
Figure 5 : Le site de Belle Jardinière. (A) La coupe du talus routier de la rue Sart aux Fraises. (B) Localisation des coupes. (C) L’excavation de l’immeuble n°320 de la rue de la Belle Jardinière avec seulement du sable Om sur le socle dévonien.
2.2.2.1. Description du site
75Le talus routier de la rue Sart aux Fraises montre (Figure 5A) : (1) le sable Om dans la partie inférieure ; (2) une couche de silex très arrondis qui, dans le plan de la coupe, est en pente vers le NO, et présente une déformation en chenal dont le flanc SE est en surplomb sur le fond de la dépression ; (3) du sable limoneux fortement rubéfié qui colmate le chenal précité ; (4) une traînée de silex très arrondis (émoussé marin) qui scelle le remplissage du chenal ; (5) une nappe supérieure de sable limoneux rubéfié ; (6) les Graviers liégeois qui, en discordance sur les dépôts sous-jacents, ont une épaisseur d’une cinquantaine de centimètres (234-234,5 m) ; (7) une mince couche de limon (50 cm). Sur le talus opposé, les Graviers liégeois sont aussi présents sur le sable Om ; il s’agit ici des terrains marginaux de l’ancienne Sablière de la Route. Des échantillons de cailloutis ont été prélevés de part et d’autre de la tranchée : ST1, ST2 et ST3
76L’excavation qui a reçu l’immeuble n° 320 rue de la Belle Jardinière n’a mis au jour que du sable Om en discordance sur le socle dévonien à 230 m d’altitude. Cela implique que les dépôts du talus précité de la rue Sart aux Fraises appartiennent à un paléo-vallon antérieur aux Graviers liégeois.
2.2.2.2. Sédimentologie
77Granulométrie (annexes 2 et 3B)
78Les histogrammes mettent particulièrement en évidence : (1) les modes qui s’étalent largement du gravier moyen (13,5 mm) au gravier grossier (26,9 mm) au point de donner une légère bimodalité dans la distribution moyenne ; (2) la taille du plus gros élément varie de 45 à 90 mm ; (3) la distribution est asymétrique négative. Les courbes cumulatives mettent en exergue les fourchettes de valeurs : (1) des médianes 12,8 < D50 < 26,6 mm ; (2) des 3e quartiles 19 < D75 < 5 1,9 mm ; (3) du plus gros élément compris entre 45 et 90 mm (premier tamis vide). Les échantillons ST1 à ST3 ayant été prélevés en vrac dans le cailloutis en position primaire, la part de la matrice est comprise entre 38 et 69 %, ce qui constitue une valeur minimale pour l’ensemble du dépôt dans lequel la présence de lentilles essentiellement sableuses a été citée par Fourmarier (op. cit.).
79Fréquence de galets (annexe 3)
80La fréquence des galets de quartz est en moyenne de 48,2 % (36,5 < Q’< 66,2 %), mais nettement inférieure à la valeur de Boncelles (64,4%). La fréquence des quartz + quartzites atteint 81 % (63,5 < Q’’ < 81 %) ; elle est très proche du même indice à Boncelles (73,4 %). Ceci implique qu’au moins 63 % des galets proviennent des roches de Haute Belgique. La part des galets friables varie de 1,1 à 5,5 % (moyenne : 2,8 %), ce qui atteste un niveau d’altération nettement inférieur à celui de Boncelles (16,8 %). Il existe une très faible part de silex.
81Emoussé des galets de quartz (annexes 2 et 3B)
82Indice d’émoussé de Wadell. L’indice moyen des six échantillons est compris entre 0,664 et 0,683 et l’indice moyen pour l’ensemble du site est 0,675. L’indice M’’ indique que les quartz fluviatiles constituent l’essentiel de la masse puisque seulement 4,8 à 12,9 % (moyenne : 9,6 %) présentent un faciès marin.
83Minéraux denses transparents (annexe 4)
84Parmi les mdt, les ubiquistes représentent 79,8 %, les paramétamorphiques 12,8 %, et il existe une part faible de minéraux du groupe de l’épidote. Les rapports internes sont variables d’un échantillon à l’autre et le rapport zircon/tourmaline peut même s’inverser.
2.2.3. Une tranchée le long de la grand-route
85À la faveur de l’installation d’une ligne électrique souterraine le long de la grand-route de Marche en 2020-21 (figure 7), le toit du cailloutis du ltf de Sart Tilman a été mis au jour dans la partie nord du replat sous une couverture de limon de ~ 50 cm d’épaisseur. Ce transect est~ 2 m plus bas que la ligne de crête de l’interfluve, le cailloutis y est donc amputé de sa partie supérieure.
2.2.4. Relation entre les sites
86La nappe de cailloutis du ltf de Sart Tilman peut être délimitée de la façon suivante : (1) dans la coupe de Belle Jardinière, la base est à 234 m ; (2) dans l’ancienne Sablière de la Route le sommet du front de taille (cailloutis d’après Fourmarier [1919]) correspondait au point culminant de l’interfluve à 238 m ; (3) dans la tranchée pour impétrant de la grand-route, la surface du sol est à ~ 236 m, et le sommet du cailloutis a été suivi à 50 cm de profondeur sur ~ 150 m de longueur ; (4) compte tenu de la faible épaisseur du limon de couverture, la courbe de niveau de 234 m doit correspondre avec l’extension du cailloutis en position primaire. Ceci implique que le cailloutis qui existe encore en couverture dans la Grande Sablière ne fait pas partie du ltf et doit être considéré comme un dépôt de versant qui en est issu.
2.2.5. Les Graviers liégeois de Sart Tilman : synthèse
87Les Graviers liégeois de Sart Tilman sont conservés en position primaire entre 234 et 238 m d’altitude (figure 6). Par sa localisation sur l’interfluve, le site est ouvert à la fois sur les vallées de l’Ourthe et de la Meuse, mais il devait appartenir au bassin de l’Ourthe et, de ce fait, son altitude est rapportée à celle de la plaine inondable de l’Ourthe à Tilff-Sauheid (69 m). Son label sera donc Ang-SaT[b234 ; s238 ; d165] (Ang = Angleur ; SaT = Sart Tilman). Le silex est discrètement présent. La part des mdt paramétamorphiques est relativement élevée (12,8 %). Quant au cailloutis de la Grande Sablière, il doit être considéré comme une partie remaniée du ltf de Sart Tilman.
Figure 6 : Le ltf de Sart Tilman. (A) Localisation. (B) Coupe synthétique reprenant les diverses observations. Explications : les diverses données sont projetées dans la coupe, chacune à leur altitude (cluster). Légende : 1 = cailloutis en position primaire vu au cours du présent travail ; 2 = cailloutis vu par Fourmarier dans la Sablière de la Route ; 3 = limite aval du cailloutis en position primaire ; 4 = ligne de partage des eaux du replat ; 5 = Sable Om ; 6 = limon de couverture ; 7 = bedrock ; 8 = limite de la tranchée d’égout sans Graviers liégeois vue par Pissart (1964) ; 9 = limite sud des Graviers liégeois dans la tranchée de 2020-21. Fond de carte topographique de l’IGN 1/10 000.
2.3. Absence de Graviers liégeois entre les lxtf de Boncelles et de Sart Tilman
88L’espace qui sépare les lbxt de Boncelles et de Sart-Tilman est un long replat dont l’altitude descend progressivement de 250 m sur le flanc droit du vallon de Biémoulin (siège de la route N63) jusqu’à 238 m au ltf de la Sablière de la Route.
2.3.1. Les fiches du SGB
89Les fiches du SGB (annexe 5B) montrent que dans tout l’espace concerné, les terrains de couverture consistent essentiellement en : (1) une nappe de lœss d’épaisseur pluri-décimétrique, reposant sur… ; (2) des terrains Om d’épaisseur pluri-métrique, à la base desquels existe… (3) un conglomérat d’argile à galets et blocs de silex très émoussés (et secondairement d’éléments d’origine paléozoïque) reposant sur… ; (4) les terrains du socle altérés plus ou moins profondément selon qu’il s’agit de schistes ou de grès. Toutes les informations recueillies sont localisées sur la figure 7.
Figure 7 : Les sites dont les terrains de couverture sont connus entre les lxtf de Boncelles et de Sart Tilman. Explications : pastille noire = fiche du SGB avec son numéro ; pastille rouge S1-6 = sites décrits dans le présent travail ; fond de carte = Image Lidar d’après WalOnMap).
2.3.2. Description de sites inédits
90Dans le même espace, plusieurs sites ont été excavés pendant la durée de ce travail. Ils sont localisés sur la figure 7 et les photos les concernant sont en annexe 6.
91Site 1 : un cailloutis protégé dans les caves du bâtiment B52 de l’ULiège (annexe 6A). Lors du creusement de l’excavation qui allait recevoir le bâtiment B52 (Sciences appliquées de l’ULiège), un cailloutis a été mis au jour, et deux coupes géologiques orthogonales ont été conservées dans les caves ; l’une est orientée SE-NO (Coupe 1) et l’autre SO-NE (Coupe 2). Le site se trouvait entre 242 et 240 m d’altitude avant les travaux et le niveau des caves est de ~ 238 m. La hauteur des coupes conservées est de ~1 ,5 m.
92La coupe 1 montre le toit du socle constitué de bancs sub-verticaux de grès éodévoniens altérés et ravinés entre 238 et 239 m d’altitude. Ce socle est surmonté en discordance par un cailloutis stratifié en lentilles de longueur pluri-métrique et d’épaisseur jusqu’à pluri-décimétrique, les unes caillouteuses (galets et éléments anguleux) et les autres essentiellement sableuses. Le faciès caillouteux est dominant dans la partie inférieure et le faciès sableux dans la partie supérieure. Des lentilles sableuses présentent une structure de foreset beds de courant dans le sens SE-NO ; le faciès émoussé-luisant des grains de la matrice atteste leur usure par la houle. La coupe 2 est essentiellement sableuse dans sa partie inférieure ; elle est scellée par une couche de cailloux et blocs de silex dont les plus remarquables présentent un émoussé marin et une pellicule de cacholong, mais de nombreux éclats de plus petite taille sont aussi présents. Dans les deux cas, il ne peut s’agir de Graviers liégeois. Ce dépôt ne relève donc pas du thème du présent travail, mais des terrains oligocènes. Néanmoins, nous profitons de cette opportunité pour en rapporter dans la littérature quelques renseignements inédits d’ordre sédimentologique. Deux échantillons ont été prélevés dans les éboulis du pied de la coupe : B52A et B52B. Chacun représente donc la composition moyenne de la colonne au pied de laquelle il se trouvait. Dans la fraction supérieure à 16 mm, on constate dans l’un la présence d’une part importante de galets de sable tertiaire induré, et dans l’autre leur absence. Dans la fraction de 8 à 16 mm, on constate la coexistence d’éléments très différemment émoussés depuis les galets marins jusqu’à des éclats de silex aux arêtes vives. La nature des cailloux a été déterminée sur la fraction supérieure à 16 mm de façon à bénéficier des cassures, ce qui a permis de constater la présence de silex accompagnés de grès paléozoïques. Dans la fraction de 8 à 16 mm, de très rares quartz et quartzites (avec veine de quartz et/ou empreintes de cubes de pyrite) ont été trouvés.
93Les silex doivent provenir des lambeaux de terrains crétacés qui subsistaient dans la région lors de l’arrivée de la mer oligocène qui en a roulé les éléments. Des terrains crétacés subsistent encore sur le plateau de Beaufays (et plus loin jusque dans les Hautes Fagnes [Bless et Felder, 1989]). Les galets du socle paléozoïque sont essentiellement des grès dont une panoplie est connue jusqu’à Beaufays. Les très rares quartz et quartzites attestent que le bassin versant qui a fourni l’ensemble des éléments devait être restreint au milieu local, mais qu’il devait s’y trouver des traces de galets ardennais remontant à un réseau hydrographique antérieur. Le sable est constitué essentiellement de grains de quartz émoussés-luisants (marins).
94En résumé, le cailloutis conservé et protégé dans les caves du bâtiment B52 de l’Uliège est en contact ravinant avec le socle paléozoïque à ~ 238-239 m. Il fait partie des premiers dépôts mis en place en relation avec le rivage de la mer oligocène à cet endroit. Par ses propriétés sédimentologiques, il ne peut être apparenté aux Graviers liégeois.
95Site 2 : excavation réalisée pour la construction du bâtiment RCAE de l’Université de Liège (Royal Cercle Athlétique des Étudiants) (annexe 6B). La coupe montrait : (1) 1 m de limon quaternaire avec pédogenèse ; (2) 2 m de sable ; (3) une couche de galets à émoussé marin consistant principalement en silex et secondairement en roches paléozoïques.
96Site 3 : deux excavations pour installer des chambres-relais d’une conduite d’eau. Dans celle située en bordure de l’école communale de Sart Tilman (annexe 6C), les galets marins identiques à ceux du site 2 ont été extraits à partir de 235,5 m d’altitude à la base des terrains Om, tandis que du côté opposé, ces galets n’ont pas été atteints dans le fond d’excavation arrêtée à 235 m (dénivelée de 0,5 m par nivellement d’un côté à l’autre de la route).
97Site 4 : excavation destinée à recevoir le bâtiment du Service général d’informatique de l’université (annexe 6D). Elle a été précédée de forages carottés (SGB : 134E718 et 719) qui rapportent : « orifice à 244 m ; sous 75 cm de lœss, 1,35 m de limon argileux avec débris de silex et cailloux de quartz ; sable jusqu’à au moins 240 m ».
98Site 5 : tranchée creusée jusqu’à 1,5 m de profondeur pour l’installation d’impétrants à l’entrée de l’Écoquartier de Sart Tilman ; la couche de galets à émoussé marin a été atteinte à 238,5 m (annexe 6E).
2.3.3. Entre les terrasses de Boncelles et de Sart Tilman : synthèse
99L’ensemble des données disponibles montre que dans tout l’espace concerné, les terrains de couverture présentent la séquence suivante : (1) une nappe de lœss d’épaisseur pluri-décimétrique, reposant sur… ; (2) des terrains Om et notamment du sable dont l’épaisseur ne dépasse pas 6 m, et à la base duquel existe… (3) un lit massif appelé selon les auteurs : éluvium /argile à silex/ conglomérat,… constitué essentiellement de galets marins de silex et secondairement d’éléments d’origine paléozoïque. Dans le site B52, le dépôt de base des terrains Om présente un faciès exceptionnel (coupe 1), il est stratifié et sablo-caillouteux. En conséquence, le long replat entre les terrasses de Boncelles et de Sart Tilman est un lambeau d’aplanissement partiel développé dans les terrains Om avec pour niveau de base partiel la T. de Sart Tilman. Enfin, l’ensemble des observations exclut un glissement progressif du cours d’eau d’origine ardennaise depuis la T. de Boncelles jusqu’à celle de Sart Tilman ; son déplacement d’un site à l’autre sera discuté plus loin.
2.4. Les Graviers liégeois de l’interfluve Meuse-Ourthe : synthèse
100Les résultats essentiels des observations de terrain sur l’interfluve Ourthe-Meuse sont rassemblés dans une coupe longitudinale depuis Boncelles jusqu’à Sart Tilman (figure 8).
Figure 8 : Coupe longitudinale de la partie supérieure de l’interfluve Meuse-Ourthe rassemblant les observations disponibles. Légende : 1 = Graviers liégeois en position primaire ; 2 = raccord de la base des Graviers liégeois du plateau de Boncelles ; 3 = terrains Om ; 4 = conglomérat de silex ; 5 = cailloutis et socle du site B52 ; 6 = socle paléozoïque ; 7 = surface de transgression oligocène ; 8 = profil longitudinal de l’interfluve. Explications : les coupes peuvent être hors-plan (cluster).
101- Un lit d’argile à silex d’épaisseur pluri-décimétrique repose en discordance sur le socle dévonien depuis la T. de Boncelles jusqu’à celle de Sart Tilman. Dans la présente zone, la mer oligocène impliquée attaquait en fait des dépôts crétacés épars d’où se détachaient les rognons de silex qui allaient être roulés par la houle. Cette nappe constitue donc le premier lit des terrains Om. Dans ce contexte, le dépôt sablo-caillouteux stratifié qui repose sur le bedrock dans le site B52 constitue un faciès différent de l’unité inférieure habituelle.
102- Des terrains plus fins surtout sableux et argileux se sont ensuite déposés pendant que la mer oligocène effectuait son aller-retour jusqu’en Haute Ardenne.
103- La pente de la base des terrains Om présente actuellement le long de l’interfluve une composante de 3,5 m/km inclinée vers le NE.
104- Un premier cailloutis fluviatile s’est mis en place sur le plateau de Boncelles ; sa pente actuelle (4 m/km du sud vers le nord) est nettement supérieure à celle de l’Ourthe (~ 1 m/km).
105- On notera surtout que si entre les terrasses de Boncelles et de Sart Tilman, il existe actuellement une dénivelée d’une trentaine de mètres, l’incision de la rivière n’a été que d’une quinzaine de mètres dans les terrains Om.
2.5. Un affleurement de Graviers liégeois sur le plateau de Rocourt
106La carte géologique fait état de la présence de cailloutis Onx sur le plateau de Rocourt jusqu’à sa retombée NE à Milmort (figure 9). Ce cailloutis est interstratifié entre la couverture lœssique et les terrains Om. Il se trouve à ~ 190 m sur le plateau et il descend jusqu’à ~ 170 m à Milmort-Vottem. Lorié (1919) qui a visité toutes les sablières et briqueteries en activité dans cette région, a constaté que ce cailloutis ressemblait à ceux de l’interfluve Meuse-Ourthe plutôt qu’aux « jolis galets » de la région de Hesbaye liégeoise occidentale et il les a intégrés dans le groupe des Graviers liégeois, en les attribuant de ce fait à l’Ourthe-Vesdre dans un contexte hydrographique dans lequel la région à l’aval de Liège ne pouvait pas encore être drainée par la Meuse.
107C’est dans l’ancienne sablière Gritten à Rocourt que le cailloutis a été remis au jour et Pirson et al. (2019) leur ont attribué le label U2a (Unité 2a). Son épaisseur est de 8 cm à ~183 m d’altitude au toit des terrains Om. Des galets sont présents à l’état dispersé dans 30 cm de sable sus-jacent. Nous ne retiendrons ici que quelques propriétés significatives de ce cailloutis. La distribution granulométrique montre que le mode et la médiane sont dans le gravier moyen, le 3e quartile dans le gravier grossier et il n’y a aucun galet de plus de 45 mm (annexe 2 et 3B. Les galets sont issus essentiellement des roches de Haute Belgique (Q’’ = 92,9) (annexe 3A) ; leur état d’altération est très avancé (veines de quartz en relief dans les quartzites, pellicule blanchie. L’émoussé des quartz (annexes 2 et 3B) est sommaire, le mode est dans la classe de 0,650 à 0,699 (Iw moyen : 0,676) et la part de galets marins est très faible (M’’ = 1.4). Il s’agit donc bien d’un cailloutis apparenté aux Graviers liégeois tels que Lorié (1919) en a identifié dans les autres sablières de la même unité Onx/Om de la carte géologique.
Figure 9 : Altitude du complexe Onx/Om sur le plateau de Rocourt et sa retombée nord. Extrait de la carte géologique de Belgique, planchette n°121 (Forir, 1902). Légende : 1 = sablière Gritten où le cailloutis Onx a été remis au jour ; 2 = cailloutis Onx+ sable Om ; 3 = Crétacé supérieur ; 4 = Crétacé inférieur ; 5 = Houiller ; 6 = altitude du sol ; 7 = altitude du toit du cailloutis Onx ; 8 = altitude de la base des terrains Om ; 9 = épaisseur en mètre du complexe Onx/Om ; 10 = altitude du toit du cailloutis Onx.
3. Recherche du cailloutis le plus élevé qui ne fasse pas partie des Graviers liégeois
3.1. Le cas particulier du cailloutis de Seraing
3.1.1. Les données de la littérature
108La carte géologique rapporte la présence d’une vaste nappe de cailloutis Onx reposant sur des terrains Om sur les hauteurs de Seraing entre 210 et 250 m d’altitude (Figure 10). Il faut tout d’abord noter que Lorié (1919), le père des Graviers liégeois, n’a jamais cité ce cailloutis dans son travail. C’est Pissart (1964) qui l’a intégré dans son étude des Graviers liégeois de Boncelles et de Sart Tilman sans s’en justifier à aucun niveau du travail. Dans le cadre d’un retour aux sources, nous parlerons donc du cailloutis Onx de Seraing. Clairbois (1957) a vu un cailloutis dans l’excavation réalisée pour recevoir l’Athénée de l’Air Pur. Pissart (1964, cf. supra) a eu l’opportunité d’étudier un cailloutis dans une sablière-gravière proche du site de l’Athénée à 230 m d’altitude, et il l’a aussi reconnu sur 1,2 m d’épaisseur dans une fouille réalisée dans la Mare aux Joncs (Arboretum du Bois de la Vecquée à ~ 242 m). Les sites où le cailloutis Onx de Seraing a été reconnu, ainsi que la localisation des fiches de travail des archives du SGB qui l’évoquent (annexe 5C) sont localisés sur la figure 10.
Figure 10 : Sur les hauteurs de Seraing (Bois de la Vecquée et Biens Communaux) : (A) Nappe Onx/Om d’après la Carte géologique de Belgique (Forir, 1897) ; pour la légende, revoir la figure 1. (B) Cailloutis classé dans les Graviers liégeois par Pissart (1964, extrait de la figure 1, avec ajouts). (C) Les sites d’observation reportés dans le réseau de l’infrastructure actuelle. (D) Coupe représentative de la position géomorphologique des observations.
Légende : 1 = « Graviers liégeois présentant une allure stratifiée » : A, sablière-gravière dans laquelle Pissart a effectué ses observations ; B, Athénée de l’Air Pur où Clairbois (1957) a vu le cailloutis dans l’excavation des fondations ; 2 = selon Pissart (1964) : « Graviers liégeois observés en surface » ; 3 = « Couverture de Graviers liégeois très probable » ; 4 = Mare aux Joncs où le cailloutis a été mis au jour sur 1,2 m d’épaisseur à la faveur d’une fouille ; 5 = localisation de nos échantillons dans le talus routier de la rue des Aisemences ; 6 = forages du SGB ; 7 = limite de la nappe Onx/Om de la carte géologique ; 8 = limon q3m ; 9 = cailloutis fluviatile ; 10 = terrains Om ; 11 = conglomérat de silex ; 12 = position de la coupe N-NO/S-SE de la figure D.
3.1.2. Description du site
109De tous les renseignements rapportés ci-dessus, nous retiendrons que dans la zone la plus élevée : (1) à ~260 m (altitude attribuée au sondage de la fiche 074), il existe une couverture de limon de 5 m d’épaisseur qui repose sur une couche à silex (donc à ~ 255 m) ; (2) à ~ 260 m (altitude attribuée au sondage de la fiche 070), il existe une couverture limoneuse d’au moins 6 m d’épaisseur, et on ignore la nature des terrains sous-jacents, donc sous ~ 254 m. Dans les deux cas, la cote atteinte est identique à celle de la base inférieure de la T. de Boncelles (267 à 260 m sur le plateau) et aucun « caillou blanc » n’a été signalé. Un peu plus bas sur le versant, à ~ 250 m (altitude attribuée au sondage la fiche 069e), des « cailloux blancs dans du sable » ont été atteints à 2,2 m, soit à ~ 248 m. Le cailloutis n’a été mis au jour que dans des excavations temporaires entre 227 et 242 m, sans que l’on puisse reconnaître sa position primaire. Il est important de retenir que le cailloutis repose partout sur des terrains Om reconnus lors de l’élaboration de la carte géologique ; le cours d’eau qui l’a déposé ne s’était donc incisé que partiellement dans ces terrains, et dans le quartier de l’Athénée, une donnée indique que ces derniers subsistent sur une épaisseur de ~ 5 m. Nous avons eu l’occasion d’effectuer des prélèvements dans le talus routier de la rue des Aisemences au n°5 entre 227 et 229 m : Srg1 et Srg2.
110Toutes les données récoltées ont été ordonnées dans une coupe (figure 10D). Les pentes qui joignent les points d’observation du toit du cailloutis sont ~ 7 m/km du Bois de la Vecquée jusqu’à la Mare aux Joncs et 22 m/km de la Mare aux Joncs jusqu’à l’Athénée. Ces deux valeurs devraient donc se rapporter à du cailloutis remanié par les processus de versant. Le site le plus favorable pour supporter le ltf (ou plusieurs en gradins) correspondant est la zone de plus faible pente (3,3 m/km) qui se situe entre 245 et 250 m dans le Bois de la Vecquée où une couverture de lœss empêche son identification. Quant à la pente moyenne du toit de la couche à silex entre la crête condruzienne et l’Athénée, son intensité (14 m/km) est d’apparence énigmatique. La discussion de ces données sera reprise plus loin.
3.1.3. Sédimentologie
111Granulométrie (annexes 2 et 3B)
112Les deux distributions sont pratiquement identiques. L’histogramme met particulièrement en évidence : (1) le mode qui se situe à la transition du gravier moyen à grossier (16 mm) ; (2) la taille du plus gros élément qui varie de 45 à 64 mm ; (3) la distribution qui présente une légère asymétrie négative. Les courbes cumulatives mettent en exergue : (1) la médiane dans le gravier moyen ; (2) le 3e quartile dans le gravier grossier.
113Fréquence de galets (annexe 3B)
114La fréquence moyenne des quartz est de 48,5 % (48,4 <Q’ < 48,5), et celle des quartz + quartzite 61 % (59,8 <Q’’ <62) ; ceci implique qu’au moins 60 % des galets proviennent des roches de Haute Belgique, mais la fréquence est nettement plus faible que dans les lxtf de Boncelles (74 %) et de Sart Tilman (73 %). La part des galets friables varie de 1,9 à 5,3 % (moyenne : 3,8 %), ce qui atteste un niveau d’altération très proche de celui de Sart Tilman (2,8), mais nettement inférieur à celui de Boncelles (16,8 %). Il existe une faible part de silex.
115Émoussé des galets de quartz (annexes 2 et 3B)
116Les indices d’émoussé de Wadell des deux échantillons sont 0,660 et 0,684 (moyenne : 0,672). L’indice M’’ indique que la population est essentiellement fluviatile puisque seulement 6,8 à 11 % des quartz (moyenne : 9,2 %) présentent un faciès marin.
117Minéraux denses transparents (annexe 4)
118Parmi les mdt, les ubiquistes représentent 87,1 %, les paramétamorphiques 12,9 %. Il existe une très faible participation de minéraux du groupe de l’épidote. Les rapports internes sont très variables d’un échantillon à l’autre ; par exemple le rapport zircon/tourmaline est d’environ 3 dans Srg1, et à peine supérieur à 1 dans Srg2.
3.1.4. Le cailloutis Onx de Seraing : synthèse
119Le cailloutis Onx de Seraing n’a pas été intégré par Lorié (1919) dans les Graviers liégeois. Tous les sites où les observations ont été faites se trouvent entre 228 et 246 m. On notera que cette tranche d’altitude comprend celle de la T. de Sart Tilman, mais il n’a pas été possible d’y localiser le ltf en position primaire. Cependant, le fait que ce cailloutis se trouve sur le flanc droit de la vallée de la Meuse à l’amont de Boncelles et qu’il soit absent au-dessus de 246 m jusqu’à la crête condruzienne portent à l’attribuer à un cours d’eau venu de l’ouest plutôt qu’à l’Ourthe-Vesdre primitive. Les galets de roches de Haute Belgique ne représentent qu’environ la moitié de la population (Q’ = 48,5 % et Q’’ =61 %). Par ailleurs, la carte géologique atteste que les terrains Om sur lesquels le cailloutis repose n’ont été érodés que partiellement. L’intégration de ce cailloutis dans le réseau des résultats est discutée plus loin.
3.2. À propos de hautes terrasses dans la vallée de l’Ourthe inférieure
120Sur l’interfluve côté Ourthe, nous avons réalisé une recherche complémentaire à celles de Ek (1957) et de Cornet (1987, 1995). Les replats examinés sont localisés sur la figure 11. Ci-dessous, nous les passons en revue dans l’ordre d’altitude décroissante.
Figure 11 : (A) Le flanc gauche de la vallée de l’Ourthe à la retombée de l’interfluve et les zones attribuées à l’Ourthe dans la littérature. (B) Le replat de l’ensellement aménagé pour installer le centre sportif du FC Sart Tilman (Carte topographique IGM, 1904). C = extrait de la figure 3 in Fourmarier (1938) montrant la « 3e terrasse de l’Ourthe » à 175 m.
121Le replat R1 s’étale largement de 215 à 220 m, il présente donc un intérêt particulier. Le socle est présent partout en sub-surface, et il est même visible en affleurement sur la partie aval. Dans la partie supérieure du sentier qui le traverse d’ouest en est, des cailloux roulés sont localement visibles, mais il s’agit de déblais de lestage de toiture (communication écrite de Mr Lovinfosse, Ressources immobilières de l’ULiège). Le replat R1 est donc un lambeau d’aplanissement ou un ltf dénudé.
122Le replat R2 s’étale de 195 à 200 m. Il est en grande partie occupé par des propriétés unifamiliales, si bien qu’il n’est accessible que dans ses parties marginales où nous avons constaté que le manteau d’altération des roches dévoniennes est présent partout en sub-surface. Aucune trace de cailloux roulés n’y a été trouvée. Le replat R2 est donc un lambeau d’aplanissement ou un ltf dénudé.
123La crête de la lande de Streupas constitue la proue de l’interfluve et elle culmine à 185 m. Elle ne porte aucune trace de cailloux roulés. Un manteau de colluvions qui est largement exposé dans le talus nord du complexe sportif au pied occidental de la crête ne renferme aucun caillou roulé qui pourrait permettre de penser à l’existence d’un quelconque ltf sur le promontoire.
124Le chenal Ch.180. Il semble que ce soit un ltf attribué à l’Ourthe par Ek (1957) puis Cornet (1987) dans la mesure où, sur la carte topographique de l’époque, il se présentait comme un replat identique à celui de la carte de 1904 (cf. supra). Le socle affleure sur les flancs du chenal, et dans le fond il n’y a que des colluvions en sub-surface ; il ne peut donc s’agir d’un ltf.
125Le replat R3 a été largement aménagé pour installer le complexe sportif du FC Sart Tilman ; il était à 165 m d’altitude avant les aménagements (figure 16B). Des cailloux roulés sont abondants dans la partie supérieure du vallon qui en descend vers l’Ourthe, mais ils sont en position remaniée. Toutefois l’hypothèse d’une relation avec le replat R3 ne peut être écartée. L’altitude du replat est nettement inférieure à la dénivelée définie pour la présente recherche, mais il est utile de faire état de cet ensellement parce qu’il a pu être franchi par l’Ourthe qui pouvait se jeter dans la Meuse à l’aval immédiat.
126Le cailloutis T3-175. Fourmarier (1938) a décrit à 175 m un cailloutis fluviatile dans l’excavation destinée à recevoir la nouvelle route de Marche (N63). D’après le schéma original de l’auteur (figure 11C), le cailloutis affleurait sur une centaine de mètres de longueur sous une couverture de colluvions ; l’altitude de la base est rapportée entre 175 et 177 m. L’auteur l’attribue à une terrasse de l’Ourthe. Deux remarques s’imposent : (1) à l’échelle de la carte, aucun replat de terrasse n’est reconnaissable ; (2) si même l’Ourthe a traversé l’ensellement du R3-165 quelques 10 m plus haut, elle aurait dû décrire un méandre interpellant pour atteindre le site. Ce cailloutis est actuellement dissimulé sous la couverture végétale du talus routier qui relève de propriétés privées. Il devrait appartenir à la Meuse ou à un vallon local colmaté descendant de la T. de Sart Tilman.
127Remarque. Sur le flanc opposé de la vallée de l’Ourthe entre 270 m (Beaufays) et 165 m (Embourg) aucun replat ne porte de galets (Ek, 1957 ; Juvigné et Van Campenhout, 2020).
128De façon synthétique, sur l’ensemble des replats existant dans la vallée de l’Ourthe en contrebas des sites à Graviers liégeois, les seuls galets connus sont à l’état remanié dans un vallon qui descend du complexe sportif du FC Sart Tilman. Il s’agit d’un col de l’interfluve entre les vallées de l’Ourthe et de la Meuse. L’hypothèse qu’il ait été traversé par l’Ourthe est discutée plus loin.
3.3. La « Traînée mosane » revisitée
129La définition de ce concept est rapportée plus haut. Les localités citées dans le texte sont nommées sur la figure 12). Macar (1974) a divisé la Traînée mosane de Hesbaye liégeoise occidentale en deux niveaux : (1) la Traînée mosane supérieure, dite « de l’aéroport » (base à 195 m) ; (2) la Traînée mosane inférieure exposée in illo tempore dans la carrière de l’Arbre Saint Michel à Flémalle Haute ; son épaisseur est de ~ 3 m, sous une couverture de limon (épaisseur 1,5 m) ; l’altitude de ce cailloutis n’est pas rapportée.
130Remarques. Compte tenu des résultats exposés plus bas, les deux cailloutis précités seront évoqués sous les noms respectifs de cailloutis de Rondpéry (niveau supérieur) et ltf ou cailloutis de Mons-Crotteux (niveau inférieur).
131La revue de la littérature nous a montré que la toponymie originale n’a pas toujours été respectée pour désigner les carrières de cette région, ce qui introduit des difficultés de compréhension d’un auteur à l’autre. Nous produisons à la figure 12B un extrait de la carte topographique de 1904 sur laquelle figure le site de Rondpéry où se trouvait une sablière de référence.
3.3.1. Observations utiles (figure 12)
3.3.1.1 Altitude des cailloutis
132Cailloutis de Rondpéry. C’est à Fourmarier (1933) que l’on doit la description du site. L’auteur fait état de la présence de « cailloux roulés… dans le mètre supérieur limoneux » de la séquence. Il décrit les terrains Om en affleurement sur 12,3 m de hauteur, et il ajoute que des ouvriers lui ont fait savoir que par sondage, du sable avait été reconnu sous le plancher de la carrière jusqu’à 7 à 7,5 m de profondeur. Macar (1974) fait état de l’épaisseur des terrains Om rapportée par Fourmarier, et il précise que la « la limite Oligocène-Traînée mosane… est ici à 195 m. ». Le cailloutis de Rondpéry a été exposé en 2019 lors de l’élargissement de la sortie Flémalle de l’autoroute E42 ; les lentilles de petits galets marins étaient minoritaires dans la partie supérieure du dépôt où elles apparaissaient en alternance avec des lentilles nettement plus épaisses de sable et de limon argileux. La transition avec les terrains Om sous-jacents n’était pas partout évidente, et le contact ravinant rapporté par Fourmarier semble pertinent. Nous réservons l’expression cailloutis de Rondpéry pour celui dont le toit se trouve à ~200 m et en position de plateau (en inversion de relief).
133Cailloutis de Mons-Crotteux. Nous avons pu voir le cailloutis entre 183 et 187 m : (1) dans la sablière-gravière de Rossart avant son remblaiement) ; (2) dans des excavations temporaires de faible profondeur dans les villages de Mons et de Crotteux (aménagement du site pour une extension de la zone aéroportuaire) ; (3) lors de l’aménagement du complexe sportif de Flémalle au sud du village de Mons. Ces observations ont contribué à la réalisation de la coupe schématique (figure 12G). Le ltf de Mons-Crotteux est séparé du cailloutis de Rondpéry par un talus d’une quinzaine de mètres de dénivelée. Ce ltf peut être suivi sur ~3 km de longueur vers le S/SO (figure 12A). Une coupe à travers le plateau de partage des eaux de la Meuse et du Geer (figure 12H) montre que le ltf de Mons-Crotteux est contraint entre la butte du cailloutis de Rondpéry et la zone du Fort de Hollogne où l’on trouve essentiellement du sable Om à la hauteur de la tranche d’altitude des cailloutis Onx de Rondpéry et de Mons-Crotteux.
Figure 12 : Les cailloutis de Rondpéry et de Mons-Crotteux dans le contexte lithologique régional. (A) Localisation des sites étudiés et des points d’échantillonnage. Légende : 1 = extension de la nappe de cailloutis de Rondpéry ; 2 = site d’échantillonnage du cailloutis de Rondpéry ; 3 = extension du ltf de Mons-Crotteux. Toutes les fiches de travail du SGB évoquées ci-dessous font état de la présence d’une couche de « cailloux roulés… de quartz… de roches ardennaises… » située dans la zone du ltf de Mons-Crotteux ou sur ses retombées marginales immédiates (annexe 5D) ; 4 = site d’échantillonnage du cailloutis de Mons-Crotteux. Explication : en raison des perturbations majeures occasionnées au relief par la construction de l’autoroute E42 et des aéroports successifs (militaire puis civil), les sites de référence ont été reportés sur un extrait de la carte topographique de 1904 d’une part en fonction de l’altitude fournie par les foreurs et d’autre part pour déterminer l’altitude non précisée d’un site rapportant une observation , il n’y a donc pas nécessairement correspondance avec les courbes de niveau du relief actuel en surimpression sur la carte LIDAR (figure A) ; 5 = localisation du site protégé de Mons-lez-Liège et de la coupe de la figure C ; 6 = altitude du sol sur le ltf de Mons-Crotteux ; 7 = position de la coupe de la figure H ; 8 = limite supposée du ltf de Mons-Crotteux. (B) Extrait de la carte topographique de 1904 faisant état de la toponymie originale ; le trait rouge correspond au contour originel du cailloutis de Rondpéry en position primaire. (C) Coupe schématique à travers les deux niveaux de cailloutis avec ajout du site protégé de Rossart et de la position des photos D, E et F (traits rouges). (D) Vue des terrains Om et Onx mis en affleurement lors de l’élargissement de la sortie Flémalle de l’autoroute E41. (E) Site protégé de Mons montrant le cailloutis Onx remanié dans le vallon du ruisseau de Crotteux et reposant sur du sable Om. (F) Paroi de la carrière de Rondpéry peu avant la phase finale de son remblaiement avec de haut en bas : remblais / sable Om/ craie avec lits de silex (Formation de Gulpen). (G) Coupe longitudinale du ltf de Mons-Crotteux. Explications : (1) FCF = installations du F.C. Flémalle où le cailloutis était en affleurement jusqu’en surface dans les fondations du bâtiment ; (2) à l’endroit des sites 192,9 et 194,6 m, des forages à la tarière ont été exécutés ; (3) les sites d’Onx du village de Mons sont hors plan entre 183 et 187 m. (H) Coupe le long de la ligne de partage des eaux entre les bassins versants du Geer et la Meuse en Hesbaye liégeoise occidentale. Abréviations : Ru de Hoz = ruisseau de Hozémont ; Holl. Pier = Hollogne-aux-Pierres ; Fort = Fort de Hollogne ; Cha = ancien puits de charbonnage de Bonne Fortune. (I) Localisation des documents d’archives du SGB correspondant aux séquences lithostratigraphiques de la figure J (cf. figure B). (J) Pour la zone du Fort de Hollogne, coupe mettant notamment en évidence les terrains Om et les terrains crétacés sous-jacents. Explications : le tracé de référence de la coupe correspond à l’alignement de 4 sites sur lequel 2 autres hors plan sont projetés (cluster).
Légende générale : 1 = limon (loess) ; 2 = cailloutis Onx avéré ; 3 = mince lit de cailloutis Onx possible au toit des terrains Om (carte géologique : Onx/Om) 4 = toit du cailloutis Onx ; 5 = extrapolation de la pente du toit du cailloutis ; 6 = pente originelle du toit du cailloutis Onx tenant compte d’une amputation importante dans le site 194,6 m ; 7 = extension du cailloutis Onx en position primaire du ltf de Mons-Crotteux ; 8 = terrains Om avérés ; 9 = terrains Om probable ; 10 = terrains crétacés ; 11 = référence de fiches de travail du SGB ; 12 = description de séquences sur la carte géologique.
134Un cailloutis intermédiaire entre les deux précédents. À l’extrémité NE du parc de l’aéroport (donc au nord immédiat du Fort), le talus aménagé entre 187 et 190 m d’altitude montrait (observation de E.J.) des lentilles interstratifiées de cailloutis, de sable et de limon argileux, témoin du retrait (abaissement) du rivage oligocène sous le niveau de Rondpéry (195-200 m) et donc de l’arrivée de la Meuse de Dinant en Hesbaye liégeoise occidentale.
135Cas particulier. La fiche 133E0181 (Grosjean), située 300 m au SO du Fort, sur le versant d’un vallon rapporte :
136« Cote de l'orifice : + 185.07… Profondeurs mètres… Limon 6.00 ; Cailloutis formé de galets fort mal roulés surtout quartz, mais aussi roches ardennaises 6.90… sable 8.00… Sable roux avec grands débris éclatés de silex 9.00… phosphate 10.80… ». Si l’émoussé des galets « fort mal roulés » situés entre 178 et 179 m n’est pas la conséquence du concassage par forage marteau fond de trou, il pourrait s’agir de l’occurrence la plus occidentale connue de Graviers liégeois.
137La pente du ltf de Mons-Crotteux. Des forages à la tarière ont été exécutés sur sa ligne de crête jusqu’à atteindre le toit du cailloutis (figure 12F). À l’endroit du site 194,6 m, les terres labourées sont uniquement lœssiques et 3 forages ont montré que le toit du cailloutis est à ~ 2,4 m de profondeur sous le lœss, soit à ~ 194,2 m d’altitude ; Sur la retombée de cette partie du ltf vers la vallée de la Meuse (à Chockier), les galets de type Onx sont si abondants en surface y compris sur les replats jusqu’à 165 m d’altitude que la carte géologique y fait état de la présence d’Onx. Sur le replat du site 194,6 m, le cailloutis est donc largement amputé et l’altitude de son toit actuel est donc minimale. À l’endroit du site 192.9 m, les galets sont très nombreux en surface et la tarière n’a traversé que l’horizon labouré caillouteux avant d’être bloquée par le toit du cailloutis, soit à ~ 192 m d’altitude. Dans les fondations du bâtiment du centre sportif du FC Flémalle à Mons lez Liège, le cailloutis était présent dès la surface du sol et visible sur 1 m d’épaisseur ; la texture était principalement sableuse. En projetant l’ensemble des observations sur une coupe longitudinale (Figure 12 G), on constate le ltf de Mons-Crotteux présente une pente moyenne de 2,3 m/km du S/SO vers le N/NE et on notera qu’elle est nettement supérieure à celle de tous les cours d’eau régionaux (Ourthe inférieure, 1 m/km ; Meuse, 0,3 à 0,5 m/km).
138N.B. Il existe à Mons-lez-Liège un site protégé où du cailloutis Onx est exposé et régulièrement présenté aux visiteurs intéressés (figure 12E). Il fait partie d’un dépôt de niveau inférieur aux deux cailloutis présentés ci-dessus. Il est à l’état remanié dans le vallon de Crotteux ; ses matériaux doivent provenir à la fois des cailloutis de Rondpéry et de Mons-Crotteux (figure 12C).
3.3.1.2. Sédimentologie
139Meunier (1953), puis Macar et Meunier (1955) ont produit une étude sédimentologique de la Traînée mosane, mais la typologie des galets qu’ils ont utilisée est incompatible avec celle que nous avons choisie pour notre étude. Nous en avons donc traité de nouveaux échantillons de façon à pouvoir effectuer des comparaisons pertinentes ; ils portent les labels Rop1 et Rop2 (niveau supérieur : cailloutis de Rondpéry) et MC1 ; MC2, MC3 et MC4 (niveau inférieur : ltf de Mons-Crotteux).
140Granulométrie (annexes 2 et 3B)
141À ce stade, on notera prioritairement que tous les indices granulométriques retenus montrent que le gravier du ltf de Mons-Crotteux est plus grossier que celui du cailloutis de Rondpéry. Ceci implique que la compétence de l’écoulement sur le replat de Mons-Crotteux était supérieure à celui du plateau. Bien que les prélèvements aient été effectués dans des lentilles graveleuses, la part de matrice (< 2 mm) est élevée, comprise entre 43 et 61 % à Rondpéry et entre 27 et 45 % à Mons-Crotteux.
142Fréquence de galets (annexe 3)
143Dans le cailloutis de Rondpéry, la fréquence des quartz est la plus élevée de tous les échantillons traités : 78,6 < Q’ <7 9,6 (moyenne : 74,6 %) ; 86,5 < Q’’ <8 7,1 (moyenne : 86,9 %). Ceci implique que plus de 87 % des galets proviennent de Haute Belgique. La part des galets friables varie de 2,2 à 3,1 % (moyenne : 2,5 %). La part des silex est de ~ 1%.
144Le cailloutis de Mons-Crotteux est en deuxième position dans l’ordre de fréquence de tous les échantillons traités : 68,4 < Q’ < 79,4 (moyenne 74,6 %) ; 80,3 < Q’’ < 84 (moyenne 82,4 %). Ceci implique qu’au moins 82 % des galets proviennent de Haute Belgique. La part des galets friables varie de 0,9 à 2,3 % (moyenne : 1,5 %). La part des silex est de ~ 1 %.
145Émoussé des galets de quartz (annexes 2 et 3B)
146L’indice d’émoussé de Wadell (Iw) est pratiquement identique dans les deux cailloutis : à Rondpéry, entre 0,759 et 0,765 (moyenne : 0,762) ; à Mons-Crotteux, entre 0,751 et 0,761 (moyenne : 0,760). Dans les deux cas, M’’ (91 % à Rondpéry et 95 % à Mons-Crotteux) atteste que les cailloutis sont constitués essentiellement de galets marins.
147Minéraux denses transparents (annexe 4)
148Parmi les mdt, la somme des ubiquistes est identique dans les deux dépôts (75 à 80 %) ainsi que celle des paramétamorphiques (~ 20 %), mais il existe des variations internes de fortes amplitudes d’un échantillon à l’autre.
3.3.1.3. Cailloutis de Rondpéry et de Mons-Crotteux : synthèse
149Le cailloutis de Rondpéry est en inversion de relief entre 195 et 200 m sur des terrains Om qui ont pratiquement conservé leur épaisseur originelle. Il est composé essentiellement de galets issus des roches de Haute Belgique. Sa granularité est particulièrement faible. Le ltf est orientée du sud vers le nord. L’indice d’émoussé de Wadell Iw et les indices M’’ attestent que l’émoussé des galets a été acquis en milieu littoral sous l’action de la houle. Le site de Rondpéry devrait être la trace d’un estuaire de la mer oligocène en régression.
150Le cailloutis de Mons-Crotteux est une quinzaine de mètres plus bas que celui de Rondpéry dont il est séparé par un abrupt. Son ltf répond à un écoulement du sud vers le nord. La fréquence des quartz et celle des galets marins est la plus élevée de tous les échantillons de Hesbaye liégeoise occidentale.
151Le cailloutis de Mons-Crotteux est séparé du précédent par un versant d’une quinzaine de mètres de dénivelée. Il s’est mis en place dans la couverture des terrains Om dont il n’a ménagé qu’une épaisseur résiduelle de ~5 m. Il se présente en deux lxtf qui ont été séparés par l’incision du ruisseau de Crotteux. La terrasse correspondante est orientée du S/SO vers le N/NE, elle est contrainte entre la butte du cailloutis de Rondpéry et les terrains Om de Hollogne-aux-Pierres et du Fort. Sa pente longitudinale est nettement supérieure à celle des cours d’eau régionaux et la probabilité de son basculement post-sédimentaire sera discutée plus loin. Iw est identique à celui de Rondpéry, mais sa granularité est un peu plus grossière. La relation entre les deux cailloutis est inhérente au fait que le ltf de Mons-Crotteux comprend nécessairement des éléments du cailloutis du plateau remanié par le cours d’eau qui s’est incisé sur son flanc SE.
4. Données complémentaires
4.1. Données adaptées concernant le site de référence de Bois de Breux
152À Bois de Breux (Liège-Est), il existe trois niveaux de très hautes terrasses qui constituent un site de référence dans une zone possible de confluence Ourthe – Vesdre – Meuse (Juvigné et Van Campenhout, 2020). Ils sont présentés sur la coupe de synthèse de l’article original qui est reproduite à la figure 13 : (1) BdB1 (b187 ; s194 ; d127) ; (2) BdB2 (b185 ; s188 ; d125) ; (3) BdB3 (b178 ; s183 ; d118). Ils se situent donc dans la tranche d’altitude des Graviers liégeois de la crête du plateau Rocourt (~ 191 m) sur le flanc opposé, mais aussi des cailloutis de Rondpéry et de Mons-Crotteux. Des données granulométriques de l’article original ont été adaptées pour permettre la comparaison (distributions granulométriques totales réduites au gravier s.s. ; déterminations pétrographiques complémentaires sur la base de la typologie nouvelle).
Figure 13 : Les très hautes terrasses du site de référence de Bois de Breux (Liège). (A) Coupe synthétique. Légende : 1 = faciès à dominante graveleuse ; 2 = faciès à dominante sableuse ; 3 = lentilles graveleuses minoritaires dispersées à différents niveaux dans des lentilles de sable dominantes ; 4 = socle houiller ; 5 = altitude de la base avec prolongement supposé ; 6 = sol (sens pédologique) ; 7 = position des échantillons évoqués. (B) Coupe transversale de la vallée de la Meuse depuis Bois de Breux jusqu’à Rocourt.
153On rappellera aussi que dans le travail original, les auteurs ont soupçonné pour la première fois un basculement transversal de la vallée de la Meuse en remarquant que : (1) à altitude identique sur les deux flancs de la vallée, il existait deux cailloutis très différents l’un de l’autre : à Rocourt, les Graviers liégeois et à Bois de Breux des cailloutis mosans ; (2) la partie supérieure du cailloutis de la T. de BdB1 (194 m) ne trouvait dans le relief actuel aucun versant gauche pour l’endiguer puisque les Graviers liégeois du plateau de Rocourt culminent à 191 m d’après les données de la carte géologique de Belgique.
154Granulométrie (annexes 2 et 3B)
155Les distributions granulométriques moyennes pour les trois niveaux de terrasse sont rapportées dans les annexes 2 et 3B. On en retiendra notamment que toute la variation de tous les indices ne correspond pas à l’ordre stratigraphique/altimétrique. Si les valeurs de BdB3 sont systématiquement inférieures à celle de BdB1, c’est dans BdB2 qu’elles sont les plus faibles. De la réalité de terrain, il est aussi ressorti que : (1) le niveau supérieur (BdB1) est essentiellement sableux ; (2) dans le niveau inférieur (BdB3) il existe d’épaisses lentilles sableuses intercalées dans la série graveleuse ; (3) le niveau intermédiaire (BdB2) est pratiquement dépourvu de lentilles sableuses.
156Fréquence de galets (annexe 3)
157Q’ (fréquence des quartz) et Q’’ (fréquence des quartz + quartzite) ne diminuent pas progressivement avec l’altitude conformément à ce type d’évolution reconnu dans la série de l’ensemble des terrasses de la Meuse (ex. Van Straaten, 1946). Les valeurs les plus faibles sont enregistrées dans le niveau intermédiaire (BdB2). La part des silex est particulièrement élevée dans BdB1 qui se trouvait au pied d’un versant où affleurent les terrains crétacés dont la Formation de Gulpen ; les apports de silex ont été interrompus par l’érosion régressive d’un ruisseau (ru des Houilleux) qui s’est incisé au pied du versant précité.
158Émoussé des galets de quartz (annexes 2 et 3B)
159La valeur moyenne de Iw ne varie pas progressivement avec l’altitude, elle est la plus faible dans le niveau intermédiaire (BdB2 : 0,694) par rapport au niveau supérieur (BdB1 : 0,720) et au niveau inférieur (BdB3 : 0,707. Il en est de même de l’indice M’’ avec dans l’ordre des terrasses : BdB1 (33,3 %) ; BdB2 (19,4 %) ; BdB3 (23,4 %).
160Minéraux denses transparents (annexe 4)
161Parmi les mdt, les ubiquistes représentent l’essentiel de la masse sur l’ensemble des trois niveaux. De BdB1 à BdB3, la fréquence du zircon varie en sens inverse de celui de la tourmaline, mais globalement les ubiquistes sont plus fréquents en BdB1 (82,8 %) et moins fréquents en BdB2 (73,8 %). Les paramétamorphiques constituent l’essentiel du reste de l’association.
4.2. Des hautes terrasses de l’Ourthe et de la Vesdre
162De façon à pouvoir approcher une relation entre les graviers étudiés et ceux du site de référence de Bois de Breux, nous avons ajouté des données relatives à des hautes terrasses des deux affluents principaux de la Basse-Meuse liégeoise : l’Ourthe et la Vesdre. Le choix des sites a été dicté par la possibilité d’atteindre le cailloutis dans les niveaux aussi élevés que possible et les moins éloignés de la confluence. Il s’agit : (1) pour l’Ourthe, du ltf de Chanxhe (195 ~ 200 m ; d95) à l’aval immédiat de la confluence Ourthe-Amblève dont la terrasse devrait se présenter à ~ 165 m à Chênée) ; (2) pour la Vesdre, du ltf de Prayon/Thiers (b145 ; s150 ; d35) dont la terrasse devrait se présenter à ~100 m à Chênée ; (3) pour la zone de confluence des deux cours d’eau du ltf de Mehagne (b ~ 160 ; s ~ 165 m). Nous en retiendrons essentiellement des données qui permettent de jeter les bases de l’évolution stratigraphique des critères sédimentologiques reconnus dans les cailloutis primitifs (annexes 2 et 3B). Ces données seront commentées plus loin.
5. Synthèse générale
5.1. Données de terrain
163- Le cailloutis du ltf de Boncelles est conservé en position primaire, en inversion de relief et en pente sur le plateau du même nom entre 260 et 271 m. Son épaisseur maximale rapportée dans la littérature est de 5 m. La nappe est en pente de 4 m/km vers le nord sur ~ 1,7 km de longueur, ce qui est nettement supérieur à la pente de la plaine inondable de l’Ourthe et de la Vesdre inférieures (~1 m/km) à l’approche de leur confluence. L’épaisseur des terrains Om sous-jacents est proche de 20 m.
164- Le cailloutis du ltf de Sart Tilman est conservé en position primaire entre 234 et 238 m en légère inversion de relief sur une aire de ~ 16 ha de part et d’autre de la ligne de crête de l’interfluve Meuse-Ourthe. Fourmarier (1919) a mis en exergue la « stratification entrecroisée de sable et de gravier » et la « base ravinante » dans le sable sous-jacent. Nous avons constaté que l’érosion fluviatile a réduit à ̴ 4 m l’épaisseur des terrains Om.
165- Un affleurement de Graviers liégeois a été identifié sur le flanc gauche de la vallée de la Meuse dans la sablière Gritten à Rocourt à ~ 183 m d’altitude.
166- Le cailloutis Onx de Seraing pose un problème dans la mesure où il n’a jamais été identifié en position primaire sous la couverture loessique généralisée sur le versant où il se trouve. Il repose au moins localement sur des restes de terrains Om.
167- Le cailloutis de Rondpéry se situe en inversion de relief entre 195 et 200 m et repose sur des terrains Om, dont l’épaisseur est de ~ 20 m. Les lentilles de gravier sont minoritaires par rapport à celles de sable, voire de limon argileux.
168- Le cailloutis de Mons-Crotteux se situe entre 183 et 187 m d’altitude à Mons-lez-Liège où il repose sur les terrains Om tronqués par l’érosion. La pente du toit de la terrasse est de 2,3 m/km du S/SO vers le N/NE ; elle est nécessairement supérieure à celle de tous les cours d’eau régionaux. Cette terrasse est séparée du cailloutis de Rondpéry par un abrupt dont la dénivelée est d’une quinzaine de mètres.
169- Les très hautes terrasses de Bois de Breux consistent en trois niveaux de cailloutis disposés en gradins entre 178 et 194 m d’altitude sur le flanc droit de la vallée de la Meuse. Le cours d’eau qui les a mis en place a érodé entièrement les terrains Om et poursuivi son incision dans le socle houiller. Paradoxalement, ces lxtf n’ont pas d’équivalents connus sur des replats pourtant accueillants de la vallée de l’Ourthe inférieure.
170- Des cailloutis de hautes terrasses de l’Ourthe et de la Vesdre inférieures ont pu être prélevés.
5.2. Sédimentologie
171Remarques préliminaires. Dans les figures qui suivent, pour ne pas aborder le problème complexe des raccords des lxtf précités avec les terrasses de la région étudiée [cf. Rixhon et al. (2011) vs Macar (1957) et Juvigné et al. (2005)], les indices sédimentologiques propres aux sites éloignés des hautes terrasses de l’Ourthe et de la Vesdre inférieures sont représentés à Chênée en fonction de leur dénivelée par rapport à la plaine inondable dans les sites respectifs. Une coupure dans l’ordonnée des graphiques avertit de leur valeur simplement indicative. Dans le même esprit, les indices propres aux plaines alluviales concernées sont représentés conformément aux données de Juvigné et al. (2020b). L’altitude choisie pour l’individualisation graphique de chaque site est intermédiaire entre la base et le sommet de son cailloutis.
5.2.1. Granulométrie
172Les données sont rassemblées dans les annexes 2 et 3B. Trois indices granulométriques ont été retenus pour être commentés : le mode, la médiane (D50) et le 3e quartile (D75) qui est le plus discriminant (figure 14). Les cailloutis de Rondpéry et de Mons-Crotteux sont nettement moins grossiers que tous les autres et celui de Rondpéry moins grossier que celui de Mons-Crotteux. Dans le site de référence de Bois de Breux, l’ordre altimétrique décroissant des trois terrasses (BdB1, BdB2, BdB3) ne correspond pas à l’ordre décroissant des indices ; BdB2 est plus grossier que ses deux encadrants. Enfin, il y a un net accroissement de la granularité lorsqu’on passe aux hautes terrasses des vallées de l’Ourthe et de la Vesdre inférieures et on peut y voir un accroissement de la compétence qui devrait être en relation avec une augmentation de la pente longitudinale au fil du temps.
Figure 14 : Indices granulométriques moyens des graviers de tous les sites étudiés.
5.2.2 Fréquence des quartz
173Les données sont rassemblées dans l’annexe 3.
Figure 15 : Indices de fréquence des galets de quartz (Q’) et de quartz + quartzite (Q’’). Explications : les échantillons des plaines alluviales (P.A.) ont été prélevés : pour la Vesdre inférieure à Chaudfontaine (carré noir) ; pour l’Ourthe inférieure à Tilff (cercle noir) ; pour l’Ourthe + Vesdre, à Angleur (triangle noir) dans une excavation de 6 m de profondeur (tranchée d’égout) à l’aval immédiat de la confluence.
174- Dans l’ensemble, on notera tout d’abord une rupture lithologique majeure sous ~165 m entre, d’une part, les niveaux supérieurs particulièrement riches en quartz et en quartzites et, d’autre part, les niveaux inférieurs nettement plus pauvres. Cette évolution doit être la conséquence de l’épuisement des sources d’altérites des roches de Haute Belgique et de l’incision progressive des cours d’eau dans les roches de moins en moins altérées du socle paléozoïque en général. Dans ce sens, les valeurs minimales sont atteintes dans les plaines alluviales, et plus particulièrement dans celle de la Vesdre, tandis que l’Ourthe inférieure reste alimentée par les nappes de Graviers liégeois de l’interfluve à l’aval de Tilff (lieu de prélèvement du dernier échantillon de l’Ourthe inférieure). Ceci permet de comprendre la raison pour laquelle, même à l’aval de la confluence Ourthe-Vesdre les fréquences continuent d’augmenter par rapport au site de Tilff.
175- Les Graviers liégeois de Boncelles et de Sart Tilman sont composés d’au moins trois quarts (Q’’) de galets provenant de roches de Haute Belgique.
176- Le cailloutis Onx de Seraing n’aurait jamais dû être classé dans le groupe des Graviers liégeois par Pissart (1964) ni même dans les Onx dans la mesure où la fréquence des quartz est faible (48 %) (cf. Boncelles, 64% ; Rondpéry, 79 % ; Mons-Crotteux, 75 %). Ceci implique la présence d’une part particulièrement élevée de grès paléozoïques, et de ce fait un bassin versant qui ne peut être recherché qu’à l’ouest de Seraing et non au sud de l’interfluve Meuse-Ourthe.
177- Les cailloutis de Rondpéry et de Mons-Crotteux sont très riches en galets de quartz et quartzite (Q’’ >8 0%) provenant de roches de Haute Belgique. La fréquence des éléments friables est parmi les plus faibles (< 2,5 %).
178- L’échantillon U2A est le plus riche en quartz et quartzite (Q’’ > 87 %) de tous les sites étudiés.
179- Les trois terrasses de Bois de Breux contiennent 67 à 80 % (Q’’) de galets provenant de roches de Haute Belgique. La terrasse supérieure (BdB1) présente une texture extrêmement sableuse et la fréquence la plus élevée de galets friables (5,6 %).
5.2.3 Émoussé des quartz (Qss) (annexe 3B)
180La visualisation du sens de l’indice d’émoussé de Wadell (Iw) par analyse d’image est illustré par la figure 16A sur laquelle apparaît clairement la différence de forme entre les galets fluviatiles de Boncelles et ceux marins de Rondpéry. Une planche reprenant les photos de chaque site est en annexe 7. On remarquera que la majorité des quartz de Rondpéry présentent des cassures avec un émoussé secondaire différemment évolué qui justifie que l’indice Iw de l’élément peut être faible. Toutefois lors du tri visuel, si la partie non fracturée montre un émoussé marin, l’élément est intégré dans les quartz marins et contribue aux valeurs élevées de M’’. Il ne faut donc pas chercher une relation statistique entre les indices Iw et M’’, mais y voir une complémentarité.
Figure 16 : Indices d’émoussé des quartz des huit sites étudiés, ainsi que de terrasses et de la plaine alluviale de l’Ourthe et de la Vesdre. N.B. Une planche de photos (telles que soumises à l’analyse informatique) est présentée dans l’annexe 7A. (A) Contraste entre l’émoussé des quartz fluviatiles de Boncelles et ceux marins de Rondpéry. (B) Moyenne et médiane de l’ensemble des quartz de chaque site. (C) 3e quartile de l’ensemble des quartz de chaque site.
181Le dépouillement des valeurs propres à chaque galet est présenté dans l’annexe 7B sous la forme d’histogrammes dans lesquels les quartz sont groupés par pas de deux centièmes d’indice d’émoussé.
182Les distributions sont évidemment d’autant plus régulières que le nombre d’éléments est élevé (Boncelles, n = 658; Sart Tilman, n = 686; Mons-Crotteux, n = 410); par contre les plus irrégulières sont celles des terrasses de l’Ourthe et de la Vesdre évoquées pour servir à l’interprétation des observations des sites étudiés : Mehagne (n = 64) et Chanxhe (n = 85). Dans l’absolu, sur un total de ~3000 mesures, le galet de plus faible émoussé est dans le ltf de Sart Tilman (Iw = 0,460) et le plus élevé dans le ltf de Mons-Crotteux (0,926). Par ailleurs, par comparaison entre Iw et M’’, on peut admettre que les valeurs de Iw > 0,81 représentent les galets marins entiers et dans ce cas, à Rondpéry et Mons-Crotteux, ceux-ci constituent ~ 30% de la population, tandis que dans les Graviers liégeois (Boncelles et Sart Tilman), ils ne sont que ~ 2%. On constate aussi que : (1) les moyennes et les médianes de tous les sites des bassins de l’Ourthe et de la Vesdre présentent des valeurs inférieures à 0,680 quel que soit le niveau depuis les Graviers liégeois de Boncelles (270 m) jusqu’aux hautes terrasses de l’Ourthe et de la Vesdre. Par ailleurs, les valeurs rapportées pour les plaines alluviales (Juvigné et al., 2020b) indiquent qu’il ne faut pas attendre de déviation dans les niveaux de terrasses inférieures ; (2) tous les indices moyens des galets marins du plateau de Hesbaye liégeoise occidentale (Rondpéry et Mons-Crotteux) sont supérieurs à 0,760 ; (3) les indices moyens des trois terrasses de référence de Bois de Breux présentent des valeurs intermédiaires entre les deux précédentes ce qui atteste une origine mixte des matériaux en provenance d’une part de l’Ourthe et d’autre part du plateau de Hesbaye liégeoise occidentale. De plus ces valeurs sont assorties d’un désordre stratigraphique.
5.2.4 Galets friables (annexe 3)
183La fréquence de galets friables : (1) est particulièrement élevée dans les Graviers liégeois de Boncelles où elle est en moyenne de 17 %, et même un tiers des galets dans la partie inférieure du cailloutis Bon1 ; (2) ne dépasse pas 5% dans aucun des autres cailloutis examinés. Par ailleurs, il faut constater que les galets de roches autres que les quartz et les quartzites sont très minoritaires.
5.2.5 À propos de la signification des minéraux denses transparents (annexe 4)
184Les variations des rapports internes des fréquences de chaque minéral dans un même dépôt ont été soulignées plus haut ; elles ne peuvent qu’être confirmées dans l’ensemble des résultats qui les concernent. Néanmoins, on peut mettre en exergue des fréquences systématiquement plus faibles des minéraux paramétamorphiques dans les Graviers liégeois (moins de 13 %) par rapport aux cailloutis de Hesbaye (plus de 13%).
5.2.6 Provenance des éléments des cailloutis
185- Provenance des galets
186Dans tous les sites étudiés, la fréquence toujours majoritaire du groupe quartz + quartzite atteste que les bassins versants des cailloutis tant de l’interfluve Meuse-Ourthe que de la Hesbaye liégeoise, remontaient jusqu’aux roches de Haute Belgique (rappel : roches cambro-ordoviciennes et dévoniennes adjacentes). Sur l’interfluve, les galets sont arrivés du plateau des Hautes Fagnes par voie directe du SE vers le NO, tandis que la Meuse de Dinant et ses affluents descendant des massifs du Serpont, de Givonne et de Rocroi ont contribué à l’approvisionnement des cailloutis de la T. de Mons-Crotteux. Des phyllades, des schistes et des grès dévoniens ont nécessairement été incorporés dans les alluvions le long des itinéraires respectifs, mais beaucoup n’ont probablement pas résisté à l’usure mécanique et à l’altération physico-chimique ; les 6 à 32,7 % de galets friables font partie de cette population.
187- Fréquence des minéraux denses transparents (annexe 4)
188Le rapport de fréquence ubiquistes/paramétamorphiques est : (1) le plus élevé dans la matrice sableuse du cailloutis de Boncelles (17,2) ; (2) le plus faible dans la matrice sableuse des cailloutis de Hesbaye liégeoise (3,9 <U/P <4,2) ; (3) intermédiaire dans les cailloutis de Sart Tilman (6,2) et de Seraing (10) ; (4) intermédiaires et en désordre stratigraphique à Bois de Breux (BdB1 : 6,2 ; BdB2 : 3,3 ; BdB : 3, 4).
6. Conclusion
189Cette somme de données inédites conduit à un modèle d’évolution morpho-sédimentaire du réseau hydrographique primitif de la région liégeoise qui est fondamentalement différent de tous ceux qui existent dans la littérature. Il fait l’objet de l’article qui suit dans la présente revue.
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